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Libye : un gouvernement d’union nationale pour préparer la Libye de demain

Depuis le 13 mars, Abdel Hamid Dbeibah est Premier ministre d’une Libye qui, enfin, semble regagner une stabilité de façade.

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Depuis le 13 mars, Abdel Hamid Dbeibah est Premier ministre d’une Libye qui, enfin, semble regagner une stabilité de façade. Alors qu’il doit s’attacher à préparer l’élection présidentielle, prévue en décembre prochain, Abdel Hamid Dbeibah se heurte encore à un déficit de légitimité et à de très nombreux défis. Pour prendre la tête de la Libye de demain, Saïf al-Islam Kadhafi, le Maréchal Haftar et Fathi Bachagha, ancien premier ministre, sont en embuscade.

Un gouvernement d’union déjà contesté

Soutenu par la communauté internationale, rassurée d’entrevoir le début d’une sortie de crise dans le pays, Abdel Hamid Dbeibah n’échappe malgré tout pas à une certaine défiance. Pour sa porosité avec la Turquie, déjà. Abdel Hamid Dbeibah est en effet connu pour sa proximité idéologique avec les Frères musulmans, dont l’influence dans le pays s’inscrit dans l’agenda politique turc en Libye.

La Turquie s’est d’ailleurs attachée à conserver, avec l’arrivée au pouvoir d’Abdel Hamid Dbeidah, l’intégralité de ses intérêts stratégiques. Le nouveau Premier ministre s’est ainsi engagé à respecter les accords signés avec Recep Tayyip Erdogan en 2019, qui garantissent une présence militaire turque permanente et confirment la répartition des zones maritimes respectives entre les deux pays, très avantageuse pour Ankara. Et qui permettent aux Turcs de poursuivre leurs forages gaziers dans des zones situées théoriquement dans les espaces maritimes chypriotes et grecs. La Grèce, comme l’ensemble des pays de la zone, ne reconnaît pas ces accords, sources de tensions en Méditerranée orientale. Plus encore, la Turquie voit d’un bon œil les contrats de travaux publics qui se dessinent pour la reconstruction du pays. « Dbeibah, c’est l’homme des forces étrangères en Libye », prétend un diplomate européen. Alors que, dans le même temps, Emmanuel Macron, lors de la visite officielle de Abdel Hamid Dbeibah à Paris, a réaffirmé souhaiter « mettre un terme à toutes les ingérences étrangères » dans le pays.

Sa famille, dont les ambitions politiques ne sont plus à cacher, a gagné ses lettres de noblesse pendant le règne de Mouammar Khadafi, où elle s’est largement enrichie jusqu’à sa chute en 2011. Son beau-frère et cousin Ali Dbeidah a dirigé, entre 1989 et 2011, l’Organisation pour le développement des centres administratifs, l’organisme chargé de promouvoir les grands projets de travaux publics auprès des investisseurs étrangers. L’actuel premier ministre a aussi été à la tête d’une société d’État, la Compagnie libyenne d’investissement et de développement, à l’origine de plusieurs grands projets immobiliers.

Il est aussi accusé, par l’intermédiaire de son cousin, un puissant homme d’affaires libyen, d’avoir acheté les votes du « Forum du dialogue politique libyen », l’organisme parrainé par l’ONU en charge de nommer un gouvernement provisoire. Si elles ne sont pas formellement prouvées, ces accusations amoindrissent encore la légitimité politique d’Abdel Hamid Dbeibah, en jetant en climat de suspicion sur son gouvernement.

Khalifa Haftar, Saïf al-Islam Kadhafi, Fathi Bachagha : trois figures concurrentes pour le futur de la Libye

D’autant que peu d’alternatives se dégagent aujourd’hui. Surtout pour faire face aux nombreux défis auxquels se heurte la Libye et dont certains touchent directement la sécurité de l’Union européenne. Les mouvements armés terroristes restent bien implantés dans le sud du pays, notamment dans le Fezzan, base arrière des groupes terroristes sahéliens, dont le risque de projection en Europe n’est pas négligeable. Les flux de migrants, toujours au cœur du débat politique dans un contexte de tensions grandissantes, transitent aussi largement par la Libye dans l’espoir d’accoster sur les côtes italiennes.

D’un point de vue français, la solution « Haftar » a longtemps été privilégiée. Et semble encore l’être. Le maréchal Haftar, connu pour sa ferme opposition à l’islamisme politique, notamment aux Frères musulmans, a la chance de bénéficier du soutien appuyé de trois des grands acteurs de la région, la Russie, les Émirats arabes unis et l’Égypte, où Abdel Fattah al-Sissi voit d’un très bon œil son hostilité aux Frères musulmans. À la tête de l’Armée nationale libyenne (ANL), il contrôle encore une grande partie du territoire et la majorité des champs pétrolifères. Surtout, « dans le camp de ses opposants, on trouve parmi les miliciens des responsables de hold-up, des spécialistes de la prédation et des djihadistes » expliquait, en mai 2019, Jean-Yves Le Drian. En bref, s’il paraît militairement affaibli après son offensive avortée sur Tripoli, le Maréchal Haftar reste souvent perçu comme la seule force politique capable de mater les groupes terroristes dans le sud libyen et de rassembler les structures tribales, dont le soutien est essentiel pour réunifier la Libye. Une promesse de stabilité politique et sécuritaire, qui ne laisse pas insensibles certains pays engagés dans le dossier libyen.

Face à lui Fathi Bachagha, ancien ministre de l’Intérieur du gouvernement d’union nationale, est clairement affilié aux Frères musulmans, dont l’influence sur l’ancien « gouvernement d’union nationale » était extrêmement prégnante. Il a longtemps été perçu comme l’homme d’Erdogan dans le pays, avec qui il a signé de nombreux accords commerciaux et politiques. En sous-main, la Turquie pousse pour lui confier les rênes de la Libye de demain.

Troisième figure possible, le fils de l’ancien dirigeant, Saïf al-Islam Kadhafi, conserve encore le soutien des nostalgiques de l’ancien régime, bien qu’il ne jouisse pas d’une grande légitimité hors des fiefs historiques de l’ancien dirigeant, comme Syrte. Si trois acteurs majeurs émergent dans le dossier libyen, l’avenir du pays reste encore en suspens, à quelques mois des élections présidentielles. 


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