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Thibault de Montbrial : « Il faut oser l’autorité pour la sécurité des Français »

Avocat au barreau de Paris et Président du Centre de Réflexion sur la sécurité intérieure, Maître Thibault de Montbrial est une des grandes figures des prétoires qui prend aussi le temps de la réflexion et de faire des propositions constructives sur un des sujets qui préoccupent le plus nos concitoyens : leur sécurité.

Entreprendre - Thibault de Montbrial : « Il faut oser l’autorité pour la sécurité des Français »

C’est un véritable réquisitoire qu’il dresse ! Avocat au barreau de Paris et Président du Centre de Réflexion sur la sécurité intérieure, Maître Thibault de Montbrial est une des grandes figures des prétoires qui prend aussi le temps de la réflexion et de faire des propositions constructives sur un des sujets qui préoccupent le plus nos concitoyens : leur sécurité.

Auteur d’un excellent essai qui est paru il y a quelques semaines (« Osons l’autorité », aux éditions de l’Observatoire), il a accepté notre interview entre deux audiences pour le procès de l’attentat du Thalys dans lequel il était le défenseur de cinq des passagers dans cette affaire. Son analyse et ses idées méritent vraiment d’être prises en compte.


Pourquoi la notion de l’autorité de l’État s’est autant affaiblie depuis quelques années ?

THIBAULT DE MONTBRIAL : Il s’agit du résultat d’une dégradation qui a commencé dans les années 1970. Petit à petit, tous les repères structurants se sont affaissés. Dans le même temps, la sphère d’intervention de l’Etat n’a cessé de croître, jusqu’à créer une entité hypertrophiée, dont la fonction sociale a très largement primé sur le reste.

Rendez-vous compte qu’aujourd’hui, les budgets régaliens (armées, intérieur, justice) représentent moins de 3% du PIB, contre plus de 60% pour les budgets sociaux. Dans le même temps, les préoccupations individuelles se sont très largement autocentrées, le sentiment d’appartenance à la République française se délitant constamment au profit d’un individualisme forcené, et d’un sentiment d’appartenance parfois reportée vers des origines religieuses ou ethniques.

Est-ce que la société française est en proie à une véritable fracturation selon vous ?

Oui. L’évolution de la composition de notre population et la perte des repères structurants ont conduit à l’apparition sur le territoire français, de logiques particulières au détriment du sentiment d’appartenance à la nation. Ce sont des replis ethniques ou religieux, mais aussi des logiques de délinquance ethno-territoriale, où des bandes se disputent un territoire. Symbole de la déliquescence de notre Etat, la police n’est plus alors vue par l’ensemble des protagonistes comme une bande rivale.

Quelles sont vos propositions pour éviter que cette fracturation ne se creuse encore plus ?

Il y a deux chantiers à mener en parallèle. Le premier, c’est celui du rétablissement d’une autorité pour tout ce qui touche à la sécurité des français. Il n’y a pas de secret : cela commence par une redistribution massive des moyens de l’Etat vers ses missions essentielles. La sécurité est en effet la première des obligations qui incombent à notre Etat dans le cadre du pacte social. Mais en parallèle, il faut recréer du sens, de la transcendance.

Aujourd’hui, le « vivre ensemble » est devenu une incantation creuse assénée par des gens qui font tout pour y échapper dans leur vie personnelle. Les islamistes recrutent en opposant à notre individualisme et notre nihilisme, leur sens de l’appartenance à l’Ouma. Sans arrogance mais sans honte, il nous faut assumer notre histoire. Nous sommes une civilisation millénaire, aux racines gréco-latines et de tradition judéo chrétienne. Les valeurs fondamentales de la République sont magnifiques, et méritent de fédérer : égalité entre les hommes et les femmes ; liberté de croire, de changer de croyance, de ne plus croire ; liberté d’aimer qui l’on veut ; gouvernance politique démocratique fondée sur une forme de bienveillance qui n’existe pas dans les régimes autoritaires. Nous devons convaincre les nouvelles générations d’adhérer à ces valeurs formidables, pour lesquelles tant de braves se sont tombés au champ d’Honneur.

Est-ce que l’islamisme politique est le principal danger pour la société française ?

Très clairement oui. Et beaucoup ne l’ont pas encore compris. En effet, l’effroi causé par la violence du terrorisme islamiste conduit chacun à bien en mesurer le risque. Mais on oublie souvent que le terrorisme est un moyen d’action politique au service d’une cause. En l’occurrence le terrorisme islamiste est un moyen utilisé par les islamistes pour tenter de déstabiliser notre société et conduire à un enchaînement de violences qui aboutissent t à un effondrement de la République.

Focalisés par l’aspect spectaculaire de la violence, nombreux sont ceux qui ignorent le danger que constitue l’autre branche de l’islamisme politique : celui qui ne recourt pas à la violence mais utilise le fonctionnement même de notre société démocratique (élections, droits, système judiciaire…) pour s’immiscer petit à petit dans le fonctionnement de notre vie publique. Il faut le dire et le répéter : la conquête de territoires par un islam minoritaire est théorisée depuis près d’un siècle par les frères musulmans et les salafistes.

Le cycle provocation/victimisation qui a vocation à empêcher l’intégration des immigrés de culture ou de religion musulmane au profit d’une réappropriation de leurs racines, est à la base de ce processus. C’est ce qui rend si important la lutte contre les associations communautarisées, à laquelle Gérald Darmanin s’est courageusement attelé. Mais il faut que l’ensemble de nos élites politiques ou journalistiques sortent qui du déni, qui de la complaisance, qui de la lâcheté, et comprennent l’importance des enjeux. Partout, les clignotants sont alarmants.

Comment jugez-vous la politique de sécurité du Président Macron et du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin ?

Le Président Macron a tout de suite compris l’urgence de la lutte antiterroriste. Que ce soit dans l’organisation ou par la loi, le cap est bon, même si l’ampleur de la tâche est immense, compte tenu notamment du risque considérable que fait courir à notre territoire les remises en liberté de centaine d’anciens djihadistes revenus de Syrie et qui ont ou auront dans les deux ans purgé leur peine de prison. Sur les autres sujets de sécurité, il semble malheureusement que le « en même temps » ne facilite pas les choses.

En effet, la sécurité est une coproduction entre l’Intérieur et la Justice, et en face d’un Gérald Darmanin déterminé, le Garde des sceaux Eric Dupont-Moretti semble malheureusement avoir bien du mal à quitter sa robe de talentueux avocat de la défense pour endosser celle d’avocat de la société.

Seriez-vous prêt à vous engager politiquement pour tenter de mettre en pratique vos idées ?

Je suis en contact quasi permanent avec les politiques et les hauts fonctionnaires en charge des questions régaliennes. Je raconte d’ailleurs plusieurs anecdotes à cet égard dans mon livre. Oui j’y suis prêt, mais à la condition de disposer effectivement des moyens pour contribuer à la mise en œuvre d’une politique réellement ferme qui m’apparaît indispensable pour éviter le pire à notre pays. Antiterrorisme, lutte contre l’islamisme, sécurité, immigration : tout est lié et l’augmentation spectaculaire de la violence comme mode de résolution des conflits depuis quelques années confirme que le temps presse. Notre pays est à la croisée des chemins.

Propos recueillis par René Chiche


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