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Ces Français expatriés en Egypte

Corine Remande et Alain-Noël Couraud dirigent l'association Caire Accueil, devenue incontournable pour les expatriés français en Egypte. Eclairage.

La Caire

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De notre envoyé spécial en Egypte, Antoine Bordier

Combien de Français se sont-ils expatriés en Egypte ? A l’heure où l’Egypte fait office de gardien de la Paix, dans un Proche-Orient en feu, afin que ce dernier ne consume pas les pays limitrophes à Gaza, à Israël et au sud Liban, la question se pose. D’ailleurs, l’Egypte serait-elle, elle-même, en danger ? Y aurait-il des problèmes de sécurité ? Non, pour les Egyptiens interrogés – des chauffeurs de taxi, pour la plupart – « l’Egypte est plus “safe » (en sécurité) que certains quartiers de France ».

Il est vrai que depuis sa première élection – il y a 10 ans, le 8 juin 2014 – le président de la République (au régime semi-présidentiel) Al-Sissi en a fait l’une de ses priorités. On aurait pu croire que les évènements tragiques du Printemps arabe, qui ont commencé en décembre 2010 en Tunisie, et qui ont mis le feu dans tout le Maghreb et le Moyen-Orient, auraient pu avoir des conséquences très négatives sur le moyen et long terme. Il n’en est rien. Mais sur le court terme l’Egypte, le 3è pays le plus peuplé d’Afrique, avait entamé le capital de sympathie des sociétés françaises installées depuis des décennies. Ce qui a été vrai entre 2011 et 2014, ne l’est plus de nos jours. En 2011, plusieurs dizaines de Français employés par des filiales de grands groupes quittaient le sol égyptien.

Etat des lieux de 2011

Alstom emploient à l’époque près de 300 personnes en Egypte. L’entreprise a un grand chantier devant elle : la rénovation du métro du Caire. Une trentaine d’expatriés ont dû rentrer en France. Dans la grande distribution, chez Carrefour la question du retour s’est bien posée. En Egypte, les 5 ou 6 enseignes sont des franchises détenues par le groupe Al-Futtaim, un groupe familial diversifié qui pèse plusieurs milliards d’euros, et dont le siège social est basé aux Emirats. Au final, selon nos informations, aucun expatrié n’est rentré.

Du côté du célèbre armateur CMA-CGM, détenu par la famille Saadé, et dont les activités principales se situent à Alexandrie, Damiette et Port-Saïd, la version officielle était celle-ci : « CMA CGM suit avec une attention particulière les événements qui ont lieu en Egypte. Le groupe a mis en place une cellule de crise et de communication qui suit la situation de près 24h/24, 7j/7, reste en contact étroit avec les équipes égyptiennes dans le pays, évalue la situation sécuritaire, et assure la continuité des opérations. Malgré un accès limité, tous les bureaux du Groupe sont ouverts, excepté à Ein Sokhna. Avec la reprise des télécommunications, CMA CGM est maintenant en mesure de contacter ses clients afin de les informer sur la localisation de leurs conteneurs à l’import et à l’export ».

Dans l’agro-alimentaire, Danone, qui employait près de 700 salariés, avait prévu de rapatrier sa demi-douzaine d’expatriés. Lafarge, Orange et Renault-Nissan eux ont rapatrié tout ou partie de leur personnel expatrié.

Caire Accueil et la FIAFE

Corine Remande, la présidente, aime bien présenter Caire Accueil de la façon suivante : « L’association est membre de la FIAFE, le réseau international des accueils d’expatriés francophones. Nous sommes une association apolitique, non confessionnelle, animée par des bénévoles, dont le but est d’accueillir, d’aider les français et les francophones dans leur installation et leur vie au Caire. »

La FIAFE, qui fête cette année ses 40 ans, présente dans 90 pays, réunit près de 100 000 membres et 10 000 bénévoles. Ce qui est considérable. A tel point, qu’en 2022, elle a été reconnue d’utilité publique. Elle est devenue incontournable dans le dispositif d’aide aux expatriés.

Corine continue sa présentation et avance quelques chiffres : « Selon le Consul Général, Olivier Le Van Xieu, il y a 6 000 Français inscrits au registre des Français expatriés. » Il faut voir dans ce chiffre une croissance. « Ils étaient 5 000, il y a deux ans », précise Alain-Noël Couraud, le secrétaire général.« Il est bon de noter que ce chiffre ne comprend que les expatriés qui ont décidé de se déclarer. » Alors, combien sont-ils vraiment ? Selon d’autres sources, ils seraient plus de 10 000 Français. « Historiquement, il y a toujours eu un vrai lien d’amitié entre l’Egypte et la France », explique Corine.

Corine Remande et Alain-Noël Couraud (photo A. Bordier)

Corine et Alain-Noël sont eux-mêmes des expatriés. Le mari de Corine, Raphaël, a bénéficié d’une opportunité professionnelle en 2015. « Il travaille pour une société franco-égyptienne qui fabrique des matériaux en béton moulé pour la construction, ECPC. » Du côté du couple Couraud, c’est Alain-Noël qui a suivi sa femme, Heba, une Egyptienne expatriée dans son propre pays, il y a deux ans, pour le compte du groupe Thalès. Il faut dire qu’ils se sont connus en France, dans ce groupe de 80 000 collaborateurs, qui est présent dans près de 70 pays, et qui est spécialisé dans les secteurs de l’aéronautique, de la cybersécurité, de la défense et de la sécurité, du digital, de l’espace et du transport. Une référence mondiale !

Une expatriation dorée ?

Si de l’extérieur la vie d’un ou d’une expatriée semble des plus attirantes, voire dorée, dans la réalité ce n’est pas toujours le cas. L’expérience d’une expatriation peut vite se transformer en mésaventure. C’est ce qui arrive pour certains expatrié dénommés les « nomades numériques ».

Le média économique Bloomberg, dans une enquête publiée il y a quelques mois, relate les mésaventures de Therese-Heather F. Belen, dont le domicile est à New-York et qui télétravaille depuis plusieurs pays d’Asie du Sud-Est. Sa vie est un voyage. Mais, elle est peuplée de moments infernaux. Pour son travail, elle est obligée de se connecter « quelques heures le soir jusqu’à minuit, puis, avant de dormir, quelques heures, également. Et, dans la nuit, elle doit se réveiller pour se reconnecter ». Une vie sous la forme d’un réveil qui sonne toutes les 3 ou 4 heures !

Cette mésaventure, ou cette nouvelle façon de vivre – car cela en est une – Corine ne l’a pas vécue. Elle en a vécu une autre bien différente. « J’étais assistante de direction dans un hôpital, en France, et j’ai eu du mal à m’adapter à ma nouvelle vie, ici, au Caire. En France, J’étais bien occupée, et je me suis retrouvée dans un certain silence, presqu’un vide de relations sociales. » Corine vit une sorte de France blues, de mini dépression. Sa planche de survie ? Elle contacte Caire Accueil, qui la remet en selle. Quelques mois après son arrivée, en janvier 2016, elle intègre, même, le bureau du conseil d’administration de cette association.

Du côté d’Alain-Noël, c’est différent. Lui, est, déjà, par profession un expatrié. « J’ai fait une partie de ma carrière en Afrique et dans tout le Moyen-Orient », raconte-t-il posément tel l’aventurier aguerri. Aujourd’hui, comme si cette vie lui collait à la peau, il coule une retraite heureuse au Caire. Mais, il ne reste pas sans rien faire. Il est, aussi, consultant et il travaille, actuellement, sur des projets dans le domaine de l’hydrogène vert.
Pensez : l’hydrogène vert en Egypte ! Il est certain que l’on va en entendre parler, si cela voit le jour.

D’autres chiffres et des activités

« Nous sommes 180 familles, un peu plus de 700 personnes au sein de l’association », précise Alain-Noël. Parmi les adhérents, on trouve des collaborateurs de l’Ambassade de France et des dirigeants d’entreprises françaises. « Il y a, aussi, beaucoup d’enseignants, car vous avez en Egypte une vingtaine d’établissements scolaires qui dispensent un enseignement en français, dont certains sont homologués », ajoute Corine.

Pour pallier ce blues du conjoint ou de la conjointe, décrit plus haut, l’association fourmille d’activités, d’idées et de projets. Ainsi, sont organisés des ateliers de coutures pour mesdames (mais pas que ), des ateliers cuisine pour messieurs (mais pas que ) et des ateliers théâtre pour tous (!). Il y a, également, des clubs littéraires qui permettent de découvrir les grands écrivains égyptiens, comme Naguib Mahfouz ou encore Boutros Boutros-Ghali. Le premier est plus ou moins connu. Pourtant, auteur prolifique, il a publié, exactement, 50 ouvrages. Et, il est surtout connu pour avoir reçu le prix Nobel de littérature en 1988 – le seul Egyptien à avoir reçu cet honneur. Quant à Boutro Boutros-Ghali, il n’est plus nécessaire de présenter l’ancien Secrétaire Général de l’ONU. Il est, par contre, important de rappeler que lui aussi était un auteur prolifique, avec plus de 25 publications à son actif. Il a reçu de nombreuses décorations étrangères (une trentaine) et a été Docteur honoris causa d’une vingtaine d’universités, dont l’IEP de Paris.

Caire Accueil, c’est, aussi, l’apprentissage du dialecte égyptien, l’initiation au golf, et d’autres activités comme des visites culturelles, des marches découvertes dans les différents quartiers. Les familles ne sont pas oubliées avec l’organisation de sorties le week-end.

Les facteurs-clés de succès d’une expatriation

Pour Corine et Alain-Noël, la réussite d’une expatriation réside, donc, dans le fait de « ne pas rester seul et d’intégrer un réseau d’adhérents ». Bien entendu, les expatriés eux-mêmes reçoivent, dans un premier temps, le soutien de leur entreprise. « Dans les entreprises, le département des ressources humaines prépare son arrivée en Egypte. Et, les équipes déjà sur place vont tout faire pour que l’adaptation et la transition se passent dans les meilleures conditions. Nous concernant, nous nous occupons de la famille de l’expatrié(e), de sa conjointe ou de son conjoint. Car si l’un des deux n’est pas épanoui et ne prend pas ses marques, l’aventure peut se transformer en mésaventure. Et, cela peut aller vite », prévient Corine.

Le sujet politique n’est pas abordé. Même si pour Alain-Noël, « les épreuves politiques des années 2011 et 2013 sont, réellement, derrière-nous ».

Gaza n’est pas loin, la guerre non plus. Du Caire, Gaza est à moins de 375 km en voiture.

Le seul souci en Egypte serait l’inflation galopante, à deux chiffres. La pauvreté a augmenté depuis deux ans au pays des Pharaons. « En moyenne, nous sommes à plus de 40% d’inflation », précisent les deux expatriés.

Corine et Alain-Noël repartent. Nous quittons ce quartier calme pour nous retrouver dans le bruit de la circulation de la capitale qui est 29 fois plus grande que Paris !

Leur prochaine activité ? Ce sera la visite, dans le quartier Al-Abbasiyyah du Caire, de la première bibliothèque mondiale privée sur le patrimoine islamique. Elle est française et elle se trouve à l’Institut dominicain d’études orientales, Idéo.

Pour en savoir plus : Caire Accueil

Reportage réalisé par Antoine Bordier

                                                                         


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