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Éric Ciotti : « Il est urgent de créer un fonds souverain de réindustrialisation »

À 57 ans, le député des Alpes-Maritimes s’est imposé comme l’une des valeurs sûres de la droite. Élu président des LR en 2022, Éric Ciotti en appelle à un vaste programme de redressement économique.

Eric Ciotti (Photo Raphael Lafargue/ABACAPRESS.COM)

Quelles sont vos priorités en matière économique pour redresser le pays ?

L’État français doit cesser d’être un mastodonte qui asphyxie l’esprit d’innovation et d’entreprise : il doit au contraire l’encourager. Il faut baisser de manière importante les impôts de production (quatre fois plus élevés en France qu’en Allemagne) et lever tous les obstacles à la pérennité des activités industrielles. Je songe notamment aux charges patronales, qui atteignent des niveaux sidérants dans notre pays, et à la transmission des entreprises familiales, pour lesquelles il faut renforcer le pacte Dutreil en élevant les abattements à 100%. La liberté est l’outil majeur sur lequel nous devons nous appuyer pour déployer toutes les énergies.

Et la réindustrialisation, vous y croyez ?

Pour que la France se réindustrialise, il faut aussi que l’État redevienne un État stratège : ses missions doivent être redéfinies et réorientées sur ses missions souveraines et régaliennes. Nous devons ainsi réduire ses dépenses de fonctionnement au profit de sa capacité d’investissement : un outil qu’il serait intéressant d’envisager serait la constitution d’un fonds souverain capable de porter nos ambitions dans les grands secteurs stratégiques de notre réindustrialisation. Ces secteurs stratégiques, ce sont tous les secteurs de souveraineté : santé, défense, télécommunications, énergie, etc. Un excellent exemple est celui de la relocalisation sur le territoire national de la production des médicaments.

Il y a 30 ans, 20% des principes actifs étaient produits hors d’Europe : aujourd’hui, 80% d’entre eux le sont. Il s’agit d’une question d’indépendance nationale et de souveraineté sanitaire. Nous ne pouvons pas continuer à dépendre à hauteur de 60% voire 80% des importations de médicaments, notamment quand ces importations viennent principalement de Chine. Il est inacceptable d’indexer ainsi la santé des Français sur l’équilibre du monde, surtout en ces temps d’instabilité globale.

Cet exemple nous rappelle aussi que l’enjeu de notre réindustrialisation est un enjeu européen, puisque nos voisins sont confrontés à des problèmes semblables. L’Union européenne a été trop longtemps un vecteur de désindustrialisation : nous devons en faire un vecteur de réindustrialisation. Cela doit passer par une révision du droit européen de la concurrence qui assumerait la préférence européenne mais aussi par la mobilisation de moyens importants – tout comme cela doit être le cas au niveau national – dans le domaine essentiel de la recherche. Nous avons vu combien tout cela nous avait manqué lors de la pandémie de covid-19.

Le défi de la réindustrialisation est donc un défi pluriel qui nécessite des réponses en termes de stratégie étatique, de fiscalité, de débureaucratisation, de simplification, de droit national et européen, de recherche, etc.

La priorité des priorités n’est-elle pas aussi la réforme de l’État ?

Nous devons en effet mettre fin au plus vite à l’étouffement bureaucratique. Il n’est plus possible de voir des administrateurs hors-sol éteindre des initiatives nécessaires au dynamisme de nos territoires au nom d’acronymes barbares comme les ZAN. La France a besoin de clarté et de simplicité : l’illisibilité et l’immobilisme bureaucratiques ne sont pas une fatalité. Le grand chantier de la simplification administrative doit passer par une vigilance accrue sur la production de normes et leur superposition entre toutes les strates de décision, de la commune jusqu’à l’Europe.

Je veux ici saluer le travail du Sénat qui, en mars 2023, à l’issue de ses États généraux de la simplification, menés sous l’autorité de Gérard Larcher, a obtenu la signature par le gouvernement d’une charte d’engagement pour en finir avec l’addiction normative dans le domaine du droit des collectivités territoriales.

Et la décentralisation ?

La décentralisation doit rapprocher le citoyen de la décision, or elle s’est complexifiée au fil des ans et a produit l’effet inverse de l’effet recherché en éloignant plus encore le peuple de la politique. Nous devons clarifier la structure décentralisée de notre pays et simplifier également la présence de l’État central dans les territoires à travers un exercice raisonné de déconcentration qui s’appuiera sur la centralité du préfet de département.

Les trop nombreuses agences de l’État doivent notamment être supprimées. Nous devons passer d’une culture du contrôle bureaucratique à une culture de la confiance démocratique qui puisse associer un État central stratège, efficacement représenté dans les territoires par l’autorité préfectorale, à une organisation décentralisée qui permette aux citoyens d’exprimer leurs volontés au plus près de leurs réalités quotidiennes. Ainsi, comme vous le dites, le système cessera de s’auto-nourrir puisqu’il sera rationnalisé.

Cette entreprise de simplification doit s’accompagner d’une diminution du nombre de fonctionnaires dans les domaines non régaliens et d’un effort inédit de numérisation qui permette de faciliter et d’automatiser nombre de procédures aujourd’hui excessivement complexes et chronophages. La tyrannie du Cerfa doit prendre fin.

Quels investissements préconisez-vous pour les énergies propres souveraines ?

La transition écologique est une question primordiale à laquelle nous devons répondre afin de léguer aux générations futures une planète vivable. Cependant, il ne nous faut pas oublier pour autant les générations présentes qui affrontent d’ores et déjà de multiples défis, et notamment celui d’une crise violente du pouvoir d’achat.

Notre philosophie consiste à ne sacrifier aucune de ces deux générations et, pour protéger le pouvoir d’achat des Français, il nous faut tout d’abord sortir du marché européen de l’énergie. Nous devons trouver les moyens de répondre au réchauffement climatique sans aggraver la situation des Français : sans leur demander de nouveaux sacrifices et sans mener une inquisition idéologique dans le moindre recoin de leur existence. Nous refusons les slogans de la peur et les injonctions morales d’une écologie politique qui sert en réalité un agenda idéologique bien éloigné des seules préoccupations environnementales.

Quelle politique écologique prônez-vous ?

Je ne crois pas un instant dans la nécessité de la décroissance, au contraire : nous devons marcher résolument sur la voie d’une croissance écologique qui réconcilie le progrès économique avec le défi climatique. Cette idée est notamment portée par Christian Saint-Etienne, responsable au sein des Républicains des questions d’économie et de réindustrialisation.

Dans le domaine de l’écologie, l’idéologie nous a déjà coûté très cher. Elle a affaibli notre parc nucléaire, fleuron de notre industrie nationale et élément évident de transition écologique. L’énergie nucléaire est pourtant une énergie décarbonée, nous ne devons jamais cesser de le rappeler : nous devons donc prolonger la durée des réacteurs existants et construire de nouvelles centrales. Nous plaçons notre foi dans la science et non dans l’idéologie. Nous souhaitons que la France devienne le leader mondial de l’hydrogène, l’énergie propre de demain. Nous souhaitons qu’elle défende son parc hydroélectrique en menant les investissements nécessaires. Et nous souhaitons un moratoire sur l’éolien terrestre, une énergie faussement propre qui abîme nos sols et nos paysages.

Que doit rechercher un homme politique ?

C’est un citoyen qui, au nom des principes et des valeurs qui sont les siennes, se consacre à l’intérêt général avec responsabilité, sincérité et combativité.

Propos recueillis par Anne Florin


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