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Liban : après les jésuites, la 3ème génération des repreneurs de Château Ksara fait vivre un vignoble d’exception   

Copyright des photos A. Bordier

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De notre envoyé spécial Antoine Bordier

La Bekaa ? Est-ce une plaine, un plateau ou une vallée ? Entre les chaînes de Mont Liban et de l’Anti-Liban, une terre de cocagne s’étend sur une longueur de 120 km. C’est là, que Château Ksara, le vignoble le plus réputé du Moyen-Orient, se dresse avec ses 400 hectares-mosaïques. Reportage en altitude et en profondeur avec la nouvelle génération, qui écrit les 50 prochaines années d’un patrimoine né en 1857 !

Il y a des pays, des terroirs qui sont, à n’en pas douter, d’exception. Les hommes n’y sont, donc, a priori, pour rien. C’est reine nature qui a fait don de ce trésor à l’humanité. A ces femmes et ces hommes, qui de génération en génération, en sont, en quelque sorte, les héritiers, les premiers serviteurs. Au Liban, dans ce que l’on appelait le pays de Canaan, puis, la Phénicie, les terres fertiles de la Bekaa seraient des terres angéliques, divines.

Tout y pousse, comme si Dieu avait fait de cette région son jardin, son petit potager, son pré-carré. Les archéologues ont beau chercher, creuser et fouiller, ils n’ont pas encore trouvé la preuve exacte, qui démontrerait que le Jardin d’Eden se trouvait bien ici, entre le Mont Hermon et le Mont Ararat – ce dernier se trouvant beaucoup plus au nord, dans le Caucase. Du Caucase au pays du Levant, au pays du Cèdre, il n’y a qu’un pas… de géant à faire. Hérodote évoquerait la Bekaa dans ses écrits. Et Bacchus y aurait fait couler avec abondance le divin breuvage. C’est, d’ailleurs, le vin des dieux qui aurait fertilisé toute la plaine. Bacchus, Dieu, les dieux sont convoqués à la grande dégustation de l’humanité, ici, à la Bekaa. Oui, car, c’est ici, que l’homme y aurait planté les premiers ceps de vigne bien avant le déluge. Là, ce n’est pas un pas qu’il faut faire, mais un bond, un survol. Nous sommes en l’an 7 000 avant Jésus-Christ. Et, le vin coule, déjà, à flot

Des dieux aux hommes, il n’y a qu’une histoire à vous conter.

Ksara a rendez-vous avec l’histoire

L’histoire, les légendes et les mythes n’expliquent pas tout, mais ils nous font comprendre beaucoup de choses. Rapprochons-nous de notre temps. Et, restons dans cette vallée. Nous sommes au 19è siècle. Ecoutons la descendance de ces vignerons nous raconter cette histoire. George en est le conteur : « Oui, Château Ksara a une histoire incroyable, dont nous sommes les héritiers. Le vignoble a été fondé par les pères jésuites en 1857. Puis, en 1973, il est racheté par trois copains, trois familles : Les Chaoui, les Kassar et les Sara. Je fais partie de la 3è génération. Je suis le directeur général de la société et Zafer Chaoui en est le président. Il représente la 2è génération. Celle qui a redémarré en 1990, juste à la fin de la guerre civile. » Il faut y ajouter la famille Sayegh, qui possède, aujourd’hui, 10% des actions. Ksara est une histoire de familles, au pluriel.

La 3è génération rend hommage à la seconde, normal. C’est une histoire de respect et de transmission.

Une histoire de jésuites

Il faut douze longues années pour faire un jésuite. Combien pour faire un bon vin ? La réponse est difficile. Cela dépend des hommes et des femmes, du climat et du terroir. A Ksara, au 19è siècle la plaine fertile accueille, déjà, de nombreuses cultures. Les villes y sont rares. Au nord de la Bekaa, le temple de Bacchus, à Baalbek, et les nombreux vestiges phéniciens et romains, qui y ont été retrouvés, ont certainement attiré les jésuites au 19è siècle. Ils sont venus au Liban, au moment de la domination de l’Empire ottoman, pour y fonder des écoles, des collèges et des universités. L’USJ, l’Université Saint-Joseph, est, encore de nos jours, l’université francophone la plus prestigieuse au Liban, mais, également, dans tout le Moyen-Orient.

Entre 1831 et 1895, la Nouvelle Mission Jésuite en Syrie, qui comprend, donc, aussi, le Liban, plante son bâton de pèlerin entre Zahleh et Tanail. « C’est le frère Michel Jullien qui a commencé ici, avec une demi-douzaine d’autres frères », raconte George, qui se rend dans l’après-midi de cette fin d’octobre à Château Ksara. « Les frères ont été attirés et charmés par ce plateau d’altitude où coule l’eau avec générosité. »

Une vieille tradition

Il faut une petite heure pour faire la route entre Beyrouth et le vignoble. Une petite heure durant laquelle alternent les questions posées, les réponses données et des paysages… inimaginables, à couper le souffle comme on dit communément. Mais, là, le souffle n’est pas coupé. Les poumons se remplissent et déborde d’oxygène. C’est le trop-plein de l’émerveillement qui souffle à plein régime. Les yeux sont grands ouverts, les paysages montagneux défilent. Le Liban porte bien son nom : la Montagne de Dieu.

Les oreilles sont à l’écoute. George reprend la conversation. Il est né à Londres et parle un français parfait, presque sans accent. « J’ai commencé ma scolarité en France. Mon père fait partie de la seconde génération, celle qui a redonné vie à Château Ksara, à partir de 1990, après la guerre civile. Mon père est, aussi, lainier. » Alors que les jésuites ont posé pour la première fois les pieds au Liban, vers 1640, et qu’ils ont commencé à produire la célèbre liqueur libanaise, l’Arak, et le vin doux, il faut attendre très exactement l’année 1857, pour qu’ils partent, à plusieurs, en mission. Ils vont produire dans la Bekaa un vin d’exception. « Cette année-là, le frère Kirn pose la première pierre du monastère. Et, avec les autres frères commence la production d’un vin nouveau, qui sera servi pour la liturgie et pour la table. »

Les pieds dans les vignes, la tête dans les étoiles

Les jésuites en véritables bâtisseurs ont, donc, commencé les travaux du futur monastère et planté les premiers ceps de vigne. Le domaine à l’époque est plus qu’un domaine viticole. C’est une véritable paroisse qui fonctionne au rythme des offices liturgiques, des messes et des travaux quotidiens, intellectuels et manuels. Avec la population locale, c’est, en tout, une cinquantaine de familles qui travaillent avec les frères. Il faut, plusieurs années, pour que tous les bâtiments du monastère prennent forme. Pas de doute, ces jésuites sont des bâtisseurs !

Ils sont, aussi, des scientifiques. Entre Dieu et la science, le mariage est possible. A tel point qu’ils vont construire l’un des premiers observatoires d’astronomie du Moyen-Orient. En tout, il y en aura même deux. En bons scientifiques, ils vont innover. Cela fait partie de leur ADN, de leur vocation. Ces travailleurs de Dieu sont des contemplatifs de l’âme.

Saint Ignace de Loyola, le fondateur de la Société de Jésus, en 1534, alors que l’Eglise est dans la tourmente, innove en lançant ses chevaliers, sans épée, courir le monde et le nourrir des choses de Dieu. Ils sont les meilleurs sur les sujets de l’Education et de l’Enseignement supérieur. Ils vont montrer le chemin, la route à suivre, et permettre le redressement de l’Eglise.

« Regardez, nous entrons dans la Bekaa », s’exclame George. Avec sa voiture, nous avons gravi le point de passage du Mont Liban ouest, vers son versant est. Doux sont ses sommets qui tutoient les 3000 mètres. Ils ont des similitudes avec les reliefs lunaires. C’est comme si vous passiez d’un monde à un autre. Mais c’est pourtant le même pays. La chute est vertigineuse. Avec un dénivelé de près de 1000 mètres, l’horizon de la Bekaa devient vite enivrant. La plaine ressemble, par endroit, à un tableau, à un tapis de cultures, de roches et de terres, où alternent les couleurs vertes et les taches brunes et rouges agricoles, déjà, labourées. Nous entrons dans le paradis le l’or rouge et vert.

Une 3è génération, au chant de la fratrie

George est l’aîné de sa fratrie composée de trois garçons. Il a intégré la société viticole de Ksara, il y a douze ans. Après ses études universitaires, de gestion, d’économie, de finances et de sciences po à la Lebanese American University, il travaille d’abord comme directeur général adjoint. Le directeur général de l’époque est son responsable. « Il ne faisait pas partie des trois familles, mais il a géré la société pendant de longues années. J’ai beaucoup appris à ses côtés. Quand il a pris sa retraite, les associés m’ont proposé de prendre la suite. C’était un challenge important. J’ai eu la confiance de tout le board, dont celle de Monsieur Chaoui, le président. » George est l’aîné de la 3è génération qui prend doucement le relais de la transmission de cet imposant vignoble. La 1ère génération était celle des grands parents. Il insiste pour dire que c’est le président actuel (appartenant à la seconde génération), Zafer Chaoui, qui lui a tout appris. Il y a des parentés qui sont spirituelles ! Et, des relations qui chantent les valeurs de la fratrie.

« Les familles Chaoui, Kassar et Sara ont racheté le domaine aux jésuites en 1973. Deux ans plus tard, démarrait la terrible guerre civile. Les grands-parents se sont retrouvés avec ce domaine exceptionnel. »

Un domaine majestueux et des caves mystérieuses

Alors que nous plongeons, toujours, vers le plateau de la Bekaa, qui culmine à 900 mètres, nous apercevons sur le bas-côté de la route des cabanes de réfugiés syriens. Elles ressemblent à de grandes tentes bédouines, dont l’armature intérieur et extérieur est en bois. Elles sont recouvertes de bâches blanches et transparentes, en plastique, plus ou moins étanches. Leur sol est recouvert de tapis. Un paysage de pierres vivantes, de réfugiés, qui dénote avec celui de la montagne, où les pierres argilo-calcaires sont nombreuses.

« Regardez, nous sommes arrivés. » Soudain, le paysage est devenu plus urbain. Les 150 hectares de vignes qui enchâssés le domaine au temps des jésuites, jusqu’au début des années trente, se sont progressivement urbanisés. Est-ce la présence des Français qui gouvernent le Liban, avec une large autonomie laissée aux régions, entre 1920 et 1943, qui va accélérer l’industrialisation, la modernisation et l’urbanisation du pays ? Très certainement. Le domaine, alors, épouse parfaitement la colline. Comme si les jésuites avaient planté la vie, ici, à Ksara, dans le but qu’elle se développe elle-même, en embrassant les formes de mère nature.

De grands arbres majestueux, dans l’allée principale, vous accueillent, comme si vous étiez un invité de marque. Ils vous élèvent au-dessus des vignes plantées au pied des chais. Vous survolez les bâtiments qui s’étalent sur 3 hectares. « Nous allons rencontrer Chirine Kassem et Kamil Chaoui, qui font partie, avec moi de la 3è génération de repreneurs. Nous allons visiter des caves que les jésuites ont découvert après leur arrivée. Elles sont dignes des plus belles histoires sur le vin et n’ont rien à envier aux galeries champenoises », sourit George, qui sort de la voiture.

Balade aérienne et souterraine

Kamil est là, devant le chai d’accueil pour le grand public, qui ressemble à un grand chalet de montagne. Il manque la neige. Le vin à l’intérieur y est bien disposé. Des salles de réception, des salles de dégustation, des salles de présentation invitent à une découverte du domaine qui ressemble plus à un marathon qu’à une course de vitesse. Kamil se présente et répond à quelques questions : « J’ai 30 ans, et je m’occupe de toute la partie technique, avec notre œnologue. Ce qui nous unit ? Nos grands-parents étaient des amis authentiques. Cela facilite grandement la relation dans l’activité du domaine. La base, c’est la confiance ; ensuite, c’est la répartition des tâches et la responsabilité. » George parle, lui, de « fraternité ». Tous les deux s’installent autour d’un tonneau de 500 litres. Chirine les rejoindra plus tard.

La dégustation commence. Au programme des rosés, des blancs et des rouges. Un groupe de Chinois passe devant nous. « Ils raffolent de la région, de Baalbek, de Bacchus, et s’arrêtent chez nous », commente Kamil en train d’ouvrir une bouteille de rosé. Après ses études brillantes d’ingénieur dans différentes universités des Etats-Unis – il est même passé par Columbia University, l’une des premières université américaine – il rentre au pays. Ksara est un peu sa maison de famille. Il y est né. Il y vit, comme Chirine, a contrario de George qui vit à Beyrouth. « Je passe plus de temps dans les vignes et dans la partie technique, dans les caves. Je ne suis pas œnologue, mais je passe beaucoup de temps à goûter les vins… »

Chirine vient d’arriver, nous quittons la terrasse pour nous enfoncer dans les profondeurs mystérieuses des caves du domaine. Pensez : des galeries souterraines rocheuses, qui ressemblent à un jeu de pistes sous terre, et qui sont le royaume de centaines de milliers de bouteilles.

1800 mètres de caves

Avant d’y entrer, Kamil parle de ses projets environnementaux, qui sont sa marotte. Des énergies renouvelables, de la polyculture, aux panneaux solaires, en passant par la gestion durable et économe de l’eau, il est à la pointe de ce qu’il se fait de mieux sur le sujet. Il accompagne avec sa jeunesse, son dynamisme et son sourire affable, tout le domaine vers cette transition verte. Tous l’écoutent attentivement.

Les jésuites avaient compris la richesse de leur implantation dans la Bekaa, quand ils ont découvert la source d’eau naturelle se trouvant à Karm el-Ayn, qui veut dire le vignoble de la source. C’est la parcelle la plus élevée du domaine. Kamil travaille, également, avec les viticulteurs : « J’essaye de passer beaucoup de temps avec eux, pour comprendre leurs problèmes et les aider techniquement à améliorer la qualité du raisin et à adapter la viticulture au changement climatique. »

Chirine est la plus jeune de l’équipe. Elle n’a pas 30 ans. Elle vient de finir ses études et s’occupe de tous les sujets de marketing. « Il est important de respecter l’identité de Ksara, qui se résume en trois mots : Tradition, Noblesse et Modernité. Mon défi est de préserver le côté traditionnel de l’image de marque tout en le modernisant avec finesse », dit-elle alors que Kamil ouvre une vieille grille. Elle grince et débouche sur une première galerie à la lumière plus que tamisée. On s’enfonce, alors, dans la pénombre, qui joue avec l’ombre et la lumière. Là, des bouteilles et des tonneaux épousent la forme longiligne de la galerie. La température a chuté. Il doit faire aux alentours des 15°C. Nous nous arrêtons à plusieurs reprises devant de vieilles bouteilles centenaires, recouvertes de toiles d’araignées et de champignons. Elles ressemblent à des œuvres d’art posées les unes sur les autres. Elles sont éclairées de gris et de noir. « C’est notre trésor, explique George. Dans cette cave souterraine, découverte par les jésuites et que les Romains auraient creusé, le vin y vieillit de façon idéale. Les bouteilles qui sont recouvertes de champignons sont les plus anciennes. »

Un œnologue et 17 vins

Cette visite souterraine fait penser à Jules Verne. Elle est presque mystérieuse car au détour d’une galerie, on pourrait apercevoir et croiser l’ombre d’un vieux jésuite, l’œil rivé sur son télescope ou, plutôt, le nez sur une pipette de dosage. Non, ce n’est pas un jésuite. C’est James Palgé qui prend le relais de la visite des chais de vinification. « Je suis 100% français, s’amuse-t-il à dire. Je suis l’œnologue de Ksara, depuis 30 ans. Je suis originaire de la vallée de la Loire. Depuis toutes ces années, avec toutes les équipes, nous produisons des vins qui font le tour du monde, dans une quarantaine de pays. Nos 3 millions de bouteilles sont vendues chaque année au Liban, pour 50%, et le reste à l’export. »

Classé numéro 1 au Liban et dans tout le Moyen-Orient, quel est le secret de cet œnologue qui a mis Ksara en haut de l’affiche ? Le secret serait dans les hommes, les investissements, depuis la reprise en 1973, et dans les cépages. « Oui, nous produisons 17 vins différents. Mais, surtout, ce qui est encore plus compliqué, c’est que nous avons 40 cépages, la plupart venant de France. Et, 10 terroirs de production. Des terroirs, des implantations et des altitudes qui sont des exceptions. Ici, a contrario de la France, nous avons la chance de pouvoir expérimenter tous les cépages sur des terroirs différents… » James ne s’arrête plus et parle des cépages espagnols, grecs, italiens. Il est passionné et passionnant, lui qui a fait ses premières armes à… Bordeaux.

L’ivresse est de retour. Avec une équipe de 105 salariés, dont la valeur principale est la fidélité, on comprend mieux pourquoi le vin de Ksara est un vin non seulement populaire, pour les Libanais, avec toutes les gammes, mais très recherché à l’export. Sans doute, également, parce qu’il a reçu de nombreuses médailles… d’or.

Un 4×4 dans les vignes

A bord de son 4×4 blanc, Imad Choueiry, ressemble à ses fermiers de l’Ouest argentin. Il lui manque, juste, les santiags et le fameux chapeau de cowboy. Il va se révéler un guide hors-pair, qui connaît son sujet par cœur. Il sait où sont disséminées ses 200 hectares de vignes (la moitié du vignoble), dont il a la charge. A son bord, nous partons en direction du sud-ouest toute fenêtre ouverte. Nous passons les villages de Chtaura, de Qob Elias, de Houch Aammiq et de Aana. Nous nous arrêtons au village de Kefraya et à Mansourah. A droite le Mont Liban, à gauche les plaines fertiles et verdoyantes, où l’eau coule et se déverse à partir de la petite rivière qui porte le joli nom de Litani. De part et d’autre de la route, des cultures à perte de vue. Le soleil arrose de ses rayons dorés toute la montagne qui prend, alors, des allures de peinture flamboyante. C’est royal. Il manque juste une couronne. Celle-ci n’apparaît qu’en hiver, avec son manteau blanc. La montagne devient alors une reine… d’hiver.

A Kefraya et à Mansourah, en tout, près d’une centaine d’hectares s’étalent, soit en forme de palissage, soit en gobelet. « Je travaille depuis 2010 à Ksara. Je suis ingénieur agronome. Pour rien au monde, je quitterai ce lieu unique. Je suis responsable vignoble. Je m’occupe d’une dizaine de parcelles. » Imad est incroyable. Il n’a pas besoin de GPS. Il connaît leurs cépages, tous différents. Comme si la belle mosaïque du Liban se transportait et se liquéfiait à la Bekaa, pour fournir les 17 nobles breuvages.

Son travail ? Après les vendanges, qui ont duré cette année, deux mois, 9 semaines, et qui se sont terminées à la mi-octobre, Imad et son équipe prennent soin des parcelles en repos. L’automne s’annonce.

Il s’arrête soudain au bord de la route, après avoir dépassé un vieux camion tout cabossé, rouge, qui transporte des ouvriers agricoles. « Ce sont des Syriens, qui vivent ici. Ils nous aident et participent aux vendanges. Certains s’occupent, également, de nos parcelles… Regardez, là-bas, au pied de la montagne, nous sommes en train de travailler une nouvelle parcelle. » Plus haut, effectivement, des engins mettent à nu une partie de la pente montagneuse, en excavant la roche. La terre rouge est remplie d’argile et d’oligo-éléments qui vont dans deux ou trois ans nourrir la vigne. C’est cela Ksara : une roche et une terre où coule l’eau et le vin.

Un président et une transmission

Nous venons de passer 24h00 dans la Bekaa. Nous quittons les effluves et les parfums d’alcool, qui embaument les environs des chais. La balade ne peut y être qu’enivrante. Elle s’est avérée fabuleuse, comme un fabuleux destin de… Ksara.

A Beyrouth, dans ses bureaux, nous rencontrons Zafer Chaoui, le président directeur-général de Château Ksara. « Nous sommes la plus ancienne et la plus grande des productions vinicoles au Liban. Je suis heureux que la troisième génération puisse y apporter sa pierre et écrire la nouvelle histoire de Ksara. Nous avons, avec nos associés, voulu qu’il y règne des valeurs de confiance, de responsabilité et de satisfaction. Dans cette société, il y a un climat, excessivement, positif. » Zafer Chaoui a la voix rocailleuse, qui rappelle cette roche extraite. Il a le regard limpide, des plus clairs. Et, regarde droit son interlocuteur, comme s’il voulait en faire un ami, un invité de marque. Il y a de la générosité dans cet homme, qui veut transmettre son histoire.

Un dernier mot sur les valeurs

En face de moi, un grand capitaine d’industrie, qui continue à hisser sa grand-voile et à tirer des bords. Il navigue souvent en eaux profondes. Il a risqué sa vie, lorsque l’armée syrienne a occupé, pendant plusieurs années, entre 1980 et 1990, les bâtiments du domaine, dont sa maison en pierre, et le célèbre monastère des jésuites – actuellement, en pleine restauration. A l’âge de 18 ans, il quitte sa Syrie natale pour le Liban. Son père y est entrepreneur. Il va marcher sur ses traces, alors que débute la guerre civile, en 1975. Il est un rescapé. Il va devenir un serial-entrepreneur à succès dans le secteur du papier, de la pharmacie et du… vin.

« Je veux transmettre les valeurs qui m’ont été transmises par mon père. Je veux parler de la fidélité, de la longévité, du travail bien fait, de l’esprit d’entreprise, du respect de l’histoire. En 1973, lorsque nous avons repris Ksara nous l’avons repris dans l’esprit de sauvegarder ce patrimoine unique, de lui donner de nouveaux moyens, et de le développer. L’attachement de chacun pour Château Ksara est, lui-aussi, unique. »

Pour conclure ce reportage-fleuve, rien de mieux que la célèbre devise des jésuites : « Ad majorem Dei gloriam ». « Pour une plus grande gloire de Dieu » ou de… Bacchus !

Pour en savoir plus : https://chateauksara.com/

Reportage réalisé par Antoine BORDIER


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1 commentaires sur « Liban : après les jésuites, la 3ème génération des repreneurs de Château Ksara fait vivre un vignoble d’exception    »

  1. FELICITATIONS POUR CET ARTICLE MAGNIFIQUEMENT BIEN DEVELOPPE.
    ET HOP! C’EST PARTI POUR UN NOUVEAU CENTENAIRE GRACE A UNE RELEVE SI BIEN ASSUREE PAR SON « PDG » VISIONAIRE !!!!

    Répondre

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