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Le regard d’Olivier Richard sur la Suisse

Entreprendre - Le regard d’Olivier Richard sur la Suisse

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De notre envoyé spécial Antoine Bordier

Ce globe-trotter s’est finalement posé en Suisse depuis une douzaine d’années. Associé dans une société de conseil, il dirige sa filiale suisse. A 58 ans, il nous parle de son parcours, et, prend, aussi, un peu de recul pour parler de la Suisse, « un véritable modèle pour l’Europe ».

Grand et élancé, il arrive au lieu de notre rencontre qui se situe à quelques mètres de la gare de Cornavin, à Genève. Il vient de Lausanne, où il a ses bureaux et où il vit avec sa famille. Il parle sans anicroche de son parcours. Ce diplômé d’HEC-Paris, a vécu à Hong-Kong au début des années 2000. Puis, il est arrivé à Zurich, en 2008. Marié, il y a 30 ans avec une Japonaise, Naomi, il a trois enfants, Léo, Cécile et Rémi. Directeur de la communication pour des grands groupes, il a travaillé au sein de multinationales, comme Microsoft, Alstom, et Bureau Veritas. Il atterrit à Zurich en 2008. « Je suis arrivé en Suisse après avoir vécu en France, et, à Hong-Kong. Pour rejoindre Alstom Power Services. » Olivier est chargé de la stratégie de communication à un moment difficile : la crise économique mondiale frappe à toutes les portes. « Il s’agissait d’une création de fonction, explique-t-il.  Avec la crise, ma mission a changé et il a fallu réduire fortement les coûts tout en conservant l’impact et les résultats. » Olivier passe 4 ans à Zurich. Puis, en 2012, il se lance dans une nouvelle aventure : le consulting. Il rejoint le cabinet de conseil et de formation Dynargie, qui a été créé il y a 40 ans.

La Suisse, fille aînée de la démocratie ?

Ce qui semble passionner Olivier, ce sont les autres. Il parle d’empathie en pensant à son épouse : mieux connaître l’autre, être à l’écoute de l’autre est essentiel pour lui. Il a développé cette valeur au sein de Dynargie. Lui, qui a vécu au Japon, où il a rencontré sa femme, est très attentif à la culture, à l’histoire, et aux valeurs des peuples rencontrés. « Ce qui m’a marqué au Japon, c’est cette culture, ces traditions millénaires qui sont toujours présentes au milieu d’un pays très avancé technologiquement. En Suisse, il y a, aussi, des traditions et des industries technologiques majeures. Et, surtout, il y a une maturité politique hors du commun. Depuis le Moyen-Age, dès le 14è siècle, certains cantons ont mis en place la démocratie directe. La Suisse est un pays, avec son régime de confédération, et l’adhésion libre des cantons à cette confédération, qui a le plus d’expérience démocratique. Et, qui va le plus loin dans l’expression de cette démocratie directe, notamment, avec le système de votation directe. » La dernière votation a eu lieu le 13 juin 2021. Plusieurs sujets étaient abordés : celui des pesticides, celui sur l’eau potable, sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. « En Suisse, vous ne verrez jamais de gilets jaunes, par exemple. Ici, ils ont l’expérience de la votation. Ce pays est harmonieux et consensuel, grâce à son système électoral, et, à son cosmopolitisme. La clef de voûte, c’est vraiment cette responsabilité, qui est exercée localement. Il n’y a pas de pouvoir central. Le pouvoir est fédéral, il n’est pas central. » Le 13 juin dernier, la participation, tant décriée en France, était, en Suisse, de 60%.

Le modèle économique suisse attire les élites

Ce qui a marqué Olivier, dans un premier temps : que la Suisse puisse accueillir autant d’organisations internationales, à commencer par le Conseil de l’Europe, le FMI et l’ONU. Dans ce petit pays aussi grand qu’une région de France et peuplé de moins de 9 millions d’habitants, les nations se bousculent, les travailleurs étrangers et transfrontaliers, également. La Suisse est un eldorado pour l’élite européenne et internationale. Son attractivité s’explique essentiellement par le dynamisme de ses entreprises. Le nombre de start-ups dans le secteur médical, par exemple, dépasse celui de la France, toute proportion ramenée à l’échelle de la population. Et puis, les salaires y sont attractifs, avec 30 à 50% de différence en plus par rapport à un salaire pour un métier et une fonction équivalente en France, mais moins en parité de pouvoir d’achat. Et, l’entrepreneuriat tourne à fond. En 1982, il y aura 40 ans l’année prochaine, Philippe Graff, un franco-suisse, crée Dynargie, un cabinet de conseil et de formation en management. La Suisse est devenue un des piliers du consulting dans le monde entier. C’est du consulting haut de gamme. Ce petit pays est incontournable sur beaucoup de sujets, notamment, le sujet économique. « La force de la Suisse et une des explications de sa réussite économique, explique Olivier, réside dans le fait que c’est un pays stable politiquement, que sa fiscalité y est attractive pour les entreprises, et, surtout qu’elle accueille sur son sol des cadres venus du monde entier. » Cette diversité, au sein de Dynargie, Olivier en a fait une force. « Nous organisons des séminaires, pour les entreprises qui ont besoin de se tourner davantage vers l’humain, de prendre du recul par rapport à leur business. En se recentrant sur l’humain, elles retrouvent du sens. Nous nous adressons aux leaders. » Avec une présence dans une quinzaine de pays, et, son équipe d’une demi-douzaine de consultants, présents en Suisse, Dynargie est sollicitée notamment sur des problématiques d’accompagnement humain du changement, et aussi pour soutenir des dirigeants qui prennent leur nouvelle fonction. « Dernièrement, nous avons eu beaucoup de missions pour aider les entreprises à opérer les changements judicieux liés au Covid », explique Olivier.

Le Covid frappe à la porte suisse

La Suisse, connue pour sa neutralité emblématique, n’a pas été épargnée par la pandémie. Depuis le 25 février 2020, date du premier cas signalé, jusqu’à ce jour, 9% des Suisses, 700 000 personnes ont été touchées par la pandémie. Au mois de mai dernier, la Suisse avait dépassé les 10 000 morts du Covid. Dans ce contexte, Olivier et toute l’équipe de Dynargie ont mis en place des solutions de télétravail. « Ce qui est inédit avec cette pandémie, c’est que le télétravail, qui était une option pour quelques entreprises, est devenu un temps obligatoire pour toutes les entreprises. Ce n’est plus une exception. Si le télétravail est apparu, pour la plupart, comme une contrainte, notamment avec le fait que l’on soit déconnecté de ses collègues, il est à prendre comme une opportunité. Opportunité de mieux travailler, de gérer sa vie professionnelle et sa vie privée de chez soi. Il faut, donc, développer des aptitudes d’organisation et de concentration et, pour les managers, de leadership à distance. » Les Suisses sont, de plus, demandeur du télétravail. En 2020, selon un sondage réalisé par Colombus Consulting, sur les 1000 personnes interrogées, 80% veulent davantage de télétravail. « C’est normal, commente Olivier, le télétravail apporte un rééquilibrage entre la vie professionnelle et la vie familiale. Les salariés se sentent plus libres. Après, c’est une question d’organisation du lieu de travail et de gestion du temps. »

Président des HEC de Suisse, et, bientôt Suisse ?

La gestion du temps, Olivier connaît bien. Depuis l’automne 2017, il est devenu président de l’Association des Anciens d’HEC Paris en Suisse. Cette association d’anciens élèves de la prestigieuse école de commerce, Hautes Etudes Commerciales, classée parmi les premières en France, en Europe et dans le monde entier, regroupe près de 1 300 membres en Suisse. « C’est la deuxième communauté d’anciens dans le monde. Notre communauté est très dynamique. Avant la pandémie, nous organisions des évènements tous les mois. » Il continue en parlant d’entraide. Cette communauté est représentée par quelques dirigeants de haut-vol. Didier Pineau-Valenciennes en est un. Il a été le chairman de Schneider Electric. Dans l’horlogerie, Antoine Pin est le directeur de la division horlogerie de Bulgari. Dans le secteur des services, Sébastien Dannaud, le DG de Cotecna, un des leaders mondiaux dans le domaine de l’analyse, de l’inspection et de la certification. Frank Piedelièvre, le président du Conseil d’Administration, devenu le principal actionnaire de cette société, est, lui-aussi, un ancien. Enfin, citons, un autre ancien, qui a du nez : Eric Nicolas, qui est le directeur des opérations de Firmenich, un des leaders mondiaux des arômes et ingrédients.

Alors qu’Olivier entame sa 13è année en Suisse, il réfléchit à obtenir la nationalité. « Il faut 12 ans de résidence pour obtenir la nationalité », explique-t-il. Après le Japon, et la France, son cœur bat de plus en plus en Suisse. Outre la culture vaudoise, qu’il apprécie particulièrement, pour sa rigueur, sa « grande passion c’est la montagne. » Côté nez et papilles, il aime déguster les vins blancs du Lavaux, classés par l’UNESCO. Enfin, sur cette terre protestante, entourée de montagnes, et bien que revendiquant son appartenance catholique, il aime écouter les sermons de la pasteure de la cathédrale de Lausanne. C’est cela la Suisse : « un bassin de foi, de personnalités diverses, et d’entreprises de pointe, avec un terroir exceptionnel. » La Suisse serait-elle devenue « the place to be » ? L’endroit où il fait bon entreprendre, vivre et voter ? Les dernières intempéries, qui ont inondées certaines villes proches des lacs, comme Neufchâtel, Zurich, ou Zermatt, en Suisse alémanique, semblent vouloir avoir leur mot à dire sur le sujet. La Suisse, par sa culture ancestrale du risque, a démontré, une fois encore, qu’elle pouvait éviter le pire. Ce qui, malheureusement, n’a pas été le cas de la Belgique et de l’Allemagne. A l’heure du bouclage, les pluies diluviennes ont touché, aussi, l’est de la France, le Luxembourg et les Pays-Bas. Il faut déplorer près de 160 morts, et, des dégâts qui se chiffrent à plusieurs centaines de milliards d’euros.

Reportage réalisé par Antoine BORDIER, Consultant et Journaliste Indépendant


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1 commentaires sur « Le regard d’Olivier Richard sur la Suisse »

  1. Bravo Olivier pour ces remarques fort sensées sur la démocratie “à la Suisse”
    Question: est-Elle exportable ?
    Une remarque: à mon avis, le Conseil de l’Europe se trouve à Strasbourg, et non en Suisse !

    Répondre

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