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Faut-il faire évoluer les institutions de la Vème République pour réconcilier les Français avec la politique ?

Entreprendre - Faut-il faire évoluer les institutions de la Vème République pour réconcilier les Français avec la politique ?

Extraits du livre d’Axel Rückert, Faire réussir la France que j’aime, propositions du plus Français des Allemands, disponible sur www.fairereussirlafrancequejaime.com et sur Amazon

L’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron et ses déclarations du « ni de gauche, ni de droite », du « en même temps » et ses débauchages progressifs chez d’autres partis – surtout les Républicains – ont certes fait exploser les partis de gouvernement traditionnels, mais n’ont amené aucune reconfiguration durable du spectre politique.

À ceci près, que sa politique de louvoiement au centre (droit), associée à son manque de considération pour les problèmes de tous les jours des Français, a conduit à une forte montée des extrêmes, réunissant au premier tour des élections présidentielles plus de 60% des voix.

 Et même le deuxième tour, gagné avec une avance toujours assez confortable, n’a pas effacé le fait qu’il s’agit, comme le faisait remarquer, à tort ou à raison, Jean-Luc Mélenchon, du Président le plus mal élu de la cinquième République : sa réélection avec 58,5% des voix exprimées, 6% de votes blancs ou nuls, 28% d’abstentions et compte tenu de 5% de non-inscrits parmi la population ayant le droit de vote, correspond à moins de 40% des Français qui, ayant donné leur voix a Emmanuel Macron, constituent sa base démocratique. De là à redouter l’opposition des plus de 60% n’ayant pas voté pour Emmanuel Macron, s’opposer « légitimement » (et avec violence ?) à ses projets de réforme, il n’y a qu’un pas.

 En attendant ces changements complexes des institutions, cela ne surprendra personne, la méfiance des Français vis à vis de la classe politique – dirigeants et institutions – a continuellement augmenté et atteint un niveau dramatique. Dans toutes les enquêtes – IPSOS /Argus de la Presse, Opinion Way pour Sciences Po, CEVIPOV, etc.- le Président de la République et le gouvernement, mais également les partis politiques battent les records de défiance, et il ne reste que les maires et les instances locales qui conservent un niveau de confiance satisfaisant. Autre décrochage : avec seulement 49%, les Français sont les derniers de l’Europe à s’intéresser à la Politique (par rapport à 79% en Allemagne). Leur taux de participation aux élections, en baisse constante et atteignant désormais un niveau où le premier parti est celui des abstentionnistes, témoigne de leur implication de plus en plus faible dans la vie politique. Comment a-t-on pu arriver là ?

 Il y a d’abord le sentiment des Français d’avoir de moins en moins la main sur leurs destinées et que voter ne change absolument rien. Car
« depuis longtemps, la technocratie s’est substituée au pouvoir politique en le contaminant au point que nous assistons, depuis quelques années, à une technocratisation des gouvernants ».[1] « Entre l’influence de la technocratie nationale et celle de Bruxelles, nous n’avons plus vraiment la main sur nos destinés ! ».[2]

 Puis, comme souligné par le panel des citoyens abstentionnistes dans l’émission « Mission Convaincre » de David Pujadas et Ruth Elkrief sur LCI, leur absence de vote est motivée par la distance accrue et même l’incompréhension totale entre le discours des politiques et les préoccupations quotidiennes des citoyens dans la vraie vie. Et l’habitude de ces derniers de faire d’importantes et de nombreuses promesses qui, comme le dit le proverbe, n’engagent que ceux qui y croient. Mais aussi les nombreuses affaires de justice et leur couverture médiatique intense et sans véritable respect de la présomption d’innocence : affaires Balladur, Baroin, Sarkozy, Fillon, Tapie et plus récemment, avec condamnations sévères, Guéant, les époux Balkany, etc.

 Les résultats des élections législatives du mois de juin, date à laquelle ce livre est parti à l’imprimerie, risquent de compliquer encore davantage la capacité du Président à gouverner la France. L’absence d’une majorité absolue à l’Assemblée pour les Députés de la République en Marche oblige le Président, soit de rechercher un accord de gouvernement avec une autre formation politique ou un nombre important de députés d’autres sensibilités, soit de trouver des alliances au coup par coup en fonction des projets de lois. Et de vivre avec le risque d’être forcé dans une cohabitation en cas de dissolution de l’Assemblée, comme cela fut le cas après la dissolution « ratée » de l’Assemblée par Jacques Chirac en 1997 et, aux élections législatives, l’arrivée d’une majorité parlementaire de gauche et la nomination de Lionel Jospin comme Premier Ministre.

 Pour un Allemand comme moi, habitué à des gouvernements de coalition entre deux, voire maintenant trois partis, cette configuration représente plutôt une chance unique pour passer des réformes avec une large majorité transpartisane à l’Assemblée. Pas pour un Français, qui considère des accords entre partis, voire une cohabitation comme non-souhaitable, contraignante et calamiteuse. Il y a là certainement un apprentissage à faire…

 Pour éviter à la France des crises républicaines certaines et très dangereuses sur le plan de la cohésion sociale, je milite pour au moins cinq changements institutionnels majeurs : Premièrement, un retour à un mandat présidentiel de sept ans – mais non renouvelable. Ainsi le Président, comme on le verra, je l’espère, également lors du deuxième quinquennat non renouvelable d’Emmanuel Macron, arrivera à s’affranchir de son regard permanent sur les sondages et son obsession naturelle de préparer sa réélection. Sa seule préoccupation deviendrait alors de provoquer les changements qui sont bons pour la France.

 Deuxièmement, dissocier les élections pour l’Assemblée Nationale des élections présidentielles, en les plaçant, par exemple, à mi-mandat. Ainsi, le Président ne disposera pas « automatiquement », comme c’était toujours le cas avant les élections de juin dernier, d’une majorité parlementaire à sa couleur, mais sera poussé, vers un modèle coopératif d’alliances et de coalitions. En même temps, l’importance du Parlement se retrouvera renforcé et le compromis transpartisan deviendra fréquent…Avec, par la même occasion, un plus grand sérieux imposé aux députés : par exemple, de ne plus déposer des amendements en quantité phénoménale dans le seul but de retarder un vote et une obligation de présence aux principaux débats et votes…

 Troisièmement, et malgré la forte augmentation des députés appartenant aux Rassemblement National et à la NUPES, élus même dans le cadre de l’ancien système électoral (100% majoritaire et à deux tours), introduire une « dose » de proportionnelle (l’Allemagne pratique 50% de mandats directs et 50% via les listes des partis, avec un seuil de prise en compte de 5%). Comme il est démocratiquement inacceptable que des mouvements politiques, ayant récolté plus de 50% des voix, soient à peine représentés au Parlement. Mais un glissement trop fort et trop rapide vers 100% de proportionnelle risque de provoquer panique et instabilité – aussi parce qu’il entraîne un éloignement très fort du député de sa circonscription au profit des listes électorales décidées quasi-exclusivement par les partis.

 Quatrièmement, reconnaître et donc compter au sein des suffrages exprimés, du vote blanc en tant que volonté de l’électeur de s’exprimer en faveur d’aucun des candidats présents.

 Enfin et cinquièmement, recourir plus fréquemment à des consultations des citoyens dans le cadre de référendums populaires…mais attention, sans remise en cause automatique, en cas d’un rejet du projet par les citoyens, du gouvernement, voire du Président. Au moins pour un Suisse « le referendum d’initiative populaire est le meilleur moyen pour que les élites se soucient de former et d’informer, pour qu’elles se préoccupent d’avoir des citoyens éveillés plutôt que des populations supposées tranquilles car écartées du jeu et donc de la réflexion politique. »[3]

 Programme de changements très difficile et nécessitant certainement énormément de communication, d’explications et de consultations…et du côté des Français, un gain de maturité politique de leur part. Réalisable en partie à partir de simples votes du Parlement ou nécessitant des changements de la Constitution ? Emmanuel Macron a certainement l’intelligence pour attaquer ce chantier titanesque… Aura-t-il, pour le réaliser, le courage lors de son deuxième mandat, justement parce que ce sera son dernier, et saura-t-il trouver une majorité pour le faire voter ?

 D’autant plus que deux autres gros chantiers l’attendent en matière institutionnelle : la décentralisation de la France, abordée dans le chapitre « réduire et décentraliser les fonctions de l’Etat ». Et le développement de l’Europe, sujet pour lequel il se plaît à prendre un rôle moteur et pour lequel le conflit de l’Ukraine apportera de nouveaux impératifs. Et qui nécessitera obligatoirement une clarification entre les domaines délégués par les pays membres de la Communauté Européenne – outre la politique économique au-delà de la monnaie (système fiscal, régimes sociaux) mais surtout des domaines de la vraie politique : Défense, immigration, politique étrangère etc., pour lesquels la France éprouve traditionnellement des difficultés à abandonner son autonomie.

 Comment alors retrouver l’intérêt des Français, surtout des jeunes, pour la politique et leur faire reprendre le chemin des urnes ? En corrigeant la dérive monarchique du système. Par la création de mécanismes à tous les niveaux – local, régional et national – permettant aux citoyens d’exprimer leurs opinions et d’influencer les décisions (forums citoyens, référendums populaires, comme en Suisse, débats et relations étroites avec les institutions locales etc.) avec un respect des résultats… (et non pas, comme lors du résultat négatif de la consultation des Français sur l’Europe, en pratiquant une inversion du résultat par un vote du parlement…).

 Le lancement du grand débat national post « gilet jaunes » et de la convention citoyenne pour le climat représentaient certes des tentatives d’un exercice de pouvoir plus participatif. Mais elles s’avèrent largement insuffisantes, surtout si elles n’entraînent, malgré des promesses de prise en compte des principales conclusions, aucun débat au parlement et, le cas échéant, des projets de lois. Comme la recherche d’une rencontre et d’un dialogue permanent avec les Français… est monopolisée exclusivement par le Président et ressemble davantage à une vaste campagne de communication.

 Enfin par un changement radical du ton des politiques et de la façon de parler aux citoyens : sur le fond, un discours de vérité, moins technique et ne consistant pas à infantiliser les citoyens ; et sur la forme, moins critique vis à vis des autres, moins prolifique en promesses, mais surtout plus humble et modeste, admettant des erreurs commises ou, par moment, le fait de ne pas savoir. A l’exemple du style et du ton de… « Mutti Merkel ». Et tout cela en faisant preuve d’une meilleure compréhension des situations vécues par les citoyens dans leur vie quotidienne.

 L’expérience de deux non-campagnes électorales totalement « anéanties » par la crise ukrainienne et avec un Président « très occupé ailleurs » et donc peu disponible pour une confrontation avec ses challengers, a apporté une nouvelle déception à tous les Français, surtout les jeunes, qui avaient espéré à cette occasion un vrai débat démocratique.


[1]Sonia Mabrouk, Douce France, où est (passé) ton bon sens ? Plon 2019, page 47

[2]Idem page 58

[3]Mathieu Calame, La France contre l ‘Europe : histoire d’un malentendu, Editeur Les petits matins, 2019, page 88

Axel Rückert

Extraits du livre Faire réussir la France que j’aime, propositions du plus Français des Allemands, disponible sur www.fairereussirlafrancequejaime.com ou sur Amazon


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