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La torture par l’espérance

Tribune libre. C’est le titre d’une nouvelle de Villiers de L’Isle-Adam que l’on trouve dans Les Contes cruels. L’auteur nous raconte la tentative d’évasion d’un malheureux des geôles de l’Inquisition, où il a été détenu puis torturé en tant qu’hérétique et relaps.

La nouvelle nous conte la surprise de l’homme découvrant que sa cellule n’est pas fermée, car le gardien distrait sans doute par quelque activité plus importante, a oublié de tourner la clef bloquant le pêne dans la gâche. Ressaisissant ses maigres forces, il se faufile hors de sa cellule et parcourt en trainaillant la patte, le corps endolori par les traitements qu’il a subis, les couloirs souterrains de la forteresse. Ici il y a des gardes, là il y a une salle de travail (!!!) d’où s’échappent des cris déchirants, mais il évite les pièges et voit enfin une lumière qui présage la sortie à l’air libre.  Il a réussi.

Tout à sa joie de retrouver la liberté il entend à peine une voix douce et mélodieuse, celle de l’inquisiteur présent pour l’accueillir lui susurrer à l’oreille : « Hé bien mon fils, si prêt de votre salut vous vouliez déjà nous quitter » ?

Soyons bref, c’est ce qui nous arrive avec le déconfinement.  Comme dans la comptine de notre enfance, Turlututu chapeau pointu, il ne manque à ces messieurs qui nous dirigent que le chapeau pointu. Ajoutons que la séance vespérale, (pour ceux qui l’ont oublié les vêpres c’est vers 19h à la tombée du jour) des bons conseils du Professeur Salomon commence à porter sur les nerfs à mesure que son effet hypnotique s’épuise. Une note de gaité cependant dans toute cette noirceur, une nouvelle voix s’est jointe au concert véhément des donneurs de leçon, le mouvement féminin mitoto, qui a ourdi depuis l’outre Rhin une plainte pour harcèlement sexuel contre un ancien Président de la République française âgé de plus de quatre-vingt quinze ans. (Mitoto : demi Toto ?).

De fait l’indignation est devenue le langage courant des faux monnayeurs.

La torture par l’espérance a titré Villiers de l’Isle-Adam. Reverrons-nous fleurir la liberté dont nous jouissions jadis ? On peut se poser la question avec justesse car il n’est pas si fréquent qu’un peuple entier ait pu ainsi être placé sous tutelle sans même qu’il ait fallu avoir recours aux proclamations des forces armées.

Il serait judicieux de relire Knock, la pièce de théâtre de Jules Romains que l’on trouve également au cinéma, interprétée par l’inoubliable Louis Jouvet (Guy Lefranc 1951). L’exploit du Docteur Knock est d’être arrivé à placer en clinique tous les habitants d’une ville et des provinces  alentours où il a installé ses activités, avec un système de rotation alternatif pour que certains puissent travailler quand d’autres sont en soins. Prémonitoire ! Reste la télévision, également vectrice d’imbécillité narcotique. Il y a heureusement des exceptions notables. Ainsi, la remarquable émission signée Stéphane Bern et Laurent Deutsch intitulée La folle aventure du Paris Haussmannien sur France 2 (en replay sur France TV). Leur travail révèle à ceux qui en doutaient encore les beautés du règne de l’Empereur Napoléon III (1851-1870). Le Paris que nous connaissons aujourd’hui doit tout aux deux Napoléon. Tracée par le premier, finie par le second, l’œuvre entière accomplie sous ces deux règnes a inventé la France moderne, rénové et embelli Paris, ville lumière que le monde jalouse. Premier régime à s’être vraiment intéressé au développement de la Corse, le Second Empire, calomnié par ceux qui avaient pris sa place revient inexorablement au regard de l’histoire occuper le rang qui lui revient. Inventeur de l’écologie, Napoléon III planta 80 000 arbres dans la capitale, créa 2000 hectares d’espaces verts, installa des bois  en pleine cité et incita les parisiens à la pratique du vélocipède, sans attendre Madame Hidalgo.

L’espérance susdite ira-t-elle jusqu’à ce que disparaissent des postures de qui nous parle l’envie et l’imbécilité qui accompagnent toujours leurs discours moralisateurs ?

L’agression inadmissible dont a été victime le chroniqueur Eric Zemmour, maltraité par un individu s’estimant « en désaccord avec ses idées », comme il s’en est vanté niaisement sur les réseaux sociaux laisse à penser qu’hélas  la pègre s’empare de l’espace public.

Et l’honneur dans tout ça? Je veux croire que le conte n’est pas dit dans son entier pour y croire encore.

Jean-François Marchi

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