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Le retour miné d’Anne Hidalgo à Paris

Daniel Derajinski/ABACAPRESS.COM

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En recueillant un score famélique de 1,75 % des voix au premier tour de l’élection présidentielle, Anne Hidalgo signe, pour de nombreux observateurs, la mort cérébrale du Parti socialiste. Son retour à la mairie de Paris, où elle a fait à peine mieux (2,17 %), promet de nombreuses attaques en illégitimité venant de l’opposition, alors que les polémiques sur son bilan enflent.

Haro sur la dette de la ville

Entre décembre et février dernier, la vie politique parisienne a été agitée par une action inédite. L’opposition de droite à l’Hôtel de ville, conduite par Rachida Dati, maire du 7ème arrondissement de Paris, et plusieurs associations, comme l’Union parisienne, Sauvons notre Paris ou encore le Comité Marais Paris, réclament la mise sous tutelle de la capitale. Une procédure qui, si elle était validée par la justice, conditionnerait les décisions d’Anne Hidalgo à l’accord du préfet. Pour justifier une action si radicale, les plaignants évoquent l’évolution catastrophique de la dette de la ville, qui a grimpée de 4,6 milliards à plus de 7,7 milliards d’euros en cinq ans, selon les données d’un rapport très sévère de la Chambre régionale des Comptes. Soit une dette estimée à 3 498 euros par Parisien au 1er janvier 2021, contre 1 772 euros à Marseille et 769 euros à Lyon). Le montant de la dette serait même en partie sous-estimé, selon une étude menée par le magazine Capital, qui en fixe la valeur réelle à 10,02 milliards d’euros en y ajoutant notamment les autorisations d’emprunts de l’année 2022 et les avances exigées sur les loyers HLM de la ville. « Lorsqu’Anne Hidalgo a pris la place de Bertrand Delanoë, en 2014, la dette tournait autour de 3,6 milliards d’euros, ce qui était déjà énorme », s’emporte David Alphand, spécialiste des finances et conseiller de Paris. Il y a vingt ans, la dette parisienne n’était « que » d’un petit milliard d’euros.

Un dérapage financier qui s’ajoute, selon les plaignants, à une exacerbation des problèmes de propreté et de sécurité, notamment dans le nord-est parisien, où la consommation de crack exaspère les riverains. Les plaignants estiment aussi que la politique mise en œuvre par l’exécutif parisien porte atteinte au patrimoine de la ville et néglige l’entretien de l’espace public, de certains monuments historiques et emblématiques de la ville. Sur ce point, le jugement des Parisiens est unanime. Selon un sondage IFOP pour le JDD, publié en octobre dernier, 84 % des Parisiens jugent que leur ville est sale et 73 % affichent leur mécontentement sur les questions de propreté et d’entretien de la capitale. Une exaspération révélée au grand jour sur les réseaux sociaux par le mouvement #SaccageParis, qui totalise plusieurs dizaines de milliers de publications sur Twitter. La colère n’épargne pas non plus les anciens fidèles d’Anne Hidalgo. « Ils ont raison de dire que la capitale est dégueulasse, mal gérée, congestionnée. La mairie a tout fait pour le diaboliser, mais (#SaccageParis) est un mouvement salutaire », affirmait fin 2021 Max Guazzini, ancien membre du comité de soutien à Anne Hidalgo. La Maire de Paris avait à l’époque botté en touche en évoquant « une campagne de dénigrement », venue de l’extrême-droite.

Les grands projets en procès

Autre sujet de tensions, la politique de travaux de la ville irrite l’opposition politique parisienne. La dernière crise en date est celle de la Gare du Nord, première d’Europe en termes de voyageurs et particulièrement stratégique pour la Ville de Paris à l’approche de la Coupe du monde de rugby en 2023 et des Jeux olympiques de 2024. L’ancien projet, porté par Ceetrus, une filiale du groupe Auchan et dénommé StatioNord, prévoyait une extension de la gare et de ses abords afin d’aligner la gare du Nord sur les standards des meilleurs élèves européens, notamment St Pancras à Londres. Une refonte jugée urgente par les usagers tant la Gare du Nord subit l’inimitié des Franciliens, pour son insécurité endémique et son insalubrité persistante. Une enquête menée par l’Institut Paris Région en novembre 2019 révélait en effet que, parmi les gares franciliennes, la gare du Nord était de loin la plus « anxiogène », devant Châtelet – Les Halles et Saint-Lazare. Le projet initial était d’ailleurs largement plébiscité par les habitants du 10ème arrondissement -entre 93 % et 96 % des sondés en 2019-, selon un sondage Odoxa, et promettait, selon ses promoteurs, la création de 1 800 emplois directs. La Marie de Paris l’a finalement abandonné en septembre dernier, alors même que toutes les procédures avaient été respectées et les autorisations et permis de construire accordés par la préfecture. Le nouveau projet, bien moins ambitieux, prévoit uniquement des travaux a minima et reste globalement cosmétique, bien loin des aspirations initiales portées par Ceetrus et surtout, des attentes des usagers. De quoi aiguiser les colères. D’autant que l’ancien projet était entièrement financé par la SNCF et Ceetrus, contrairement au nouveau, dont le coût devrait être supporté par le contribuable.

En parallèle, la poursuite de projets parfois jugés inutiles par les riverains continue d’exaspérer. Le projet très contesté de Tour Triangle, refusé par 81 % des habitants lors de l’enquête publique, a ainsi vu ses travaux débuter au mois de mars. Un potentiel nouveau fiasco après celui du Forum des Halles. D’autres choix de la mairie de Paris ont déchaîné les critiques, comme l’acquisition d’un cœur à 9 mètres de hauteur à la porte de Clignancourt, dans le XVIIIème siècle, facturé à environ 650 000 euros dans le cadre du programme d’accompagnement artistique du prolongement du tramway T3 ou encore l’accord de plus en plus systématique de permis de construire amenant à la destruction de maisons faubouriennes typiques de la capitale, au profit d’immeubles plus hauts. Actuellement, c’est le projet de refonte du Champs de Mars qui subit l’inimitié des riverains et des associations, qui y voient « un grand danger ».

Polémiques en série sur le train de vie de l’équipe exécutive

Attaqué sur tous les fronts, l’exécutif parisien fait aussi l’objet de nombreuses polémiques pour ses dépenses de fonctionnement. En mars dernier, une polémique a ainsi éclaté après le refus d’Anne Hidalgo de rendre public le détail de ses frais de représentation, qui s’élèvent à 19 720 euros par an, malgré l’insistance du journaliste néerlandais Stefan de Vries en 2018, connaisseur affûté de la vie politique française, et les demandes insistances de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA). Sous pression, Anne Hidalgo joue la montre et a porté l’affaire devant le Conseil d’État qui, espère-t-elle, validera son droit au refus.

En 2020, pendant la campagne municipale, l’opposition avait aussi dénoncé l’entourage pléthorique d’Anne Hidalgo, entourée de 37 adjoints, dont le coût, qui prend en compte « les secrétariats, les équipements et les services de la flotte de véhicules de service et des chauffeurs » est estimé à 65 millions d’euros, selon les calculs réalisés par Marie-Claire Carrère-Gée, présidente du groupe Les Républicains et Indépendants (LRI), durant la précédente mandature. Une garde rapprochée -et des coûts associés- que la mairie de Paris s’est engagée à réduire drastiquement, notamment dans le sillage de la crise sanitaire qui n’a, financièrement, pas épargné les Parisiens. Pour Anne Hidalgo, les quatre années à venir avant les prochaines élections municipales s’annoncent particulièrement rudes. Alors même que les Jeux Olympiques, prévus en 2024, devraient mener à de nouveaux travaux et l’afflux de nombreux touristes en ville.


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