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Guila Clara Kessous, disciple d’Elie Wiesel, une artiste engagée auprès des femmes

Copyright des photos Guila Clara Kessous

Elle est un peu comme la lumière, cachée sous le boisseau, ou tamisée par l’humilité, car son désir de rester dans l’ombre est réel. Pourtant, Guila Clara Kessous fait partie de ces femmes qui mettent leurs talents au service des autres. A un mois de la Journée Internationale des Femmes, éclairage-interview sur une femme, disciple d’Elie Wiesel, Artiste de l’UNESCO pour la Paix ! Cette femme est d’abord une…voix.

Antoine Bordier : Guila Clara Kessous, vous êtes peu connue du grand public et vous avez un parcours…comment le qualifier ? D’époustouflant, d’atypique ? Il est en tout cas éclectique, non ?

Guila Clara Kessous : Merci de me permettre de partager mes passions. Je suis Artiste de l’UNESCO pour la Paix et coach professionnelle. Très tôt, j’ai compris que les techniques théâtrales apprises au Conservatoire devaient me servir à aider ceux qui avaient du mal à s’exprimer, à aider les victimes de syndromes post-traumatiques. « Donner une voix aux sans voix » m’a toujours hantée et c’est ce qui a guidé mes différents voyages : au Congo pour aider les femmes victimes de violences sexuelles, au Bangladesh pour aider les Rohingyas ou encore au Rwanda. A la suite de mon doctorat avec le Prix Nobel de la Paix Elie Wiesel, sur le thème : comment aider les survivants de la Shoah par l’art théâtral, j’ai été invité à créer le cours « Théâtre et Droits humains » à l’Université de Harvard. Là-bas, je vais rencontrer des professeurs éminents, qui vont me former au coaching professionnel : Tal Ben Shahar (sur la psychologie positive), William Ury (sur l’art de la négociation) et Paul Ekman (sur l’intelligence émotionnelle).

Aujourd’hui, je partage mon temps entre l’humanitaire où j’aide les survivants avec l’art dramatique, et les hauts-potentiels avec ces mêmes techniques de jeux de rôles inspirés du théâtre. Je suis concernée par la Journée Internationale des droits des femmes, car mon public est essentiellement féminin tant dans l’humanitaire qu’au niveau de l’encadrement de dirigeantes. C’est ainsi que j’ai monté cette journée internationale des droits des femmes à l’UNESCO, qui propose au public une trentaine de personnalités pour donner une idée, une vision de là où l’on en est des avancées mais aussi des reculs sur ces problématiques.

Parlez-nous, de vous, de votre famille. Où êtes-vous née ?

Je suis née à Boulogne, de père marocain, inspecteur à l’éducation nationale. Et, ma maman est française. Elle est musicologue et professeur de piano.

Comment expliquer cet amour que vous avez pour les causes humanitaires ?

Je m’intéresse à ces grandes causes, car je considère que la connaissance renvoie à la responsabilisation. On ne peut pas savoir sans rien faire. Je pense sincèrement que le Beau doit aller de pair avec le Bien pour un vrai changement sociétal salutaire, non seulement pour ceux qui en bénéficient mais surtout pour ceux qui donnent.

Donner reste, aujourd’hui, le meilleur moyen de pouvoir cultiver son bonheur. C’est le principe de la psychologie positive. J’ai, d’ailleurs, écrit un livre sur le sujet préfacé par le célèbre « professeur de bonheur de Harvard Université » Tal Ben Shahar.

Depuis 10 ans, vous êtes à la fois Ambassadrice de la Paix du Cercle Universel de Genève et Artiste pour la Paix auprès de l’Unesco. Racontez-nous en quoi cela consiste ?

Ce mandat d’Artiste de l’UNESCO pour la Paix m’a été confié en 2012 par la directrice générale de l’UNESCO, Irina Bokova, sur la recommandation d’Elie Wiesel. Cela consiste à concilier, au travers de mes missions humanitaires et artistiques, les grandes causes et les valeurs de l’UNESCO. J’ai, ainsi, deux axes de travail : l’art thérapie, qui consiste à soigner les populations en ayant recours au théâtre, et l’art dramatique, comme média pour mieux toucher le public et le sensibiliser aux causes qui sont importantes.

Entrons un peu plus dans votre histoire, dans votre vie. Car votre CV est très riche. Vous avez fait l’ESSEC, et vous avez plusieurs doctorats. Vous êtes bardée de diplômes. Et, pourtant vous n’êtes pas entrée dans le monde des affaires et de l’entreprise. Pourquoi ? C’est votre rencontre avec Elie Wiesel qui vous a aiguillée vers les grandes causes des Arts, des Femmes et de l’Humanité ?

J’ai fait ce détour par l’ESSEC car, au sortir du Conservatoire, je souhaitais commencer à monter mes propres spectacles qui mettaient en scène des survivants de génocides. On m’a tout de suite demander quel était mon budget…A l’époque, je croyais que « Le Budget » était une pièce de théâtre de Victor Hugo que je n’aurais pas lu!!! J’ai donc fait l’ESSEC pour savoir ce qu’était un budget et ainsi me spécialiser en production culturelle. Quand j’ai su comment monter un spectacle de toute pièce, incluant l’aspect de production, j’ai pu partir aux Etats-Unis et faire ce doctorat sous la direction d’Elie Wiesel. Vous avez raison de souligner que c’est cette rencontre qui m’a permis de comprendre l’importance de la responsabilité que l’on a tous vis-à-vis des grandes causes des plus vulnérables en particulier la question des femmes.

Parlez-nous de votre thèse. Vous avez été mentorée par Elie Wiesel pour écrire : « Théâtre et sacré : analyse d’une interculturalité dramatique dans les œuvres de Paul Claudel et d’Elie Wiesel « . C’est fascinant de marier les oeuvres de ces deux monuments – j’allais dire cathédrales. C’est unique. En résumé, de quoi s’agit-il ? Du rapport culturel entre un chrétien et un juif ?

Cette thèse avait pour but de comprendre le mécanisme théâtral à l’oeuvre pour aider un survivant à mieux survivre, car Elie Wiesel a écrit des pièces de théâtre et il avait foi dans le théâtre comme outil social de guérison. J’ai ainsi été la seule metteure en scène à avoir l’autorisation de pouvoir monter toutes les oeuvres théâtrales d’Elie Wiesel en anglais et en français aux Nations Unies, à Harvard Université, au Festival d’Avignon à la Chartreuse, …devant l’auteur. Le but du doctorat dont vous parlez, qui est comparatiste, était de montrer le théâtre comme un vecteur interreligieux auxquels deux auteurs, Elie Wiesel et Paul Claudel, avaient eu recours.

Deux auteurs croyants, pratiquants, poètes et surtout en prise avec l’actualité de leur temps, avec un sens plus qu’aiguisé d’un rôle politique à jouer. Paul Claudel était consul et ambassadeur. Elie Wiesel a joué un rôle important auprès de Mitterrand, Chirac ou encore Obama.

Vous êtes, aussi, actrice, enseignante et auteure. Vous êtes la narratrice de livres audio, comme Jésus et Israël, de Jules Isaac. Vous avez travaillé avec des stars, comme Francis Huster. C’est quoi, finalement, votre vocation ?

Je ne pense pas avoir de vocation à proprement parler. Je suis simplement une comédienne qui aime le métier et qui cherche à détourner cet art dramatique au travers du service à l’autre. Vous mentionnez mon travail sur scène ou en tant que lectrice, j’ai, en effet, fait beaucoup de lectures avec des personnalités comme Francis Huster, Stéphane Freiss, Marie Christine Barrault, etc., mais toujours pour servir des textes très engagés comme « Le Journal d’Etty Hillesum » ou « Le Journal d’Hélène Berr ». L’enseignante que je suis est également en lien avec ces problématiques puisque j’ai développé le cours « Théatre et Droits de l’Homme » à l’Université de Harvard. Cette route que je me suis tracée est donc sinueuse mais elle fait sens, car elle réconcilie l’esthétique avec l’éthique, le Beau et le Bien….

Avant de conclure, racontez-nous cette rencontre inédite avec le pape François, qui a eu lieu le 12 ou le 13 décembre dernier. C’était la première fois que vous le rencontriez ?

Ce fut un moment hors du temps. Elie Wiesel pendant mon doctorat m’avait dit combien il serait important que l’oeuvre de Jules Isaac puisse exister en audio et m’avait recommandé d’enregistrer le livre « Jésus et Israël », qui est à la base des Amitiés Judéo-Chrétiennes. Le livre fait 600 pages soit 17 heures d’enregistrement. Cela m’a pris 7 années pour le finaliser et j’ai eu la chance de remettre le livre audio en main propre au Pape a qui j’ai confié combien je croyais en l’art, et en particulier en l’art théâtral, en la transmission orale pour aider au dialogue interculturel et interreligieux. Le Saint Père s’est montré très réceptif et très enthousiaste sur les projets à venir. Cela reste pour moi une des rencontres les plus importantes de toute ma vie…

Nous devons maintenant conclure. Votre agenda, c’est, aussi, dans moins d’un mois la sortie d’un livre important. Pouvez-vous nous en parler ?

Dans un mois aura lieu la sortie du livre « Femina Vox », qui reprend les actes du colloque de la Journée Internationale des Droits des Femmes de l’an dernier. On y retrouvera des grands témoins engagés comme Son Altesse Royale La Grande Duchesse de Luxembourg, Ingrid Betancourt, Diane Von Furstenberg ainsi que des personnes de terrain sur le front (Congo, Ukraine, Afghanistan, etc.) pour nous donner un aperçu des droits des femmes aujourd’hui. Ce livre est préfacé par Isabelle Rome, Ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des Chances. On y trouve, également, votre très beau témoignage sur l’Arménie…C’est un florilège important pour toute personne qui s’intéresse aux droits des femmes aujourd’hui.

Interview réalisée par Antoine Bordier


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