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Quand Paris célèbre l’amitié franco-arménienne

Cet évènement est presque passé inaperçu, dans la plupart des médias.

Entreprendre - Quand Paris célèbre l’amitié franco-arménienne

De notre envoyé spécial Antoine Bordier

Cet évènement est presque passé inaperçu, dans la plupart des médias. Lors de la 4è édition du Festival Arménien de Paris, le 5 septembre dernier, toute la rue Jean Goujon, qui dessert la cathédrale diocésaine apostolique, dans le 8è arrondissement, est privatisée. Reportage au cœur de ce petit bout d’Arménie de Paris, où se sont succédés messe, bénédictions, ouverture officielle du festival, activités culturelles et gastronomiques.

Ce dimanche 5 septembre, rue Jean Goujon, c’est presque la Fête des voisins. La pandémie n’a pas eu le dernier mot sur cette 4è édition, organisée par les associations arméniennes, avec à leur tête le Diocèse de France, l’Association de Jeunesse, ainsi que les Dames de l’Église Apostolique Arménienne de France. En plus, comme pour marquer cette journée, le soleil est de la partie. Le programme est chargé, les activités sont nombreuses. Pour débuter, une messe est célébrée dans la cathédrale Saint Jean-Baptiste, dont la façade est en pleine réfection.

Construite entre 1902 et 1904, elle a été financée par les dons du bienfaiteur Alexandre Mantashev, un arménien de Tbilissi, en Georgie. La cathédrale qui peut contenir près de 200 personnes, est clairsemée au petit matin. Au fil de la messe, les familles viennent remplir les rangs. Mgr Vahan Hovhanessian, s’il ne préside pas la célébration, est présent. Né à Bagdad, en 1963, il fait partie de la diaspora arménienne. Après avoir été Primat d’Angleterre, entre 2009 et 2014, il devient Primat de France, en 2014. Il gère, aujourd’hui 25 paroisses sur toute la France. Autant dire, qu’il voyage énormément. Après la messe, c’est lui qui officie dans la rue la cérémonie traditionnelle de bénédiction des quatre points cardinaux, qui ressemble à une étrange danse liturgique, avec les chants des psaumes, les bénédictions et les encensements. Pour l’heure, la cathédrale finit de se remplir.

Les enfants y sont nombreux. Au premier rang, parmi les personnalités qui ont répondu positivement à l’invitation de Mgr Vahan, se trouve Madame l’Ambassadeur d’Arménie en France, Hasmik Tolmajian. Il y a, aussi, le Représentant du Haut-Karabakh, Monsieur Hovhannes Guevorkian. Très discrète, l’ancien Ambassadeur de France au Salvador, qui vit à Paris, Madame Lydie Gazarian, participe, avec son mari, un ancien industriel dans le textile.

Du côté des politiques, les maires du 8è et du 9è, Mesdames Jeanne d’Hauteserre, et, Delphine Bürkli ne se lassent pas de venir chaque année à ce festival. La mairie d’Alfortville où vivent plusieurs milliers d’Arméniens est représentée par l’un de ses adjoints, Saro Mardiryan. Enfin, pour la première fois, Sylvain Maillard, député de la 1ère circonscription de Paris, porte-parole des députés de La République en Marche, est présent.

Une amitié sur le qui-vive

Au milieu des stands, sous la bannière du diocèse qui a pour inscription : Bienvenue, Madame Jeanne d’Hauteserre, déclare « ouverte la 4è édition du Festival Arménien de Paris ». Sous les applaudissements de la foule (près d’un millier de personnes), elle découpe soigneusement avec une paire de ciseaux, un morceau du ruban bleu-blanc-rouge et du ruban rouge-bleu-orange (de l’Arménie). Elle se souvient très bien du coup de téléphone, qu’elle a reçu il y a 7 ans, de la part de Mgr Vahan : « Oui, il m’a appelé en 2014, pour me demander s’il y avait une possibilité de faire une animation de rue. Aujourd’hui, c’est devenu une institution. La rue est piétonnisée. L’ambiance est bon enfant. Il est important de découvrir les spécialités arméniennes. »

Le maire du 8è arrondissement devient plus grave en évoquant l’actualité en Arménie. « C’est scandaleux, ce qui se passe. L’Arménie est attaquée par l’Azerbaïdjan. Personne ne bouge, ni les médias, ni les gouvernements. Le gouvernement français reste muet. Le peuple de France devrait monter au créneau pour dire : stop ça suffit. » Sur la laïcité, elle est, aussi, claire : « Elle n’existe vraiment que si on respecte l’histoire de notre pays. Et, il faut dire que la religion chrétienne est très importante, voire fondatrice de notre pays. Ne pas en tenir compte, l’oublier est très grave. »

Sylvain Maillard, le député, est, également, heureux d’accompagner ce festival. Entrepreneur, devenu député, il semble être à l’écoute du terrain. « Je suis ravi, explique-t-il, de l’invitation de Mgr Vahan. Je comprends mieux, ce qu’est la communauté arménienne, en France, et, notamment à Paris. J’ai rencontré des entrepreneurs, des jeunes, des personnes engagées dans les associations. Cela fait du bien. Je connais Alexis Govciyan depuis une dizaine d’années. Et, il m’a ouvert les yeux sur l’Arménie, sur son passé, sur le génocide. Nous travaillons à l’Assemblée Nationale pour trouver des solutions sur la situation dans le Haut-Karabakh. Nous voulons régler, au plus vite, la question des prisonniers, qui est scandaleuse. Ils doivent être libérés sans délais, et, rentrer chez eux. Et, nous disons stop aux menaces qui pèsent, depuis le mois de mai, sur l’Arménie. Le président Macron est prêt à aider militairement l’Arménie. Nous sommes sur le qui-vive. »

Pour le député, l’amitié franco-arménienne paraît éternelle. Delphine Bürkli est encore plus marquée par cette amitié et cette histoire franco-arménienne. « L’histoire de l’Arménie et du 9è arrondissement sont étroitement liées. C’est une histoire d’amour. Les réfugiés, qui ont réchappé au génocide de 1915, sont arrivés en Ile-de-France, et, ont été accueillis, d’abord, dans le 9è arrondissement de Paris. C’est pour cela que le quartier autour du square Montholon, de la rue Bleue et de la rue de Trévise, continue de s’appeler ‘La petite Arménie’. » Enfant de ce quartier, Delphine Bürkli a vécu et grandi avec ceux de la communauté arménienne. Elle se souvient, aussi, du lieu même où était imprimé le journal arménien Haratch, au 83 rue d’Hauteville. Sa proximité avec ce peuple chrétien est très impressionnante. Comme si la France et l’Arménie étaient sœurs.

Une déclaration d’amitié

« Depuis les croisades, les rois francs et les rois arméniens de Cilicie étaient des alliés. Le dernier roi arménien était Léon V de Lusignan. Il est enterré aux côtés des rois francs, dans la Basilique de Saint-Denis. La langue française était la langue officielle de la cour. Avant même qu’elle soit déclarée langue officielle en France. Il y a eu, aussi, le mouvement arménophile, de la fin du 19è siècle », raconte Madame l’Ambassadeur d’Arménie en France, Hasmik Tolmajian.

C’est une amoureuse de la France. Elle cite Anatole France, Jean Jaurès, Charles Péguy, car c’est en France qu’est né ce « mouvement arménophile », dont ces personnages illustres sont les dignes représentants. Elle parle de l’amitié très forte qui relie les deux peuples. Elle évoque la communauté de civilisations et les valeurs communes. Depuis, le génocide de 1915, de nombreux Arméniens se sont exilés. En France, ils sont entre 500 mille et 700 mille. Après la Russie et les Etats-Unis, qui ont accueilli respectivement 2,6 millions et 1,6 million d’Arméniens, la France est, donc, le 3è pays à accueillir le plus grand nombre de descendants de réfugiés arméniens. L’ambassadeur évoque l’année 2020, qui a été tragique pour son pays, avec l’invasion du Haut-Karabakh par l’Azerbaïdjan.

« Nous avons des relations privilégiées, exceptionnelles, avec la France. Le Président français a été le premier à dénoncer cette agression. Il a souligné que cette agression n’était pas justifiée. Il a dénoncé, aussi, le rôle de la Turquie, et, son soutien politico-militaire. Il a dénoncé la présence de djihadistes. » Puis, son souvenir du 17e Sommet International de la Francophonie, qui a eu lieu à Erevan, en 2018, vient rappeler l’importance de l’Arménie dans ce concert francophone. C’est l’année où elle venait d’être nommée ambassadeur.

Des danses et du vin

Rue Goujon, les cœurs de l’Arménie et de la France battent à l’unisson. Il n’y aurait aucune zone d’ombre, entre les deux pays. Bien au contraire. Au cours des siècles et des épreuves, l’alliance entre les deux pays a été renforcée à plusieurs reprises. Tout récemment, depuis le mois de mai 2021, une tragédie supplémentaire est venue éprouver cette relation amicale ancestrale : l’invasion de troupes militaires azéries à l’intérieur même des frontières arméniennes. Encore une fois, elle a été dénoncée par le Président Emmanuel Macron, qui a promis d’apporter l’aide militaire de la France à l’Arménie.

Il est 15h00, les danseurs traditionnels ont fait leur apparition. La rue s’anime un peu plus, et se transforme en piste de danse. La musique arménienne prend possession des lieux. C’est la fête. Les enfants se sont rapprochés, suivis de leurs parents. Mgr Vahan, Hovhanessian a pris place sous la tente d’un stand, comme spectateur. Il est ravi, et, applaudit les danseurs.

Sur le sujet de la laïcité, il répond. « Vous voyez, c’est cela, dit-il en rigolant, la laïcité. Tout le monde a sa place. Tout le monde est le bienvenu à nos festivités. Et, les personnalités politiques ont répondu, favorablement, à nos invitations. » Parmi la quarantaine de stands qui vantent les produits de l’Arménie, il y a un stand de vin, tenu par Kaizak Zadourian, entrepreneur dans l’importation de vins arméniens. Il dirige la société Armvino.

Pour lui, c’est simple : « L’Arménie devrait être davantage considérée, et, protégée. Certes, nous n’avons pas de pétrole. Mais, nous avons d’autres trésors, comme le vin. C’est en Arménie que se trouve le berceau du vin. » Il débouche en même temps une bouteille, Trinity, et propose une dégustation. Il lève son verre et trinque : « A l’amitié franco-arménienne. Et, à la paix ! »


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