Le plan d’investissement, cette grenouille qui voulait se faire plus grosse que le bœuf…

La chronique d’Agnès Verdier-Molinié, Directrice de la Fondation iFRAP

6,25% de croissance en 2021. La France devrait effectivement afficher une des croissances les plus fortes de l’Union européenne en 2021 avec 6,3 % attendus par l’OCDE contre 5,3 % prévus en zone euro. Ça a l’air trop bien. Sauf que, quand on décompose cette croissance à 6%, on se rend compte qu’un tiers de la croissance vient de la consommation des administrations publiques.

Pas grave si c’est de la dépense publique d’investissement diront certains ? Sauf que… ce sont les dépenses de fonctionnement qui sont reines. Entre 2020 et 2021, la dépense publique de fonctionnement a bondi de près de 48 milliards d’euros. Et la contribution de l’investissement des administrations publiques représente seulement 0,4 point dans les 6% de croissance en 2021. C’est peu.

Si l’on se penche sur la comparaison France / Allemagne, le verdict est sans appel. Certes, l’Allemagne va clôturer l’année 2021 avec une croissance estimée à 3,4% qui semble très loin des 6% de la France. Cependant, Outre-Rhin, se sont l’investissement et les exportations qui dynamisent la croissance. De plus l’effet rebond allemand est moindre car son déficit 2020 a été moins creusé par la crise que le déficit français (-4,2% du PIB contre -9,2%).

Il semble d’ailleurs que le gouvernement se soit aperçu (un peu au dernier moment) que ses mesures d’urgence et de relance partaient en priorité gonfler la dépense « exceptionnelle » de fonctionnement – comme souvent en France. Avec son soi-disant « grand plan d’investissement », l’exécutif espère booster la croissance potentielle de la France.

Pour son plan de 30 milliards, le gouvernement recycle des crédits déjà votés. 9 milliards viennent des programmes d’investissement d’avenir déjà annoncés. Une autre dizaine de milliards vient du plan de relance de 100 milliards. Seulement 10 milliards d’euros d’investissements seraient nouveaux dont environ 4 milliards d’euros à voter dans le budget 2022 en cours de préparation.  

+4 milliards, au sein des 454 milliards d’euros de dépenses annuelles de l’Etat, cela ne pèse pas lourd et on mesure encore combien l’investissement de l’Etat est minuscule (28,1 dont 24,1 milliards présentés en PLF 2022) bien qu’exceptionnel cette année…. En effet traditionnellement, les deniers de l’Etat consacrés à l’investissement sont hyper faibles avec en moyenne une dizaine de milliards.

4 petits milliards d’euros de plus en 2022. C’est un peu court. Ce « grand » plan d’investissement, noyé dans les flots de dépenses de fonctionnement, n’en est pas un. Quand la France se réveillera-t-elle pour se rendre compte que s’endetter uniquement pour investir et pas pour fonctionner est la seule solution pour que nous ayons un avenir (correct) commun ?  

Agnès Verdier-Molinié, directrice de la Fondation iFRAP, est l’auteur de La France peut-elle tenir encore longtemps ? aux Editions Albin Michel

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