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Afrique/Europe : une histoire écrite autour d’accords trompeurs et d’inégalités flagrantes

Entreprendre - Afrique/Europe : une histoire écrite autour d’accords trompeurs et d’inégalités flagrantes

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La chronique économique hebdomadaire de Bernard CHAUSSEGROS

DOSSIER SPECIAL : Les nouveaux enjeux de l’Afrique

Les pays européens ont, depuis des siècles, trouvé en Afrique de quoi assurer leur prépondérance économique et politique sur le monde. Parfois sans vergogne et sans limites. Les premiers contacts se sont limités aux territoires côtiers et aux embouchures des grands fleuves. Par des accords avec des potentats locaux, la France et l’Angleterre et, à une moindre mesure le Portugal et l’Espagne, ainsi que l’Allemagne et l’Italie, ont fondé des comptoirs commerciaux destinés à développer des échanges et très rapidement pour mettre en œuvre ce que l’on a appelé le commerce de l’ébène.

Ces comptoirs ont servi de base, pour des européens aventureux qui ont progressivement pénétré l’intérieur du continent africain pour implanter des colonies de plus en plus vastes qui se sont transformés dès le XIXe siècle en empires. Ce à quoi on a assisté alors s’apparente à une captation organisée des richesses naturelles impliquant toujours en partie la collaboration, pour ne pas dire la complicité, des responsables locaux, rois et chefs de tribus notamment. L’Afrique a la particularité, dans son immensité, d’être divisée non pas en Nations, mais en une quantité innombrable tribus, regroupées par langues et par ethnies.

Les nations européennes n’ont eu finalement aucune difficulté à prospérer dans la mesure où les africains étaient très souvent désunis et en guerre larvée entre ethnies, même au sein de territoires limités. Le constat peut d’ailleurs être fait de nos jours que ces oppositions, ces « révolutions de palais », persistent toujours au moindre coup d’État et qu’elles se traduisent par des combats idéologiques entre ethnies rivales.

Les colonisateurs ont parallèlement été vecteurs de progrès, dans le domaine culturel et dans le domaine social, en important leur histoire et leurs coutumes, des valeurs philosophiques et culturelles, ainsi qu’une vision de la société marquée par une organisation administrative et juridique ancestrale, apports qui se sont avérés structurants pour des pays aux histoires si morcelées. Tout n’a donc pas été négatif dans les relations entre l’occident chrétien et l’Afrique animiste. Sous l’influence de nombreuses personnalités éclairées dont Pierre Savorgnan de Brazza est une des images les plus connues, les pays colonisateurs ont voulu apporter l’éducation, la santé et les progrès scientifiques, dans le contexte de valeurs démocratiques comme la liberté ou l’égalité.

C’est sur de telles bases qu’après la seconde guerre mondiale, la plupart des colonies d’Afrique ont recherché et obtenu leur indépendance, généralement sus l’impulsion d’hommes d’État formés dans les universités britanniques ou françaises. Tout n’a malheureusement pas été parfait dans cette « révolution » culturelle et les pays européens ont longtemps conservé des réseaux locaux pour continuer de contrôler leurs intérêts tout en favorisant les intérêts personnels et privés des nouveaux dirigeants.

Le manque de vision d’avenir des européens

Depuis quelques années, les vieux accords entre colonisateurs et colonisés sont remis en cause et souvent se renversent pour aboutir à des accords nouveaux avec des puissances encore plus avides comme la Russie et la Chine. Pour ce qui concerne les intérêts de la France, les manipulations des esprits élaborées par des groupes de pression souvent mafieux ont récemment abouti de manière extrêmes à l’expulsion de nos forces armées ou de nos entreprises de pointe.

On en a de récents exemples avec les décisions des dirigeants africains du Mali, du Niger ou du Burkina Faso, qui ont conduit la France à exfiltrer ses forces armées (Barkane), laissant ainsi libre place aux groupements terroristes djihadistes qui occupent les territoires de l’Afrique Subsaharienne et qui s’opposent désormais ouvertement avec un certain succès aux forces gouvernementales soutenues, on l’a vu ces derniers jours, par les miliciens du groupe Wagner, qui, s’il a été dissous, poursuit pour la Russie ces opérations de manipulations, et, surtout, ses opérations de captation des richesses naturelles présentes dans les sous-sols du continent.

C’est dire aussi que nos dirigeants ont sans doute péché par leurs excès, confiance et sentiment de supériorité ! Ils n’ont sans doute pas perçu à quel point leur compréhension de l’Afrique aurait eue intérêt à évoluer depuis longtemps afin que le devenir des peuples africains soit pris en compte de manière plus cohérente et plus respectueuse. Ils auraient dû mieux intégrer dans leurs raisonnements la façon dont les influences en Afrique ont été redéfinies, alors qu’elles suivent un processus complexe et profondément influencé par les changements gouvernementaux et la nouvelle géopolitique mondiale. Plusieurs facteurs auraient pu contribuer à cette redéfinition, et il est important d’en connaître les interactions entre acteurs régionaux et mondiaux pour comprendre pleinement ces dynamiques.

Les populations africaines sont parmi les plus jeunes de la planète et sont, de ce fait, très tournées vers les nouvelles technologies de l’information, la communication ou la fracture numérique. Les jeunes générations africaines sont donc en prise directe avec un monde en pleine évolution et leur dynamisme s’oppose ainsi aux scléroses des populations vieillissantes du vieux continent. Les gouvernements des pays africains émergeants, comme le Sénégal ou le Congo Brazzaville par exemple, ont engagé d’importantes réformes qui font de ces pays des concurrents performants dans le domaine de l’économie informatisée.

Des changements inéluctables dans les visions politiques économiques et environnementales

Les changements politiques au sein des pays africains ont évidemment un impact significatif sur leurs relations internationales. Les gouvernements nouvellement élus adoptent désormais des politiques différentes, qui ont une influence sur leurs alliances et leurs partenariats.

La stabilité politique d’un pays est une donnée désormais cruciale qui favorise le développement des investissements étrangers et des partenariats solides. Les changements gouvernementaux, notamment quand ils se font en période d’instabilité, affectent obligatoirement l’attrait d’une jeune nation sur la scène internationale.

Les changements gouvernementaux influencent systématiquement les politiques économiques d’un pays. C’est le cas des réformes fiscales, des politiques commerciales et des investissements dans les infrastructures. Il s’agit là de facteurs qui affectent fatalement l’attrait économique du pays aux yeux des investisseurs étrangers et des partenaires commerciaux.

En matière de droit des personnes, et plus largement de « Droits de l’homme », les engagements d’un gouvernement pour le respect des droits de l’homme jouent également un rôle important dans les relations internationales qu’il entend nouer. Les changements dans la protection des droits fondamentaux influenceront de facto les sanctions internationales, les accords commerciaux et les partenariats diplomatiques.

En matière de sécurité nationale, les prises de position gouvernementales des jeunes nations africaines, ainsi que les modifications dans les politiques de sécurité nationale entraînent toujours des implications importantes sur la scène internationale. Les alliances militaires, la participation à des opérations de maintien de la paix et la coopération en matière de lutte contre le terrorisme peuvent toutes être affectées par les changements de politique, parfois mal compris car excessif, dans le domaine de la sécurité nationale. C’est d’ailleurs aussi le cas dans le monde si particulier de la diplomatie. Un changement de gouvernement peut souvent entraîner des ajustements dans la diplomatie d’un pays. C’est un fait connu que les nouvelles administrations cherchent souvent à réorienter leurs relations avec d’autres nations, à réévaluer les alliances existantes ou à explorer de nouveaux partenariats.

En matière environnementale, particulièrement dans le contexte actuel qui voit l’ensemble des pays du monde réfléchir aux bouleversements climatiques, sans forcément se mettre d’accord sur la conduite à tenir, les politiques adoptées par un gouvernement auront également un rôle crucial dans les relations internationales. La participation à des accords internationaux pour lutter contre le réchauffement climatique, la gestion des ressources naturelles et la promotion du développement durable seront selon toute vraisemblance des éléments clés pour l’équilibre mondial

Par voie de conséquence, les changements, dans les pays africains, de leur politique d’immigration et de gestion des flux migratoires auront un fort impact sur les relations avec leurs voisins et surtout avec les pays d’Europe occidentale, en particulier lorsque cela concernera des questions de coopération internationale et de droits des réfugiés.

Il est constant que les changements de gouvernance politique des pays africains qui commencent à atteindre leur « majorité » vont avoir des répercussions étendues sur divers aspects des relations internationales, allant des domaines politiques et économiques aux questions de droits de l’homme, de sécurité et d’environnement. L’analyse de ces facteurs est essentielle pour comprendre comment un pays peut évoluer sur la scène mondiale en fonction de ses décisions politiques internes.

La prise en compte d’une nouvelle géopolitique mondiale

Il convient d’évoquer deux aspects importants : la multipolarité et la coopération Sud-Sud. S’agissant de la multipolarité, il faut tenir compte de l’émergence de nouvelles puissances, comme la Chine, l’Inde et la Russie qui sont des acteurs de plus en plus importants sur la scène mondiale. Cette multipolarité signifie que le monde ne sera plus dominé par une seule superpuissance, mais plutôt par plusieurs centres de pouvoir.

Il faut donc tenir compte de la diversification des partenariats. Dans un tel contexte, l’Afrique peut chercher à diversifier ses partenariats au-delà de ses relations traditionnelles avec l’Occident. Cela pourrait impliquer le renforcement des liens économiques, politiques et culturels avec ces nouvelles puissances émergentes.

Une nouvelle coopération Sud-Sud aboutira à un renforcement des liens intracontinentaux. Les pays africains vont chercher à renforcer leur coopération entre eux, en développant des relations plus étroites au sein du continent, en ayant recours à des accords économiques, politiques, et sociaux répondant à des enjeux communs.

Il s’agit d’une attitude politique que demandera autonomie et solidarité ! La coopération Sud-Sud peut ainsi être perçue comme une voie vers une plus grande autonomie, où les nations africaines collaborent pour résoudre leurs propres problèmes sans dépendre exclusivement des partenaires extérieurs.

En résumé, cette évolution géopolitique offre déjà à l’Afrique l’opportunité de diversifier ses partenariats, de renforcer la coopération intracontinentale et d’affirmer son autonomie dans un monde multipolaire. Ces tendances pourraient également avoir des implications significatives sur le développement économique, politique et social de l’ensemble du continent africain.

Il est essentiel de noter que les interactions complexes entre les changements gouvernementaux et la nouvelle géopolitique façonneront le paysage des influences en Afrique. S’ils le veulent vraiment et s’ils ne sombrent pas dans les manipulations voulues par des puissances aux ambitions perverses, les gouvernements africains peuvent tirer parti de ces dynamiques pour promouvoir le développement durable, la paix et la prospérité sur le continent.

Bernard Chaussegros


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