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Tigran Arakelian, le Président de la CCI France-Arménie fourmille d’idées et de projets innovants

igran Arakelian est Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie France-Arménie depuis 2020. Quand il a pris ses fonctions, il n’avait pas 30 ans.

Copyright photo A. Bordier

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Tigran Arakelian est Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie France-Arménie depuis 2020. Quand il a pris ses fonctions, il n’avait pas 30 ans. Ambitieux et énergique, il veut promouvoir l’Arménie auprès des entreprises françaises et multiplier les projets franco-arméniens. Il est, aussi, directeur du développement des activités de l’entreprise Arterail. Eclairage sur un homme passionné et passionnant.

Sa démarche énergique, sa poignée de main chaleureuse et vive à la fois, son franc-parler en disent long sur le jeune trentenaire qui porte habituellement la cravate, la veste et le jean. Il fait, d’ailleurs, penser au personnage héroïque du roman de Paul Morand, Pierre Nox, qui est un antiquaire parisien à succès. Le titre de ce roman de 1941, qui deviendra un film en 1977, et, dans lequel Alain Delon jouera le rôle principal : L’homme pressé. La ressemblance s’arrête-là, dans le geste, dans la façon de se déplacer, dans le mouvement. Car le terrain de jeu de Tigran n’est pas celui de Pierre. Tigran est devenu un acteur important dans le secteur de la mobilité et des réseaux ferroviaires. Son entreprise, Arterail, a remporté l’appel d’offres pour créer la première voie ferroviaire qui reliera Etchmiadzin, Zvartnots, et Erevan. En tout, une nouvelle ligne régionale d’une vingtaine de kms qui connectera la Cité Sainte du Catholicos Karekine II (l’équivalent du Saint Siège à Rome, où réside le pape François), à l’aéroport, pour arriver au terminus, la capitale.

Avec sa casquette de Directeur Régional des pays du CIS de cette PMI innovante, experte dans le ferroviaire, et, basée à Lille, Tigran donne son impulsion dans le dimensionnement de plus en plus international de l’entreprise. Fondée à Lille par Jérôme Garcia, un ancien de l’Institut Catholique des Arts et Métiers (ICAM), l’entreprise fêtera ses 10 ans d’activité cette année. En 2022, son chiffre d’affaires dépasserait les 15 millions d’euros, et risque de doubler de taille dans les 5 ans à venir, au rythme de son développement commercial actuel. Car, elle est, aussi, présente en Suisse, au Maroc. Elle vient de décrocher un contrat en Arabie Saoudite et à Madagascar.

En Arménie, explique Tigran, « le projet est entré dans sa phase de réalisation. Nous allons fluidifier une région où près de 70% de la population du pays vit et travaille. »

Un ambassadeur économique est né ?

En 1991, le jeune président voit le jour en Arménie, à Artashat. « Ma ville natale se situe à une trentaine de kms au sud-ouest d’Erevan. Mon père est français et ma mère est arménienne. Très tôt, nous sommes partis en France où j’ai vécu principalement. J’y ai fait toute ma scolarité. Je m’y suis même engagé politiquement. J’ai de la chance, car je porte en moi les valeurs françaises et les valeurs arméniennes. »

En 2020, il est, donc, élu Président à la Chambre de Commerce et d’Industrie France-Arménie. A son arrivée, « la CCI était devenue passive, il n’y avait plus beaucoup d’activités. Il y avait un gap, un décalage trop significatif entre la réalité des relations culturelles, diplomatiques et politiques franco-arméniennes, et, celle des relations économiques, des créations, des échanges, des implantations, et, des investissements franco-arméniens. Les premières étaient à un niveau très élevé, les secondes (NDLR : économiques) étaient au plus bas. » Le décor est planté.

Aujourd’hui, la CCI est composée de 83 entreprises membres, qui représentent plus d’1,5 Mds d’euros de chiffre d’affaires, et, plus de 12 000 emplois en Arménie. Parmi les fleurons, citons Veolia, Renault, Carrefour, Pernod Ricard, l’Université Française en Arménie (UFAR), Amundi-ACBA, Bureau Veritas, Amber Capital, Kilikia, Galaxy Group, SoftConstruct, America Bank, etc.

Des grandes enseignes françaises en Arménie

L’enseigne Carrefour s’est implantée sous la forme d’une franchise-pays détenue par le groupe Majid Al Futtaim, présent en Afrique et au Moyen-Orient. Le siège social de ce groupe familial, qui pèse plus de 10 milliards de dollars de revenus, se trouve à Dubaï. Il a ouvert son premier hypermarché en 2015, puis, son second en 2018 dans le Yerevan Mall.

Le groupe Pernod-Ricard est arrivé en terres arméniennes dès 1998. Le groupe Marseillais, diaspora oblige, connaît bien le peuple arménien. Dans la cité phocéenne, ils sont près de 150 000 arméniens à s’y être installés depuis le 15è siècle. Fuyant le génocide de 1915, perpétué par le gouvernement des Jeunes Turcs, ils sont arrivés en masse en Provence. En 2016, une délégation du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône est venue en visite officielle pour renforcer les liens entre les deux pays. La délégation s’est rendue à la Yerevan Brandy Company (Երևանի Կոնյակի Գործարան), rachetée pour 30 millions de dollars par Pernod-Ricard. Le brandy local est devenu une véritable marque stratégique, qui s’exporte en Biélorussie, en Ukraine et en Russie. Avec la guerre en Ukraine, les exportations sont tombées au point mort.

Dans les télécoms, le groupe Orange a obtenu, en 2008, sa licence d’exploitation. Il a mis un an pour déployer son réseau 2G et 3G+ et pour couvrir près de 80% de la population. 6 ans plus tard, en 2015, il cède la société Orange Arménie à Ucom, un fournisseur d’accès internet local, filiale du groupe Galaxy, qui appartient à la famille Khachatryan.

Autre secteur : celui de l’eau. En 2006, Veolia obtient le contrat de gestion des services d’eau de la capitale. Puis, en 2017, 800 millions d’euros sur 15 ans sont signés pour être investis dans l’affermage des services d’eau et d’assainissement. Tout le pays est concerné. Veolia est un des principaux employeurs du pays, avec plus de 1 500 personnes.

Faciliter et booster le business

Avec son équipe et ses membres de la CCI France-Arménie, Tigran change de casquette et revêt celle du facilitateur d’affaires. « Effectivement, mon rôle est de faciliter les projets d’investissements français en Arménie, qu’ils soient privés, publics, ou semi-publics. Nous apportons, également, toute notre expertise pour monter des projets de financement. Nous pouvons intervenir en direct pour financer certains projets. Il existe, aussi, des fonds qui sont membres de la chambre. Nous bénéficions, ainsi, de la présence d’Amundi, qui est le plus gros fonds d’investissement en Arménie. Nous recherchons, d’ailleurs, des projets à financer. »

La CCI accompagne les sociétés pour le financement de leurs équipements et de leurs infrastructures, comme, par exemple, les entreprises du secteur agricole. Parmi les projets français qui pourraient bénéficier des fonds de la CCI, il y a celui de la création d’une ferme avec des vaches bleu-blanc-rouge, pour produire du fromage français en Arménie. « Les Arméniens raffolent du fromage français », rajoute Tigran, qui est un gastronome averti.

Parmi les membres de la CCI, citons un de ceux qui évoluent dans le secteur des NTIC, comme Softconstruct, qui emploie plus de 5600 personnes dans le monde, dont les ¾ en Arménie. Cette société s’est spécialisée dans le développement d’applications informatiques. C’est la 1ère licorne arménienne. Elle a bénéficié du réseau et des services de la CCI, et, elle a, déjà,  investi plusieurs centaines de millions d’euros en Arménie (ce qui correspondrait à plusieurs milliards d’euros, selon nos standards). Elle compte, maintenant, investir en France, où elle a démarré une partie de ses activités de développement. « Ce groupe familial est incroyable. Au départ, il produisait des yaourts (NDLR : nous sommes dans les années 90), puis, il distribuait du carburant. Ensuite (NDLR : dans les années 2000), il est devenu incontournable dans le secteur informatique et du gaming. Depuis quelques années, il est même devenu le premier investisseur privé arménien en France », complète Tigran. Fondé par les frères Badalyan, Vigen et Vahé détiennent, aussi, la banque Fast Credit, qui compte bientôt s’implanter en France. En tout, la galaxie Badalyan, c’est plus d’une trentaine de sociétés. De quoi voir l’avenir en Arménie en rose (la couleur préférée du groupe avec le orange-abricot).

Une CCI en mouvement

L’emploi du temps du jeune président Tigran est chargé. « Je viens en Arménie une semaine sur deux. Mon temps est ensuite réparti entre mes engagements auprès de la société Arterial et ceux de la CCI. Je travaille presque 24h/24. » Opérationnellement, il peut s’appuyer sur Victor Warin, le directeur de la CCI. « Victor a un rôle clef au sein de la CCI, car il gère tous les dossiers au quotidien. » Tigran a de l’énergie, cela se voit, cela s’entend au son de sa voix. Célibataire, il a fait de son mandat un véritable sacerdoce.

Ses réponses sont rapides et précises. Il ressemble à un coureur de fonds qui sprinte tout le temps. Sa journée du moment court au rythme marathonien. Il est au téléphone, passe d’un rendez-vous à l’autre, salue, sourit et prend le temps de répondre à quelques questions. Il se rend avec sa propre voiture, qu’il a fait venir de France, à des rendez-vous d’affaires. En ce moment, il doit répondre à plusieurs invitations, dont celle d’un évènement de présentation de la toute jeune société Xelq, qui propose des formations de coding, pour le développement informatique de sites internet. La jeunesse, ici en Arménie, est vraiment le cœur qui fait battre le pays et construit son futur. Elle regarde devant.

Sur les lieux de l’évènement, on se retrouve dans l’atelier de fabrication des tapis emblématiques Megerian. C’est, déjà, la 5è génération qui est aux commandes de l’entreprise, née au début du siècle dernier, en 1917. Dans cette véritable manufacture de 5000 m2 sont exposés des tapis, des moquettes, et, d’autres objets artisanaux fabriqués à la main. Tous les grands de ce monde y viennent faire leurs achats : du pape François et du Catholicos, à Kim et Khloe Kardashian, en passant par Charles Aznavour et Tracy Morgan, etc. Le profane et le sacré s’y côtoient, le cinéma et le lyrique, également. Dans une des pièces transformées en auditoire pour la présentation de leur nouvelle société, les jeunes entrepreneurs sont là. Tigran s’assoit, l’ambiance est à la fois festive et sérieuse, professionnelle. Il salue au loin Madame l’Ambassadrice, Anne Louyot, qui a remplacé en septembre dernier Jonathan Lacôte. L’interview reprend dans cet environnement feutré de …tapis.

L’énergie verte et l’Union Eurasiatique

Un projet tient, particulièrement, à cœur du président : celui de l’énergie, et, plus exactement, celui de la production de bio-éthanol. « Ce qu’il faut savoir, c’est qu’ici, en Arménie, 70% des véhicules roulent au gaz. Les problèmes de sécurité sont très importants. Il y a beaucoup d’accidents. Des bus, des voitures prennent feu. Nous travaillons avec le gouvernement arménien pour interdire les bonbonnes de gaz dans les véhicules, et, surtout, pour mettre en place une nouvelle énergie verte : celle du bioéthanol. » Visiblement, Tigran est passionné par le sujet. Il parle longuement, sans discourir, de la production, de la matière première : la betterave, la pomme-de-terre. Il en vante les mérites : le prix et l’avantage écologique indéniable. Il précise : « Nous travaillons, actuellement, pour monter un conglomérat d’industriels à la fois français et arménien. L’idée est de créer une joint-venture. Nous avons les fonds comme Amundi et Amber Capital qui pourraient financer… » Tigran s’interrompt pour répondre à un appel téléphonique. Il ouvre son agenda, où il a noté un évènement important : l’organisation du 1er Sommet Economique Franco-Arménien, qui se déroulera en septembre prochain à Paris.

Dernier sujet majeur pour le président : la création du statut de l’artisan, qui n’existe pas en Arménie.  « Il y a plusieurs avantages pour une TPE, une PME-PMI française de venir commercer et s’installer ici : premièrement, nous pouvons financer les projets ; deuxièmement, les taxes sont basses. Les salaires moyens tournent autour de 300 euros nets par mois. Et, la vie est moins chère qu’en France. Enfin, un avantage et non pas des moindres pour l’export : l’Arménie est membre de l’Union Eurasiatique, dans laquelle se retrouvent la Russie, le Kazakhstan, le Bélarus, le Kirghizistan. Soit un accès à 200 millions de consommateurs. »

Des objectifs, un rêve et une vision

Face à un tel environnement et à de tels enjeux, le rôle de la Chambre de Commerce et d’Industrie France-Arménie est indéniable, voire majeur. Ses ambitions prennent de l’ampleur. La CCI a-t-elle, cependant, les moyens de ses ambitions ? « Oui », répond presque en tonnant Tigran. Oui, financièrement, car il manque les projets, les sociétés. L’appel du 3 mai, de Tigran vers les PME-PMI françaises, est lancé. Sera-t-il entendu ?

Tigran se lève et marche d’un pas rapide en direction de la sortie de Megerian. Quelques personnes le saluent. Il fait de même. Il reprend sa voiture. Direction le centre-ville pour un autre évènement professionnel. A peine le temps de souffler…

Dans un contexte géo-politique difficile, un des objectifs de Tigran Arakelian et de son conseil d’administration, composé de 9 membres, dont deux femmes, Marianna Shahinyan, de Veolia, et Tatevik Harutyunyan de Grant Thornton, est de doubler le nombre de ses membres, dans les 5 prochaines années. Les autres objectifs et leur vision sur le long terme ?

« Renforcer l’amitié économique franco-arménienne, et, participer à la construction de l’Arménie du futur », où la jeunesse et les projets innovants ont le premier rôle. « C’est mon rêve », ajoute en souriant l’homme pressé.

Pour en savoir plus : https://www.ccifrance-armenie.com/

Antoine Bordier


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