À l’excellent restaurant chinois du XVIIe arrondissement à Paris, intitulé poétiquement « La marmite de bœuf », Xiaoqing Su-Pellemele me présente avec un flegme asiatique et force détails tout l’intérêt des entreprises françaises à commercer davantage avec la Chine. Au plan des idées, cette francophile veut nous aider à sortir « de cet esprit d’insouciance bien hexagonal, si utile à la réflexion académique, à la recherche ou pour délivrer des leçons de morale au monde entier, mais qui nous fait du tort pour bâtir des solutions concrètes ou conforter nos acquis économiques ou culturels. Finalement, vous avez l’art de lancer une pierre sur votre propre pied comme on dit dans mon pays. »
La formule fait mouche même si l’objet n’est pas de nous mettre en difficulté, mais de nous ouvrir les yeux. « Vous êtes attendus, il n’y a pas que le luxe ou les cosmétiques que vous pouvez nous vendre ! » Mariée à un chef d’entreprise français, la dirigeante de la chambre de commerce internationale, également secrétaire générale du Comité d’Echanges Franco-Chinois, cherche depuis 30 ans tous les moyens de développer les échanges économiques entre les deux plus vieux pays du monde. « Cela crée des liens et même des responsabilités. »
« Les potentialités sont énormes. Les Français ne doivent pas écouter une petite musique distillée dans de trop nombreux médias soulignant la volonté hégémonique des Chinois. » « Si nous avons de l’ambition, c’est parce que fondamentalement nous sommes éduqués à l’esprit de compétition. Et cela commence dès le jardin d’enfants où il y a des concours dès l’entrée. Ensuite, cela se poursuit tout au long de la scolarité. Chez vous, c’est dommage, vous avez bien des talents, mais votre égalitarisme ne pousse pas à l’excellence. Il faut, au contraire, chercher à entraîner la jeunesse vers le haut. » À sa droite, la communicante Karine Lions boit du petit lait. Autre sujet qui frappe cette dirigeante réfléchie et avenante, c’est le poids pris ici par l’administration. Et ce n’est pas le moindre des paradoxes venant d’un pays où le centralisme bureaucratique a longtemps été érigé en seconde nature. Les temps semblent avoir bien changé.
« À Pékin, désormais, on fixe des objectifs précis aux organisations publiques. Ainsi pour la carte d’identité, les communes ont un délai de 3 jours maximum pour vous la fournir. » Un ange passe ; cela pourrait donner des idées à Elisabeth Borne. Pourquoi en France, les administrations réclament-elles toujours davantage de moyens sans qu’on leur assigne jamais des objectifs précis à remplir ? Et de citer cet exemple sidérant à la clé : « vous êtes passés en 20 ans de 2 millions d’agriculteurs à moins de 400 000, et pourtant vous avez doublé les effectifs du ministère de l’agriculture. » Cherchez l’erreur. La Chine et la France ont beaucoup à s’apporter. « Il est sans doute intéressant pour un pays comme la France de contrebalancer le poids pris par les États-Unis ou d’autres intérêts multinationaux par une présence accrue de la Chine. » Et puis vous savez Monsieur Lafont, nous n’avons jamais fait la guerre à quiconque… »
Le Général de Gaulle a bien fait décidément d’être le premier chef d’État à vous avoir reconnu. Le canard laqué était délicieux, Madame Su-Pellemele gagnerait à être écoutée.
Robert Lafont
