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L’or, arme stratégique de Vladimir Poutine

(Photo Sergei Savostyanov/TASS/ABACAPRESS.COM)

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Par Jean-François Faure, président-fondateur d’AuCOFFRE.com

Dans l’histoire, l’or et l’argent ont accompagné le développement des différents empires. Ils permettaient de financer les conquêtes, mais aussi de faire la « promotion » du souverain conquérant. Les Espagnols ont eu leurs doublons, les Français leurs louis d’or et leurs napoléons.

Et bien évidemment, les Anglais ont toujours leurs souverains qui accompagnent le règne des différents rois et reines d’Angleterre. Si aujourd’hui, les pièces d’or, même à cours légal, n’escortent plus les ambitions des États, on constate que les stocks d’or des banques centrales sont toujours au cœur des stratégies des différentes nations.

Guerre et or : la stratégie russe

Les stocks d’or de la Russie (et de l’URSS) ont largement fluctué pendant le 20ème siècle. Les tsars, avant d’être renversés, disposaient d’importants stocks d’or : 1 400 tonnes en 1914. Même si une partie avait été gagée pour assumer la défense du pays. La jeune Union soviétique dépense ensuite cet or dans le but de financer son projet politique et plombe le stock russe, qui retombe à 190 tonnes. C’est Staline qui remplit à nouveau les coffres pour atteindre 2 500 tonnes. Ses successeurs sont ravis d’utiliser ce trésor pour soutenir le développement économique du pays.

À nouveau, les réserves tombent à moins de 200 tonnes, même si, entre-temps, le gouvernement accorde le droit aux citoyens d’investir dans l’or en achetant des pièces d’or Chervonetz 10 roubles. Quelques années plus tard, c’est carrément une exonération de fiscalité qui incite les Soviétiques à acheter des pièces d’or. Un excellent moyen d’augmenter le stock d’or de l’URSS en le disséminant chez les particuliers. « Aujourd’hui, les pièces d’or, même à cours légal, n’escortent plus les ambitions des États, mais les stocks d’or des banques centrales sont toujours au cœur des stratégies des différentes nations. »

L’or de la grande Russie

Il est intéressant d’observer que les dirigeants qui ont « soif » d’empire remplissent les coffres d’or. Cela a été le cas de Staline, mais aussi plus récemment de Poutine. À peine arrivé au pouvoir, Vladimir Poutine constate que ses prédécesseurs ont vidé la « cassette » chère à l’Avare. Il décide alors de relancer les achats d’or. Et cette fringale du métal jaune s’accélère en 2014 avec l’annexion de la Crimée. En 2020, 2 300 tonnes d’or environ sont stockées à Saint-Pétersbourg.

L’or pour contourner les sanctions occidentales

C’est l’épisode le plus récent de l’usage de l’or par la Russie, après le déclenchement de la guerre en Ukraine. Quand, en mars 2022, les sanctions occidentales tombent et privent l’économie russe d’importants flux économiques, Poutine ne semble pas s’en émouvoir. L’économie de son pays non plus. En fait, malgré les interdictions, l’armée russe renforce son stock d’armes et son industrie des matériaux. Avant de réorganiser les circuits d’importation et d’exportation via la Chine, l’Inde ou d’autres BRICS et affiliés, la Russie paie en or. Une valeur reconnue universellement et surtout intraçable. Poutine avait visiblement anticipé la réaction des Occidentaux.

L’or : arme numéro 1 de la dédollarisation

Si depuis une décennie, le mouvement de dédollarisation s’accélère, le premier à avoir utilisé l’or pour contrer les Américains reste le Général de Gaulle.

La mise à mort de Bretton Woods

La Seconde Guerre mondiale désormais derrière, le président français Charles de Gaulle ne supporte pas que les États-Unis financent leur expansion en faisant tourner la planche à billets verts, profitant ainsi de la convertibilité unique du dollar en or et d’une autorisation pour les Américains de produire du déficit. De Gaulle décide alors de les prendre à leur propre jeu en 1965.

Il se débarrasse des dollars de la France, en les échangeant au prix de 35 dollars l’once, comme le prévoient alors les accords de Bretton Woods. Des tonnes d’or contre des milliards de dollars. En outre, il rapatrie l’or de la France mis à l’abri en 1940 au Canada et aux États-Unis. Des initiatives qui agacent les Américains, qui surnomment même le dirigeant français « GaulleFinger » en référence au film de la série James Bond Goldfinger qui vient de sortir.

Les Allemands, puis les Anglais suivent le même mouvement. Ce qui pousse Nixon à craquer le 15 août 1971, en mettant fin de manière unilatérale aux accords de Bretton Woods.

Se passer du dollar en stockant de l’or

La dédollarisation est aujourd’hui poussée par plusieurs pays « concurrents » des États-Unis.

La Chine stocke toujours plus d’or

Il y a bien évidemment la Chine, qui après des négociations commerciales houleuses avec Trump, a décidé de pousser son yuan sur sa sphère d’influence. Aujourd’hui, les pays des BRICS, mais aussi des pays habituellement alliés des USA, acceptent le yuan comme monnaie d’échange. L’Arabie saoudite vend du pétrole contre de la monnaie chinoise. Même Total a accepté le paiement d’un contrat en yuan. La Chine a accumulé 200 tonnes d’or en 2023 ! Record mondial, une nouvelle fois.

La Russie pousse une monnaie basée sur l’or

C’était un ballon d’essai visiblement, mais en août 2023, juste avant le sommet des BRICS, la Russie a proposé la création d’une monnaie internationale basée sur l’or. Proposition jusqu’à présent ignorée par les autres membres de l’alliance.

La Pologne multiplie les achats d’or

Cet appétit d’or peut sembler plus surprenant pour un pays de l’Union européenne. Mais il faut se souvenir que la Pologne a sa propre monnaie, le zloty. Et que ce pays est coincé entre l’Ukraine, l’Europe et l’OTAN. Alors la guerre lancée par Vladimir Poutine la concerne très directement. Dans ce cas précis, on parle de défense d’une monnaie souveraine contre le dollar, l’euro et le rouble, rien que ça.

Le stock d’or d’un pays a donc un rôle de valeur refuge quand l’économie va mal, mais c’est aussi une assurance et une garantie pour pouvoir poursuivre son développement ou emprunter. C’est surtout un outil d’indépendance monétaire contre des envies d’hégémonie de pays qui partagent plus ou moins ses valeurs et ses idées. Il remplit les mêmes fonctions au service d’un particulier.

Jean-François Faure
Président-fondateur d’AuCOFFRE.com


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