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Empêcher l’arrivée de Geoffroy Lejeune au JDD est une atteinte à la liberté d’entreprendre

Raphael Lafargue/ABACAPRESS.COM

Il faut défendre la liberté d’expression, oui bien sûr, surtout quand elle est à gauche. La nomination de Geoffroy Lejeune au « Journal du Dimanche » n’aurait sans doute pas suscité autant de controverse si l’ancien directeur de la rédaction de « Valeurs Actuelles » avait été estampillé de gauche. S’il avait été proche de « La France Insoumise », cela aurait sans doute été encore mieux.

Quand Patrick Drahi a fait main basse sur « Libération » (même si le quotidien de Serge July est abrité depuis sous une fondation présidée par Denis Olivennes), ou quand « L’Obs » est tombé dans l’escarcelle du « Monde »: on n’en a pas fait tout un plat ! Non… Plus essentiel : quand le quotidien économique « Les Echos » (aujourd’hui propriété de Bernard Arnault) est tombé dans l’escarcelle du « Financial Times », personne ne s’en est ému. C’était pourtant une part importante de notre souveraineté, puisqu’il s’agit de l’information économique, qui passait outre-Manche ! Et pourtant, il n’y a eu aucune manifestation. Un peu comme dans l’affaire Alstom…

Avec l’arrivée de Geoffroy Lejeune à la direction du « Journal du Dimanche » (en remplacement de Jérôme Bêglé nommé à « Paris Match »), on touche visiblement à une vache sacrée, celle d’une presse d’information largement attirée dans son ensemble par la pensée de gauche, plutôt anti-capitaliste et mondialisée.

Est-il si choquant dans cette affaire que le nouvel actionnaire d’un journal (qui plus est déficitaire) s’essaye à une nouvelle ligne rédactionnelle avec un nouveau directeur de l’information qu’il aurait lui-même choisi ? Même si la défense grossière à ce niveau-là d’Arnaud Lagardère dans « Le Figaro » n’est pas vraiment crédible. Notamment, quand il affirme avoir « pris cette décision seul, que ni Vincent Bolloré, ni quiconque de Vivendi, n’a été impliqué dans cette décision… »

Qui peut imaginer que l’arrivée au JDD du polémiste de droite, déjà très présent sur CNews, n’ait pas été au moins entérinée par le milliardaire breton, si soucieux de faire passer des valeurs conservatrices, on le voit avec sa chaîne d’info CNews. Peu crédible, en vérité, mais est-ce vraiment le fond du problème ?

Non, ce qui inquiète le microcosme, c’est davantage de savoir si le nouveau JDD ne va pas dériver vers une version plus à droite. Est-ce si gênant pour autant ? Dans un pays de libertés et de pluralisme où les médias généralistes de gauche restent légion (de L’Obs à Marianne, Politis, Franc-Tireur, Le Un, Le Monde, Libération, L’Humanité, Mediapart ou Télérama) ; en quoi est-ce un problème ?

Faut-il interdire ce courant de pensée ?

Le meilleur des garde-fous ne reste-t-il pas en la matière le jugement des lecteurs qui, dans un système de libre concurrence, conservent le droit de lire ou de ne plus lire un journal.

Il n’y a donc pas péril en la demeure. Et même si Monsieur Geoffroy Lejeune, que je ne connais ni n’ai jamais rencontré, fait un journal proche des idées du Rassemblement national voire de Reconquête, rappelons que sa candidate a réalisé quelque 41,45 % des suffrages aux dernières élections présidentielles de 2022. Finalement, c’est l’inverse qui serait un peu choquant.

Et puis, en cas de dérives, toujours possibles, dans un système dit ouvert comme l’est justement le système de la distribution de la presse en France, il sera toujours loisible de lancer, le cas échéant, d’autres hebdomadaires dominicaux. Il n’y a aucun monopole de fait non plus… Voilà ce que devraient clamer nos défenseurs de la liberté.

C’est la raison pour laquelle la polémique alimentée à dessein par Rima Abdul Malak tombe un peu à plat. Quand la ministre de la Culture en appelle à la défense des valeurs républicaines, ajoutant sur Twitter : « En droit, le JDD peut devenir ce qu’il veut, tant qu’il respecte la loi. Mais pour nos valeurs républicaines, comment ne pas s’alarmer ? » Il faut qu’elle explique en quoi les valeurs républicaines sont d’ores et déjà menacées. À moins qu’elle ne confonde volontairement valeurs républicaines avec opinions politiques. Mais là, on tombe sur un autre registre…

Supprimons les aides à la presse, exigeons davantage d’équilibre de la part du service public d’information, et laissons in fine les lecteurs libres de choisir les magazines qu’ils souhaitent lire. Cela s’appelle la liberté d’entreprendre et aussi la responsabilité de chacun. C’est encore le meilleur système que l’on ait trouvé jusqu’à aujourd’hui.

Robert Lafont


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