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La fiscalité, frein à l’attractivité économique de la France

Elisabeth Borne (Photo Eric Tschaen/Pool/ABACAPRESS.COM)

Par Michel Platero, ancien président de la FNAIM du Grand Paris.

Madame Elisabeth Borne, la Première Ministre, a de nouveau affirmé (Rencontre des Entrepreneurs de France), qu’«il n’y aura pas de hausses d’impôts» lors du quinquennat en cours. Nous aimerions plutôt entendre parler de baisse des impôts, pour les raisons suivantes : la France est mauvaise élève au classement de la pression fiscale en Europe ; les recettes de l’Etat augmentent mécaniquement sous l’effet de l’inflation ; la fiscalité élevée est confiscatoire de pouvoir d’achat ; l’impôt tue l’impôt.


La France surfe à la deuxième place dans le classement de la pression fiscale en Europe (montant total des recettes fiscales recouvrées, exprimé en pourcentage du PIB du pays) à 47 %, contre 42,2 % dans le reste de la zone euro ( 39,5 % en Allemagne selon Eurostat). Cette fiscalité reste un frein à l’attractivité économique de la France et un encouragement à l’expatriation des populations à hautes rémunérations.

Les recettes de l’Etat français ne cessent d’augmenter :

– Le produit des cotisations sociales, net des allègements de charges, est de 399 milliards d’euros en 2022, après 375 milliards d’euros en 2021.  La répartition des cotisations sociales entre les employeurs et les ménages (salariés, indépendants et inactifs) est de 67 % / 33 % en France, contre en moyenne de 56 % / 44 % dans la zone euro ;

– Les recettes de TVA ont bondi en 2022, à 273 milliards d’euros, soit 30 milliards de plus qu’en 2021 ;

– La CSG rapportera environ 147 milliards d’euros en 2023 contre 121 milliards en 2022, soit une augmentation de 21 % 

– Les montants bruts perçus au titre de l’impôt sur le revenu en 2022 sont de 110 milliards d’euros, soit 10 milliards de plus qu’en 2021, 18 millions de foyers fiscaux sont imposés ;

– L’impôt sur les sociétés a généré 86,8 milliards d’euros de recettes brutes en 2022, contre 75 milliards en 2021, 3 millions d’entreprises sont imposées ;

– La taxe sur les salaires est due par les personnes ou organismes publics ou privés non ou partiellement assujettis à la TVA (établissements bancaires, compagnies d’assurance, professions médicales et paramédicales, associations, syndicats de copropriété…) ; peu connue, elle rapporte annuellement plus de 80 milliards d’euros ;

– La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) applicable aux produits pétroliers, aux carburants et aux hydrocarbures rapporte 41 milliards d’euros en 2022, 2 milliards de plus qu’en 2021 ;

– Les prélèvements sur les mutations (droits de mutation à titre onéreux, contribution de sécurité immobilière, impôts sur les plus-values immobilières) rapportent plus de 18,5 milliards d’euros ;

– La taxe foncière a rapporté 37 milliards en 2022 aux communes et la hausse en 2023 devrait être au minimum de 3,3 milliards, néanmoins compensés par la suppression de la taxe d’habitation pour 18 milliards. Depuis 2023, la taxe d’habitation ne concerne plus que les résidences secondaires 

– Les droits de succession rapportent 3 milliards d’euros. La France est le troisième pays du monde dans le classement des recettes de la fiscalité sur les droits de succession et de transmission ;

L’impôt sur la fortune immobilière (IFI) a rapporté 2,3 milliards d’euros en 2022, en augmentation de 250 millions d’euros par rapport à 2021, 164.000 foyers sont imposés.

Il faut redonner du pouvoir d’achat aux Français. Selon l’étude de l’Institut Molinari pour 2023, la pression sociale et fiscale sur le salarié moyen ressort à 54,1 %. Cela nuit gravement au pouvoir d’achat réel. Alors que le coût du travail pour les entreprises françaises est à peu près du même ordre que pour les entreprises du nord de l’Europe, le salarié moyen français a un pouvoir d’achat d’un pays du sud.

Avec un coût moyen pour l’employeur de 57 145 € annuels, le pouvoir d’achat moyen réel de son salarié est de 26 243 €. Cela le place au 10ème rang dans l’Union Européenne, entre la Belgique et l’Italie. « Le système fiscal et social contribue à réduire drastiquement le pouvoir d’achat réel », souligne l’étude. Cette pression fiscale s’explique par la proportion importante des charges patronales (55 %), salariales (30 %), et dans une moindre mesure, de l’impôt sur le revenu (9 %) et de la TVA (6 %). « Pour pouvoir distribuer 100 € de pouvoir d’achat réel, l’employeur français doit s’acquitter de 67 € de charges « patronales » et de 37 € de charges « salariales ». Ce sont des records au sein de l’UE. »

  • L’impôt tue l’impôt. Cette formule a été emblématique des années Reagan, et plus récemment de la présidence Trump, avec les succès que l’on connaît. L’auteur de cette théorie, l’économiste américain Arthur Laffer, montre qu’à partir d’un certain seuil d’imposition, les contribuables cherchent : soit à réduire leurs activités en travaillant ou en épargnant moins ; soit à s’expatrier (comme certains sportifs, artistes, jeunes diplômés ou entreprises) ; soit à frauder (marchés parallèles – cigarettes, travail au noir – paradis fiscaux…). Cela pose la question de l’efficience de la fiscalité. Au-delà d’un niveau maximal d’imposition, un « effet de substitution » pousse le contribuable à travailler et à gagner moins. La croissance, l’investissement et l’emploi faiblissent et le rendement de l’impôt diminue. La fiscalité étant considérée comme confiscatoire et démotivante. Force est de constater que les Français en ont ras le bol fiscal.

Madame la Première Ministre, il n’y aura pas de hausse d’impôt, certes, mais il faut s’atteler aux baisses d’impôt. L’enjeu pour le gouvernement est aujourd’hui de saisir le bon moment pour réduire la pression fiscale et favoriser croissance et pouvoir d’achat. C’est à contresens de la politique monétaire européenne qui frappe la croissance par la hausse des taux d’intérêt. Mais comment lutter contre l’inflation, concilier la contrainte d’encadrer les prix, les loyers et les salaires avec l’augmentation des impôts ?  Une bonne politique économique doit être de balancer entre une pause dans la hausse des taux et une politique fiscale stimulante.

Bruno Le Maire semble s’engager dans cette voie, et insiste : « Nous continuerons à baisser les impôts sur les ménages. Nous continuerons à baisser les impôts sur les entreprises. Nous tiendrons notre engagement de baisse d’impôts des ménages de 2 milliards d’euros… La crise est derrière nous, les années de reconquête sont à nouveau devant nous, nous reprenons le fil de notre politique économique. Nous ne dévierons pas de la seule politique économique qui a donné les meilleurs résultats que la France a connu depuis 40 ans. »

Oncle Picsou plumera-t-il encore la poule aux œufs d’or ? Conservons espoir qu’il se souvienne de sa devise : «work smarter, not harder», «travailler plus intelligemment, pas plus durement ».

Michel Platero


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1 commentaires sur « La fiscalité, frein à l’attractivité économique de la France »

  1. De retour d’expatriation en raison du Covid je ne peux qu’être d’accord avec cet article.

    La fiscalité française est écrasante et emprisonnante en détruisant le pouvoir d’achat des français pour un service monopolisé par l’état toujours plus déplorable. Français qui sont des plus déprimés de OCDE je pense en grande partie parce qu’on n’a pas de contrôle sur notre avenir financier (et et ça empire: https://www.oecd.org/wise/Hows-Life-2022-country-profile-France.pdf)

    Mais bizarrement la reduction d’impôts ce n’est pas un sujet dans les médias – on n’en parle peu ou pas. Et je ne connais aucune plateforme politique populaire qui prône la réduction drastique des impôts (par contre plein de politique qui promettent la lune sans budgets)
    Solution: repartir en expatriation le plus vite possible !!!!

    Répondre

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