De plus en plus d’entrepreneurs sont prêts à ouvrir leur capital pour consolider leur patrimoine économique et industriel.
La question est actuellement sur toutes les lèvres dans le microcosme bordelais de la viticulture. Depuis que Bernard Magrez, l‘homme aux 40 châteaux et aux 1000 hectares viticoles (6 millions de bouteilles dont 1,7 millions de grands crus) a déclaré son intention de s’adosser prochainement à un partenaire financier ou industriel, comme il vient de l’indiquer au quotidien Sud-Ouest, précisant comme pour se justifier :
« Après tout, François Pinault ne détient que 40 % du capital du groupe de luxe Kering, et la famille Ricard 12% de son groupe … »
L’homme au 4 grands crus classés (Château Pape Clément, Clos Haut Peyraguey, Château Fombrauge et Château La Tour Carnet), distributeur de la première marque de vin en Chine aux côtés de Rotschild, détenteur de 100 % de son empire viticole, a-t-il compris que nous étions rentrés dans une nouvelle ère , celle où un entrepreneur peut rester maître de son affaire sans en être forcément majoritaire ?
Si le nom de François Pinault revient en première ligne pour ce type d’alliance , c’est que l‘on connaît depuis longtemps l’attachement des deux hommes aux mêmes valeurs. Tous deux authentiques self-made-men, restent attachés à construire dans la durée et notamment à Bordeaux. Pour Pinault à Château Latour, à Pauillac, et aussi à Pomerol ou Saint- Emilion avec Baronne Guichard. C’est en Gironde que Magrez a également construit l’essentiel de sa fortune du porto Cruz à Malesan ou Château Pape Clément.
Francois Pinault, on l’a vu, est propriétaire de grands crus bordelais et on se souvient comment il s’était impliqué personnellement dans le sauvetage du club des Girondins de Bordeaux avant que l’homme d‘affaires franco-luxembourgeois Gérard Lopez ne le sauve un extremis via un montage financier des plus complexes et dont il a le secret , il avait sauvé de la même manière le club de Lille, le LOSC avant de le revendre à un groupe américain Merlyn Partners (qui pourrait reprendre aussi, selon Le Quotidien du Sport, le club Italien de la Sampdoria de Gènes)
Le groupe Pinault qui vient de s’associer à Henriot pour créer Artemis Domaines (Clos du Tart à Morey- Saint-Denis, Bouchard Père et Fils à Beaune, Domaine d’Eugenie à Vosne- Romanée, William Fevre à Chablis, ou Château Grillet dans la vallée du Rhône) et qui vient de mettre la main sur le Champagne Jacquesson, pourrait avec la gamme apportée par les grands vignobles Bernard Magrez élargir en beauté son portefeuille de grands crus. D’autant qu’on apprend qu’il s’apprête précisément à négocier la cession des Champagne Henriot au géant coopératif Terroirs et Vignerons de Champagne (TEVC). Les grandes manœuvres ne font que commencer.
À moins qu’au dernier moment, un outsider n’apparaisse tel l’entrepreneur Paul- Francois Vranken devenu en plusieurs décennies un grand du Champagne (Pommery, Heidsieck & Cie, Demoiselle …) avec 335 M€ de chiffre d’affaires consolidé. Une alternative crédible d’autant que les deux hommes sont déjà associés dans le vin rosé.qu’Ils ont lancé ensemble en
Camargue.
Les paris sont ouverts. Une chose est sûre , Bernard Magrez, à 87 ans, ne veut pas risquer un démantèlement de son groupe au moment de sa succession. Et même si l’un de ses deux fils, Philippe, dirige bien l’activité négoce du groupe, Bernard Magrez veut d’abord et avant tout assurer la pérennité de son œuvre. Il a ainsi créé à Pessac (Gironde) un premier incubateur consacré aux vins qu’il vient d’essaimer aussi à Strasbourg. Et on peut le comprendre. Après tout, n’est- ce pas le rêve ultime de tous les grands créateurs, celui de passer à la postérité. Le nom de Magrez le mérite au plus haut point.
Robert Lafont
