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Deuxième édition en vue pour le festival arménien Hayastan en Berry

Photos : Hayastan en Berry

A Châteauroux, l’association et son trésorier, Gérald Prévot, sont sur les starting-blocks. Les 19, 20 et 21 mai, ils vont lancer la deuxième édition de leur festival arménien. A l’heure où l’Arménie est confrontée à de nouvelles agressions sur son propre territoire et en Artsakh, par son voisin l’Azerbaïdjan, le drapeau du festival Hayastan en Berry se pavoise aux couleurs de l’Arménie. Interview de Gérald Prévot.

Comment allez-vous à un mois de l’ouverture de la seconde édition du Festival Arménien Hayastan en Berry ? L’adrénaline commence à monter ?

Gérald Prévot : Oui, avec notre président, Artur Galstyan, et toute l’équipe, nous sommes concentrés…sur la ligne de départ ! Tout se met en place, quelquefois très simplement, quelquefois avec des aléas à résoudre, mais c’est bien ce qui fait le piment d’un tel projet. Il faut rappeler que nous sommes partis de zéro en septembre 2021 et que nous avons mis sur pied la première édition en 7 mois seulement ! Pour cette seconde édition, nous avons eu plus de temps… et, donc, nous finalisons un programme plus fourni. D’où un mélange d’inquiétude, bien sûr, mais, également, beaucoup plus de sérénité !

Avant de parler en détail de votre festival, présentez-vous. Qui êtes-vous exactement ? Et, surtout, pourquoi avoir lancé un tel festival, car il me semble que vous n’avez pas de racines arméniennes ?

Effectivement, je n’ai pas de racines arméniennes… quoi que…[sourire] Des amis arméniens me disent parfois : « Tu es plus arménien que nous ! » ou encore, plus récemment, Karine, la soeur du regretté Vanik Berberian, à qui la première édition du festival était dédiée : « Tu as dû naître à Erevan dans une autre vie ! » …[sourire]

Anciennement, j’étais dans la fonction publique hospitalière (en comptabilité et en ressources humaines). Je suis devenu écrivain public. Parallèlement, je suis responsable d’un service de l’église catholique où j’accompagne les personnes migrantes de toutes origines, dans leurs démarches notamment administratives (mais pas que !). Des rencontres, des invitations, une personne en particulier m’a fait découvrir la richesse de la culture arménienne. J’y ai retrouvé des valeurs que j’ai en moi. Des valeurs qui sont en train de disparaître dans notre société française, comme celle d’aimer notre histoire, nos racines. Je suis chrétien, et, la foi du charbonnier des Arméniens me convient tout à fait !

J’ai, par la suite, organisé la rencontre entre la communauté arménienne de ma ville et le maire, Gil Avérous. Ce-dernier a reçu les Arméniens avec honneur et panache. Puis, ce fut le projet de l’installation d’un khatchkar dans une chapelle de l’église Saint-André, devenue depuis « la chapelle arménienne ». Ensuite, la création de l’association « Hayastan en Berry ».

Comment s’est déroulée la première édition du festival ? Il paraîtrait qu’elle a dépassé tout ce que vous aviez imaginé en termes de fréquentation et de retombées médiatiques.

Oui, comme je le précisais plus haut, la 1ère édition a été préparée en très peu de temps, avec une organisation qu’il a fallu créer de toutes pièces. Heureusement, le public a été au rendez-vous. Des rencontres extraordinaires ont eu lieu lors de cette première édition : avec Michel Basmedjian, un merveilleux conférencier, le cinéaste Jacques Kébadian et sa soeur, la peintre, Aïda, le groupe de danse Navasart et leur incroyable gentillesse, etc. Mais, aussi, avec Espoir pour l’Arménie [l’association a été créée à la suite du terrible tremblement de terre de Spitak, en 1988. Elle soutient des projets médicaux, des centres aérés, et des programme alimentaires etc.]. Elle sera là au mois de mai. Parmi nos moments forts, il y a eu ce magnifique message lu, en provenance de Son Excellence Madame l’Ambassadrice d’Arménie en France, Hasmik Tolmajian.

Parlons un peu plus de l’Arménie. Qu’est-ce qui vous relie à ce pays, au juste ? Serait-ce son histoire, son peuple, la relation d’amitié avec la France, ses tragédies ?

L’histoire biblique de ce pays me touche profondément. Le Jardin d’Eden, par exemple, pourrait se trouver en Arménie. L’arche de Noé s’est posée sur le Mont Ararat. L’Arménie est le premier état chrétien au Monde, qui résiste dans sa foi malgré son histoire tragique, et malgré les attaques actuelles, répétées, comme si l’on voulait faire disparaître ce peuple de sa terre.

Il existe une longue tradition d’amitié et de collaboration entre la France et l’Arménie. L’apport est réciproque. Je n’oublie jamais de parler de Missak Manouchian, bientôt panthéonisé. Pour paraphraser Louis Aragon, je parlerai des « Arméniens, ces étrangers et nos frères pourtant ».

Vous faites référence à son vers : « Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant », tiré de son poème inspiré par l’Affiche Rouge, placardée par les Nazis en 1944 qui dénonçait les résistants, dont leur chef était Manouchian ?

Oui, c’est ça. Quel héros ! C’était, déjà, un survivant du génocide de 1915. Il finira en véritable héros, mort pour la France. Il a été fusillé le 21 février 1944 au fort du Mont-Valérien. Il me touche, car c’était, aussi, un poète.

Evoquons une autre tragédie : celle qui se déroule, en ce moment, dans le Haut-Karabakh, dans cette enclave arménienne spoliée par Staline en 1921, et qui se situe en Azerbaïdjan, le pays voisin de l’Arménie. Depuis le 12 décembre 2022, les 120 000 Arméniens (dont 30 000 enfants et 35 000 personnes âgées) de cette enclave sont pris en otage par le régime autocratique d’Ilham Aliev. Ils ne peuvent ni entrer ni sortir de cette enclave. Ils sont coupés du monde. Ils sont comme séquestrés, avec des coupures d’eau, d’électricité. Ils (sur)vivent grâce à des tickets de rationnement, comme pendant la Seconde Guerre mondiale. Comment en sommes-nous arrivés-là, à l’heure où l’Azerbaïdjan est devenu le partenaire de l’Europe en matière énergétique ? S’agirait-il en sous-main d’échanger du gaz contre la vie des Arméniens du Haut-Karabakh ? L’Europe est-elle complice de que certains experts appellent un ethnocide ?

C’est tout à fait cela. Une autre guerre monopolise les médias (ndr : en Ukraine) et on en oublie le génocide des Arméniens qui se perpétue dans le silence presque total. Avons-nous vu l’agression de 2020 et celle de septembre dernier faire la une des journaux télévisés ? Non ! Et ce malgré les tortures, les utilisations d’armes interdites, la destruction systématique du patrimoine arménien…

L’accord honteux signé par Ursula Von der Leyen pour acheter le gaz azéri enlaidit l’Europe au plus haut point. Sous couvert de ne pas acheter de gaz à un dictateur [Poutine], on en achète à un autre [Aliev]. On se chauffe en Europe avec le sang des Arméniens.

A mon petit niveau, j’essaie d’alerter. Je suis à l’origine d’une pétition que l’on peut trouver sur internet. Elle demande la convocation au Tribunal Pénal International d’Aliev pour crimes contre l’humanité.

Quelles sont vos raisons d’espérer la résolution du conflit ?

La première raison est la force et la volonté de vivre du peuple arménien, qui a toujours survécu aux tragédies de son histoire. C’est un peuple incroyable, authentique, fort et très résilient. Il s’est toujours relevé. Il aime son pays y compris en diaspora (chose que nous ne savons pas faire pour le nôtre). Et, je ne cacherai pas que je pense que Dieu est avec les Arméniens et l’Arménie !

Revenons au Festival et projetons-nous maintenant les 19, 20 et 21 mai prochains. Nous sommes à Châteauroux, dans cette belle région du Berry. Quel est le programme, qui sont les invités et combien de participants attendez-vous ?

Pour le nombre de participants, c’est difficile à évaluer ! J’attends bien sûr beaucoup plus que pour la première édition où nous étions des centaines ! Nous sommes ravis d’annoncer que l’Association des Arméniens de Tours, qui envisage de lancer une « journée arménienne », va également nous rendre visite pour voir notre organisation. Et, j’espère bien sûr que les Français seront de plus en plus nombreux à vouloir découvrir cette culture si belle et intéressante. L’amitié entre nos deux peuples existent depuis plus de 1000 ans !

Nous aurons de nouveau un village arménien les samedi 20 et dimanche 21 mai devant l’église Saint-André, celle-là même qui possède sa chapelle arménienne. Ce village où nous trouverons de l’artisanat, de la gastronomie, de la littérature, etc.

Le vendredi soir, c’est Lilith Guegamian, médaille d’or de guitare et chanteuse, qui ouvrira le bal lors du concert à 20h30, dans l’église Saint-Christophe. Le samedi 20, nous aurons un grand moment dans la Chapelle des Rédemptoristes à partir de 13h45 avec la conférence « Arménie, 3000 ans d’histoire et d’art » par Patrick Donabedian, une pointure ! Cette conférence sera précédée de la présentation du livre « Arthur, le petit prince d’Arménie« , d’un certain Antoine Bordier (rires) qui reviendra juste de ce beau pays. Elle sera suivie de la présentation avec projection de l’association Muscari et de ses ateliers artisanaux de céramiques de Gyumri.

Les plus jeunes ne seront pas oubliés avec le spectacle « L’Arménie, mon pays merveilleux« , à la médiathèque Equinoxe par la conteuse Chorig Yeramian qui sera accompagnée au duduk par Marine Yazidjian.

Je ne peux pas citer tout le programme, mais le dimanche, on continue avec du cinéma et la projection à 14h15 du magnifique film d’animation « Aurora’s Sunrise » d’Inna Sahakyan (déconseillé au moins de 12 ans) au Cinéma l’Apollo. Ce film, multi-nominé et récompensé, a représenté l’Arménie dans la course aux Oscars. Ce sera l’occasion d’évoquer le Génocide des Arméniens […]

Avec un tel programme, vous devez avoir de solides partenaires. Qui sont-ils ?

Il y a la ville de Châteauroux et la métropole, le CCAS de la Ville, le Conseil Départemental, l’Etat (par l’intermédiaire du Fonds de Développement de la Vie Associative), et en mécénat, nous avons la Fondation Bullukian. Le maire a été tout de suite partant lorsque je lui ai annoncé que nous lancions un festival arménien. Cette année la ville s’est impliquée encore plus avec la prise en charge totale de la communication et de l’infographie.

Un programme très riche, au cœur du Berry. Concluons, si vous le voulez-bien. Quel sera le clou du we ?

Chaque moment est « un clou » du festival de par la richesse de celui-ci et de ses intervenants, que ce soit Lilith, Patrick, Chorig, Marine, Avo, Ruben, Renan, Vahakn, Philippe…. mais, je mettrai une mention spéciale à la soirée avec Avo Adamyan et Ruben Sasunci. Ils arriveront d’Arménie et offriront à Châteauroux et à la région du Berry, l’âme et le coeur de ce beau pays !

Pour en savoir plus : https://www.facebook.com/Hayastan36

Reportage réalisé par Antoine Bordier


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