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Nupes : la dérive antidémocratique de la Gauche française

Jean-Luc Melenchon (Lafargue Raphael/ABACA)

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Par Marc Alpozzo, philosophe et essayiste

Tribune. La Nupes (Nouvelle Union populaire écologique et sociale) nous prend-elle pour des dupes ? Désolé pour ce jeu de mot, mais c’était impossible de m’en empêcher, tant cette union semble surréaliste, au-delà de tout ce qu’on aurait pu imaginer, et de l’inquiétude que peuvent inspirer les propositions de cette nouvelle gauche, emmenée par un Mélenchon, vent en poupe, qui a eu récemment le scalp du P.S.

C’est le 8 mai dernier, que la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) a réparti 577 candidats au sein de chaque circonscription électorale lors d’une Convention d’investiture qui s’est tenue à Aubervilliers, près de Paris. L’alliance à peine née des forces de gauche ne faisait pas l’unanimité, cependant, loin s’en faut ! Publiquement désapprouvée par des élus du P.S. (Parti socialiste), comme Bernard Cazeneuve qui a aussitôt claqué la porte, le désaccord est autant consommé par un François Hollande, un Stéphane Le Foll et une Hélène Geoffroy ou un Jean-Christophe Cambadélis, respectivement anciens ministres de Hollande, ou ancien Premier secrétaire du P.S.

L’Union créé in extremis, entre la LFI, l’EELV et le PS prévoit la désobéissance à certaines règles européennes, notamment économiques et budgétaires : « Nous parlons de désobéir pour les uns, de déroger de manière transitoire pour les autres », affirme le texte signé par le Parti socialiste, qui se veut plus mesuré. Aussitôt, dans une tribune qui exprime leur colère et leur dégoût, Jean-Paul Besset, José Bové et Daniel Cohn-Bendit (Le Monde, 7 mai 2022) écrivent : « en appelant à la « désobéissance » vis-à-vis des traités, de la mutualisation et de la solidarité, vous engagez la guérilla contre l’Europe au nom du nationalisme. Il est vrai que l’Union européenne est une aventure de paix et de coopération, à l’opposé de la mystique destructrice de Poutine dont vous vous faites, factuellement, le complice. »

Or, c’est vrai, qu’outre le supposé poutino-gauchisme de Mélenchon, les anciens députés écologistes dénoncent surtout une compromission déshonorante, que Noël Mamère, le lendemain fait mine de ne pas comprendre, dans une tribune qui se présente comme une réponse. Il accuse les « Éléphants fatigués d’un PS old school » de participer « à un acharnement contre les politiques forcément radicales et à l’évidence nécessaires à la lutte contre les inégalités sociales et environnementales. » (Le Monde, 10 mai 2022).

Un accord communautariste, anti-police, anti-nucléaire

Voilà donc que la gauche semble avoir perdu sa boussole. Et, tandis que nous assistons manifestement à une impossible union des droites, nous voyons au contraire, une forme d’union des gauches se réaliser, et, lorsqu’on se risque à quelques critiques de bonne guerre, nous paraisons aussitôt, aux yeux de certains cadres de LFI, comme quelques poules mouillées, « tremblant » devant ce « sursaut populaire ». Il semblerait plutôt que cette gauche-là, soit moins populaire que « populiste », même si aujourd’hui, le qualificatif ne veuille plus dire grand-chose.

C’est toutefois sur un projet assez peu républicain et universaliste que cette nouvelle gauche se réunie, puisque, cet accord de l’union d’une gauche est surtout un accord communautariste, anti-police, anti-nucléaire, avec comme but à terme, de transformer notre société française en un champ de bataille. Le projet communautariste a d’ailleurs déjà eu comme premier dommage collatéral, l’autorisation du port du burkini (contraction de burqua et bikini) dans les piscines à Grenoble, après une délibération serrée et des débats très tendus[1]. Et, pourtant, il a souvent été relevé par un grand nombre d’intellectuels et de journalistes, que le burkini n’était pas un simple vêtement, mais bien un outil de propagande pour les islamistes. Éric Piolle faisant fi des alertes, a gagné cette bataille communautariste, même s’il prétend que cette autorisation municipale a un caractère plutôt « pionnier » et « féministe ».

La question pourtant se pose : est-ce réellement une mesure féministe ou plutôt communautariste ? Comment les socialistes, dont on connaît l’attachement aux valeurs républicaines (jadis partagé par Mélenchon), peuvent-ils être aussi facilement solubles dans le grand bain du communautarisme islamo-gauchiste ? On est en droit de se poser la question…

Continuons pourtant : Mélenchon a proposé de supprimer les B.A.C. (Brigade Anti-Criminalité), réduire les armes intermédiaires chez les policiers, en les désarmant le plus possible, alors qu’il est de notoriété publique que l’insécurité en France a explosé. Pourtant, jadis les socialistes n’étaient pas « anti-police », loin s’en faut ! Cette hostilité que porte désormais cette nouvelle gauche aux fonctionnaires de police, se risquant parfois aux caricatures, comme cette accusation folle d’un tenant de Nouveau parti anticapitaliste (NPA), prétendant que les agents de police sont des « assassins »[2]. Si on ne retrouve certes pas, les mêmes outrances dans la bouche de Mélenchon, il propose tout de même de « désarmer la police »[3], déclarant que « l’autorité de l’État ne dépend pas des revolvers.

Elle dépend du consentement à l’autorité ». Or, comment faire respecter l’autorité de l’État en désarmant la police, n’y a-t-il pas là une contradiction flagrante, qui a pour but caché, de démontrer que la police est armée donc dangereuse, et qu’il faut la « neutraliser ». C’est une déclaration d’autant plus folle, que les manifestations sont de plus en plus infiltrés par des casseurs, des pilleurs et des Black blocs qui n’hésitent plus désormais à s’en prendre physiquement aux forces de l’ordre ! Là, où nous devrions donner plus de moyens aux policiers pour protéger les citoyens français de la violence en augmentation constante, Mélenchon, et les socialistes qui s’associent à son projet, veulent faire tout le contraire, marchant visiblement sur la tête. Comment les socialistes en sont arrivés à se renier à ce niveau-là ? On est vraiment en droit de se le demander…

Continuons encore : Jean-Luc Mélenchon agacé par la une du Point (du 12 mai 2022) qui lui est défavorable, n’hésite pas à comparer l’hebdomadaire à Minute (l’hebdomadaire d’extrême droite). Fâché par les articles en sa défaveur du journal Le Monde, il le range également à l’extrême droite, alors que l’on sait combien ce journal du soir est aussi proche des thèses de l’extrême droite que Georges Marchais l’était de Jean-Marie Le Pen. Décidément, les méthodes de fascisations hérités de ses camarades trotskystes ne sont pas encore rangés au placard. Adrien Quatrennas, quant à lui, affirme que la Nupes n’est pas d’extrême gauche[4]. Sans compter l’investiture de Taha Bouhafs, malgré des propos condamnables à propos de Charlie ou de Benoît Hamon, condamné par ailleurs pour injure publique en raison de l’origine (voir à ce propos ma tribune dans ces pages).

Une vision racialiste de la France

Alors que Mélenchon ne cesse de dénoncer les obsessions identitaires de Madame Le Pen, il oublie sûrement ses obsessions communautaires. Par exemple, la « créolisation » de la France, terme qu’il emprunte au poète martiniquais Édouard Glissant, afin de qualifier les phénomènes de métissages en France. Or, si l’on dit par ailleurs, que « la créolisation n’a en effet pas vocation à être une politique », mais qu’« elle désigne à l’inverse une utopie réalisable et un processus inarrêtable »[5], comment ne pas voir pourtant, l’aveu politique d’une vision racialiste de la France désormais.

Tandis que les socialistes ne croyaient pas en la race, combattant le racisme au nom de l’égalité républicaine et de la fraternité entre les gens, les peuples et les religions, la nouvelle gauche en revanche, lutte contre le racisme en mettant en avant la race, afin de défaire le pouvoir de la classe dirigeante, qu’elle ne réduit plus, à l’inverse de ses aînés, à un combat économique.

C’est tout le combat « woke », « néo-féministe », « LGBT », etc qui servent d’outils révolutionnaire pour défaire les élites, ou les Blancs supposées « privilégiés ». Il s’agit donc désormais de défendre les minorités visibles contre l’oppression des dominants, de mettre en avant la race et le sexe, en dénonçant le sexisme et les violences sexuelles, mettant au passage la laïcité sous le boisseau, au nom de principes communautaristes, avec une volonté d’imposer le voile ou le burkini dans l’espace public ou les piscines municipales (à l’école peut-être bientôt ?) au risque de fragmenter plus fortement encore la société française ; son anti-européisme (alors que Mitterrand avait porté l’Europe durant ses deux mandats), son anti-atlantisme primaire, etc.

En résumé, nous trouvons dans cette nouvelle gauche tout le contraire de l’engagement de l’ancien Parti Socialiste, qui reposait autrefois sur « la passion de la démocratie et de la justice, [et] un irrépressible attachement à la République, le sens des responsabilités et de l’universalisme », tel que le déclare Bernard Cazeneuve, qui a claqué la porte récemment à cette union improbable[6]. Inutile aussi, de préciser que la Nupes préfère de loin, à l’universalisme des Lumières, le communautarisme et le racialisme.

Mais, au-delà de toutes ces dérives antidémocratiques, je terminerai toutefois sur un point : fermez les yeux, et imaginez, ne serait-ce qu’un instant, que Mélenchon parvienne à réussir son pari, en se constituant un groupe suffisamment puissant à l’Assemblée, pour accéder au poste de Premier ministre, à la place d’Élisabeth Borne, à peine nommée… Imaginez ce cauchemar ! C’est en effet inimaginable…

Marc Alpozzo
Philosophe, essayiste
Auteur de Seuls. Éloge de la rencontre, Les Belles Lettres


[1] « À partir du 1er juin 2022, l’accès aux piscines municipales grenobloises pourra se faire avec toute tenue de bain fabriquée dans un tissu adapté à la baignade et sans limite de longueur, sur les bras ou les jambes. La baignade seins nus sera également autorisée, le short de bain restant prohibé pour des raisons d’hygiène. » (Source : Le Figaro).

[2] Le mercredi 13 octobre 2021, aux micros de France Info, le candidat du Nouveau parti anticapitaliste (NPA), Philippe Poutou a déclaré : « La police tue, évidemment la police tue », affirmant sans craintes que la police tuait dans les « quartiers populaires ».

[3] « Je n’ai jamais proposé de désarmer le GIGN ou le RAID. Par contre, oui : désarmer la police qui fait la circulation, désarmer la police qui vient dans les manifestations, oui ! L’autorité de l’État ne dépend pas des revolvers. Elle dépend du consentement à l’autorité. » (tweet du 23 juin 2020)

[4] CNews, Le Grand rendez-vous, du 15 mai 2022.

[5] Voir tribune de Laetitia Riss, du 28 novembre 2021, in LVSL.

[6] Voir Le Figaro, du 3 mai 2022.


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