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Arménie 2024 : une forte délégation marseillaise se rend en Arménie

L’Arménie va recevoir du 9 au 13 avril une délégation d’une cinquantaine de personnalités, issue du monde économique et politique de Marseille et de sa région. Interview du Président de la Chambre de Commerce et d'Industrie Franco-Arménienne, Armen Mnatzakanian, le grand organisateur de cet évènement avec son équipe, qui jongle entre l’Arménie, la France et Marseille.

Copyright des photos A. Bordier et CCIFA

Vous organisez, pour la première fois, une mission économique d’ampleur en lien avec la Métropole de Marseille qui se dénomme Arménie 2024. Nous sommes à J-1 de votre départ. De quoi s’agit-il ? Est-ce vraiment une première ?

Armen Mnatzakanian : Bonjour ! Je suis vraiment ravi de pouvoir répondre à vos questions. Effectivement à J-1, je peux vous garantir que la joie d’accueillir cette grande délégation est à son comble. Cette initiative est très importante pour renforcer les liens économiques entre l’Arménie et la France. Nous faisons la promotion des échanges commerciaux et des investissements entre nos deux pays.

Par contre, ce n’est pas une première. La CCIFA existe depuis plus de 30 ans, et dans le passé, ce genre de voyage a déjà eu lieu, à maintes reprises. Il est vrai que, c’est la première fois qu’une très forte délégation de chefs d’entreprises (plus de 30 personnes) accompagne une forte délégation politique. Cette dernière est importante avec 25 personnes qui entourent la présidente Martine Vassal (NDLR : présidente de la Métropole d’Aix-Marseille-Provence depuis 2018) avec le seul objectif de créer de l’emploi en Arménie.

Ce n’est, donc, pas du tourisme, ni même une participation à un forum qui ne parlerait que de chiffres, de projets théoriques, et présenterait des graphiques et des tableaux. Non, c’est un moment très opérationnel. La CCIFA a voulu emmener nos dirigeants auprès des structures de tailles différentes, afin de montrer la réalité de l’économie en Arménie. Ainsi, après un temps de partage, les opportunités business vont être activées, opérationnellement.

Avant d’entrer davantage dans le détail de cette mission économique, présentez-vous. Qui êtes-vous ? Il me semble que vous êtes 100% Arménien et 100% Français, c’est ça ?

Tout d’abord, je suis vraiment honoré d’être élu le président de cette Chambre de Commerce et d’Industrie Franco-Arménienne depuis déjà 2 ans et demi. C’est une lourde tâche de faire briller l’économie de l’Arménie en France. J’en suis le premier serviteur.

Né en Iran, je suis arrivé en France en 1982 pour fuir la guerre Iran-Iraq. J’ai 55 ans, avec 2 merveilleux enfants qui ont reçu cette double culture Franco-Arménienne. J’aime bien citer un grand monsieur, qui résume parfaitement ce que je voudrais dire : je parle du grand Charles Aznavour. Il répondait à ce genre de question : « Je suis 100% Français et 100% Arménien ».

Grâce à mes parents, j’ai pu faire de grandes études dans le domaine de l’ingénierie en génie logiciel. Puis, très vite, j’ai intégré de grandes entreprises (comme la banque LCL, le groupe TF1 et Capgemini). Ensuite, j’ai eu la chance de pouvoir lancer ma propre société en 2003, en Arménie. Elle s’appelle Web-ISI. J’avais une équipe hautement qualifiée en Arménie pour toute la partie développement informatique. J’ai vécu cet échange entre la France et l’Arménie, au premier plan. Je veux partager cette expérience avec nos adhérents de la CCIFA, basée à Marseille ; et les chefs d’entreprise d’origine française qui font partie de la délégation Arménie 2024.

Avec vos différentes casquettes d’entrepreneur et de responsable de la CCIFA, qu’est-ce qui vous anime au fond ? L’amitié franco-arménienne est-elle importante pour vous ? Et, doit-elle se bâtir sur le plan économique et politique ?

Au sein de la CCIFA, ce qui nous anime tous au fond est souvent une combinaison de facteurs, comme la passion pour le secteur d’activité, le désir de réussir, celui de contribuer au développement et de créer des liens durables avec d’autres acteurs économiques. Le partage, en résumé.

L’amitié franco-arménienne est souvent considérée comme importante pour ceux qui ont des liens ou des intérêts dans les deux pays. Cette amitié est nourrie par des liens historiques, culturels, familiaux ou professionnels entre la France et l’Arménie. Ces liens sont très forts.

Sur le plan économique, le renforcement des relations franco-arméniennes joue un rôle crucial dans le développement des échanges, des investissements, de l’innovation et de la coopération. Construire des partenariats économiques solides contribue à renforcer les liens entre les peuples et à favoriser une compréhension mutuelle plus profonde. Nous créons de la valeur pour nos deux pays, en somme.

Il est, ainsi, tout à fait légitime que des entrepreneurs, des femmes et des hommes politiques, les responsables de la CCIFA s’engagent à promouvoir et à renforcer l’amitié franco-arménienne à travers des initiatives économiques et commerciales.

Revenons à cette mission économique qui porte le joli nom d’Arménie 2024. Comment est né ce projet ?

Ce magnifique projet est né au lendemain de la perte de l’Artsakh (NDLR : enclave arménienne en Azerbaïdjan, dans la région du Haut-Karabakh, qui avait déclaré son indépendance le 2 septembre 1991, et qui a été totalement vidée de sa population – on parle de nettoyage ethnique – en septembre 2023, à la suite de la guerre du 19 septembre menée par l’Azerbaïdjan contre les populations civiles, au mépris du droit international et des droits de l’homme). Cette tragédie a été vécue comme un vrai cauchemar pour tous les Arméniens du monde entier et en particulier pour ceux de France. La question qui s’est posée et qui reste d’actualité : Comment aider les 120.000 réfugiés ainsi que toute l’Arménie pour les accueillir sans mettre en danger l’équilibre économique local ? C’est un enjeu vital, auquel répond Arménie 2024.

Ce projet, nous l’avons proposé à Martine Vassal. Didier Parakian, le député et président d’honneur de la CCIFA, l’a soutenu de toutes ses forces. Ensuite, nous avons pu convaincre le « Club TOP 20 » qui rassemble 70 entreprises faisant plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires ainsi que la CCIAMP (CCI métropolitaine Aix-Marseille-Provence) d’y avoir un rôle majeur. Et, le jour J approche.

Justement, parlez-nous un peu plus de vos partenaires en France, à Marseille, et en Arménie. Qui sont-ils ?

La CCIFA, avec ses 31 ans d’existence réuni un réseau très important d’hommes d’affaires et de sociétés en France et en Arménie. Pour mettre en place un tel voyage d’affaires avec un nombre aussi important de participants, il ne suffisait pas d’acheter les billets d’avion et de réserver des chambres d’hôtel à Erevan. La cohérence des domaines des entreprises visitées (dans l’IT, dans l’agriculture, les services, l’industrie, les banques et le BTP), ainsi que la qualité des participants feront que ce voyage sera une réussite et nous n’en avons aucun doute.

Pour répondre à votre question, nos partenaires en France étaient naturellement les institutions de l’Etat, à savoir toute l’équipe de la présidente Martine Vassal grâce à laquelle nous avons pu avoir un appui solide auprès de nos deux gouvernements arméniens et français. Je note l’aide toujours fidèle du Club TOP 20, dont je parlais tout-à-l’heure.

Du côté de l’Arménie, nos partenaires sont multiples. J’ai bien entendu reçu un accord inconditionnel du fondateur de la société SoftConstruct, Vigen Badalyan. Il est un entrepreneur, avec son frère, incroyable. Ils sont partis de zéro et sont accompagnés, aujourd’hui, de plus de 7000 salariés dans le domaine de IT en Arménie. Il a mobilisé tous les dirigeants de ses filiales comme FastBank, FastMedia (une chaine de TV sportive), Hoory (l’intelligence artificielle arménienne), Fastex (l’éco-système de la blockchain) et ArLeaAM (agriculture de qualité en Arménie avec sa participation au Salon International de l’Agriculture en 2023).

Je dois parler aussi du groupe Galaxy (NDLR : fondé en 1999 par les Khachatryan), qui nous a apporté une aide incroyablement importante au niveau de la logistique. Il y a, aussi, la société d’Axel Mondrian. Citons, enfin, UCOM (opérateur télécom) pour la mise en place des routeurs internet pour nos invités, la boulangerie PAUL pour le petit déjeuner de bienvenue. N’oublions que nos invités seront accueillis au sein du nouvel hôtel Marriott Courtyard, qui fera son ouverture avec nos 2 délégations.

La liste est longue. Du côté des entreprises françaises installées en Arménie, qu’en est-il ?

Elles sont nombreuses à nous ouvrir leurs portes. Je souhaite, d’ailleurs, les remercier. Citons l’usine Ararat Brandy (Pernod Ricard), l’Université Française en Arménie (UFAR), l’école TUMO qui va bientôt ouvrir une 3ème école en France, à Marseille. Il y a la banque ACBA, qui joue et jouera un rôle important, notamment, lors du forum Business to Business, avec le cabinet Grant Thornton. Lors des visites et des rencontres que nous ferons pour mettre en valeur un exemple de réussite d’une installation de société française en Arménie, je pense notamment à la société Richel Group qui propose l’installation de serres de qualité pour l’agriculture arménienne, et au cabinet d’avocat Heres installé depuis déjà 2 ans en Arménie.

Il est important de noter la présence des dirigeants de la société Aramine, les Melkonian, (NDLR : les leaders français dans le secteur des équipements miniers et souterrains). Enfin, il y aura, un des nouveaux acteurs dans le secteur du conseil aux industries minières, qui intervient, également, auprès du gouvernement : la Chambre Internationale des Mines d’Arménie, (ICMA).

Un petit mot sur votre agenda et sur votre programme. J’ai l’impression que vous n’allez pas vous ennuyer !

(Rires) Oui, c’est vrai. Nous avons voulu organiser un voyage d’affaires agréable, opérationnel et utile pour apporter de la création d’emplois, de la création de richesses et de valeurs à nos deux pays. Nous serons en immersion avec les acteurs majeurs de l’économie arménienne, ainsi qu’avec les institutions de l’Etat, des banques, des cabinets d’avocat francophones installés en Arménie. Oui, je crois savoir que ce sera une première. Il y aura même la possibilité de répondre à des appels d’offres. Déjà, je suis fier d’annoncer qu’un minimum de 5 accords de partenariats seront signés durant ces 4 jours. Nous allons ouvrir largement les portes de la CCIFA à de futurs adhérents.

Oui, le programme sera bien chargé du matin jusqu’au soir, avec un doux mélange entre les opérations business, les découvertes de la culture arménienne, la visite de Megerian Carpet Armenian et la participation exceptionnelle au ballet féerique du Lac des Cygnes à l’opéra d’Erevan. Nous aurons un moment d’émotion fort et de recueillement lors de la visite du Mémorial aux Victimes du Génocide Arménien, à Tsitsernakaberd. Il ne faut pas oublier les 1,5 million de victimes. Jamais.

Arrêtons-nous, justement, sur l’Arménie. Ce pays martyr est, toujours, l’objet de convoitises violentes de la part de ses voisins azéris et turcs. On parle d’un nouveau conflit. Qu’en est-il exactement ?

La question de l’Arménie et de ses relations avec ses voisins, en particulier l’Azerbaïdjan et la Turquie, est complexe et, malheureusement, souvent sujette à des conflits géopolitiques. Au cours des dernières décennies, cette région a été marquée par des conflits territoriaux, en particulier autour du Haut-Karabakh, une enclave ethniquement arménienne située à l’intérieur de l’Azerbaïdjan.

Bien que le cessez-le-feu (NDLR : en novembre 2020) ait temporairement mis fin aux combats, les tensions persistent et la situation demeure volatile. Les agressions armées azéries sont nombreuses et limitées à la frontière. Les deux parties accusent régulièrement l’autre de violer l’accord de cessez-le-feu et il y a des préoccupations quant à la possibilité d’une reprise des hostilités. Et, comme vous le savez, il y a eu en septembre 2023 une épuration ethnique dans le Haut-Karabakh.

En résumé, bien que la situation actuelle soit relativement calme, les tensions entre l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Turquie demeurent réelles. Pour l’économie de l’Arménie les 3 mots d’ordre sont : Rassemblement, Résilience et Résistance.

Face à ces menaces cela n’empêche pas l’Arménie de se développer. Bien au contraire même, puisque l’Arménie a réalisé une croissance de 8% de son PIB en 2023. Comment expliquez-vous qu’elle soit devenue la première puissance économique, en termes de croissance du PIB, de la région ? La Turquie, l’Azerbaïdjan, la Géorgie et l’Iran sont derrière ce pays que j’appelle confetti.

Oui, il est impressionnant de constater cette forte croissance économique de l’Arménie, malgré les défis auxquels le pays est confronté. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette performance, notamment, les réformes économiques, les investissements dans des secteurs clés tels que les technologies de l’information, le tourisme et l’agriculture, ainsi que des partenariats commerciaux stratégiques. De plus, le talent et la créativité des Arméniens, ainsi que leur diaspora très active, contribuent au développement économique du pays. Il est encourageant de voir un pays comme l’Arménie réaliser une croissance économique significative malgré les obstacles.

Arménie 2024 va participer, si je vous ai bien compris, à accélérer cette croissance. Qu’en attendez-vous, au final ?

Avec les différents accords qui seront signés durant ces 4 jours, la CCIFA espère apporter une aide à l’économie de l’Arménie et ainsi participer à cette croissance. Nous connaissons tous le proverbe « Il n’y a que celui qui ne fait rien qui ne se trompe jamais ». C’est pourquoi nous avons voulu présenter différentes opportunités bien réelles en Arménie, et accompagner nos dirigeants français à franchir le pas.

Pour conclure, votre ambition ne serait-elle pas de faire en sorte que les entreprises françaises, présentes avec une centaine d’implantations en Arménie, viennent encore plus nombreuses investir de façon significative en Arménie ?

Oui, la présence des entreprises françaises en Arménie reste encore timide, et pourtant la France est incontournable dans tous les domaines. La CCIFA souhaite mettre en place « un box d’accompagnement » et créer « un bouclier économique » pour nos futurs chefs d’entreprise afin de « fluidifier » l’installation et ainsi prendre le rôle de « facilitateur ». Vous voyez, les chantiers ne font que commencer.

Concluons par la citation de Sénèque :  “ Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, mais parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles.

Antoine BORDIER

Pour en savoir-plus : https://armenie2024.com


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