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Le Rotary Club Antony-Sceaux se mobilise au profit de l’Education, de la Francophonie et de l’Optimisme au Liban

Copyright des photos A. Bordier et Rotary Club Antony-Sceaux

De notre envoyé spécial Antoine Bordier

Depuis le temps des croisades, selon les historiens, la France et le Liban sont liés. Gérard Guise et Maroun Hobeika ne sont ni des croisés, ni des historiens. Ils sont des rotariens, des acteurs de la société civile, des hommes de bonne volonté. Depuis 2020, ils agissent pour sauver l’école Saint-Pierre de Baskinta. Pour la soutenir, le 7 octobre prochain, à Antony, ils organisent un évènement caritatif exceptionnel sur le thème : La Francophonie au Liban, Vecteur de Paix. Interview en français de ces acteurs… optimistes.

Maroun Hobeika et Gérard Guise, vous faites partie du Rotary Club Antony-Sceaux, qui organise cette soirée exceptionnelle du 7 octobre. Pourquoi un tel sujet au moment où la Francophonie serait en berne et où on parle de moins en moins du Liban ?

Gérard Guise : Comme vous le savez le Rotary est apolitique, et, donc, les projets que nous développons sont soit sensibles à une cause locale pour nos villes, où nous rayonnons, soit sensibles à une cause internationale. Le sauvetage de la Francophonie, pour notre club, fait partie de nos projets clés. Nous l’avons compris grâce à Maroun, qui est né à Baskinta et qui a appris que son école francophone allait fermer par manque de moyens financiers à cause de la crise économique qui sévit, encore, dans ce pays. Après avoir réuni les membres de notre club et après avoir eu les explications sur la situation locale, nous avons retenu en 2020 comme action internationale de permettre à cette école, Saint-Pierre de Baskinta, et ses 550 élèves (à la rentrée prochaine), de poursuivre sa mission. Depuis, notre club, aidé de nombreux autres contributeurs, des entreprises et des donateurs privés, essaye par tous les moyens de maintenir cette école en vie. Ce n’est pas facile. Mais, la mission n’est pas impossible. L’objectif de cette soirée du 7 octobre consiste, ainsi, à poursuivre le travail engagé depuis 3 ans et à donner un avenir durable et paisible à l’école et aux familles de ce village. Surtout aux enfants !

Maroun Hobeika : Pour répondre à votre question, il faut se replonger dans l’histoire. Le système éducatif libanais a commencé à se construire au 15è-16è siècle. Au 19è et au 20è siècle, il était principalement francophone. Aujourd’hui, en raison de la crise, toute la question de son avenir, de l’avenir de la Francophonie et de l’avenir du Liban, se pose. La pérennité de l’éducation francophone au Liban, c’est le dernier capital du pays. Je peux vous le garantir. Parce que si l’on perd ce trésor, la qualité et les valeurs qu’elle porte (comme la liberté, l’égalité, la fraternité, la justice, le développement), alors cela veut dire qu’on perd le vivre ensemble, on perd l’éducation au Liban, et on perdra, à terme, le Liban.

Avant de parler davantage de cette soirée, présentez-vous. Qui êtes-vous : des cadres dirigeants, des entrepreneurs, ou de simples amoureux de la Francophonie et du Liban ?

Maroun : C’est à Baskinta que j’ai appris dès la maternelle à lire et à écrire en arabe et en français. C’est cet environnement qui m’a initié aux valeurs éthiques et morales, et qui m’a beaucoup apporté comme l’envie d’aller de l’avant, comme la recherche de l’excellence dans mon travail et dans ma vie. Puis, diplômé de l’Ecole Spéciale des Travaux Publiques de Paris, je suis devenu cadre dirigeant dans un grand groupe français, qui m’a formé tout le long de ma carrière, et qui m’a permis de faire un master entreprise à HEC Paris. La France m’a, donc, aidé et conquis. Elle m’a fait mûrir et grandir. Elle a fait de moi un citoyen et un homme digne de ce nom. Oui, pour répondre à votre question, je suis un amoureux du Liban, de la France et de la Francophonie.

Gérard :  Pour ma part, j’ai fait toutes mes études à Lyon. Je suis diplômé ingénieur de l’école catholique des arts et métiers (ECAM Lyon) une école qui fait partie du gigantesque réseau de La Salle (des Frères de écoles chrétiennes). Durant toute ma vie professionnelle et comme cadre dirigeant au service de ma société j’ai appris à mener des projets industriels de grandes envergures (dont le budget dépassait les 200 M€). Ces projets m’ont emmené en France et dans différents coins du monde. L’envie d’agir fait ainsi partie de mon ADN.

Il y a 10 ans, j’adhérais au Rotary dont je rappelle devise principale : « Servir d’abord ». Je me suis, donc, vite retrouvé sur ce projet car sauver une école Francophone ne peut pas se réaliser sans un projet ambitieux, sans l’aide des autres et sans optimisme.

Revenons au sujet qui nous anime : la Francophonie et le Liban. Vous vous êtes rendus plusieurs fois au Liban. Est-ce que cela ne vous étonne pas à l’heure de la mondialisation, où la culture anglo-saxonne semble dominer, que le Liban soit encore autant francophone ? Même si la Francophonie a perdu de sa superbe.

Maroun : Le Liban, dès le Moyen-Âge a eu, dans ses montagnes, des écoles ouvertes par des prêtres, des imams, des rabbins, etc. Puis, très tôt, avant même la Révolution française, il s’est doté, sous l’impulsion de l’église maronite, d’un réseau d’écoles modernes et structurées. Au 18è siècle, l’enseignement au Liban était gratuit, et obligatoire pour les filles et les garçons. A partir du 19è siècle, le Liban assiste à la naissance et à la multiplication des écoles confessionnelles. Ici, je souligne le rôle fondateur de l’Église maronite, puis des Congrégations religieuses, catholiques, protestantes, françaises ou anglaises, dans la structuration du système éducatif libanais. Le système éducatif francophone s’est développé grâce à une concurrence entre les différentes Congrégations religieuses de la France, de l’Angleterre et de l’Amérique. L’enseignement public a commencé à émerger après l’indépendance. Son essor a été stoppé à cause de la guerre du Liban, en 1975. Depuis, il n’a, malheureusement, jamais repris son envol, percuté par d’autres réalités liées à son histoire.

La Francophonie au Liban est une exception éducative, mais elle est, surtout, une exception à généraliser dans le monde entier. Elle est un exemple incroyable : 63 établissements francophones sont homologués par la France (et Baskinta travaille pour être le 64è), 70 % des établissements privés sont francophones, près de 50 % des élèves sont scolarisés en français. Cela n’existe nulle part ailleurs. L’un des paradoxes du Liban : la plus grande mixité sociale et religieuse se trouve au sein même de ses écoles francophones. Le Liban est un grand laboratoire pour la Francophonie !

Gérard : J’ai découvert le Liban en octobre 2021, en visitant pour la première fois l’école Saint-Pierre de Baskinta. Nous avions rencontré les parents, les élèves, les professeurs, des villageois. C’est à ce moment-là, que j’ai compris la force de la Francophonie dans cette région du monde où l’on apprend en français et où l’on chante la Marseillaise, avec fierté. Vraiment, cela m’a donné et me donne encore une vraie leçon de vie. La Francophonie au Liban est un exemple à soutenir et à suivre. C’est comme un phare culturel…qui éclaire le monde et nous rappelle notre mission de transmettre.

Au Liban, vous aidez particulièrement, et depuis 2020, l’école Saint-Pierre de Baskinta. Racontez-nous cette aventure, qui ressemble à un conte merveilleux.

Maroun : Effectivement, c’est l’histoire d’une rencontre, d’un hasard et d’une destinée. En août 2019, à Baskinta, je fais la connaissance de Monsieur Antoine Mdawar, le directeur de l’école. Il me propose de la visiter. A la fin de la visite, il me dit : « Tu sais Maroun, la situation économique de l’écoleest très difficile : 70% des parents n’arrivent plus à payer les frais de scolarité de leurs enfants. Et, depuis 2016, l’Etat ne paie plus la subvention à l’école. La charge est devenue trop lourde pour les Frères. Si la situation ne s’améliore pas, la décision est prise de fermer. Nous ne pouvons plus assurer la pérennité de l’école, sans l’aide des anciens. » J’ai été très touché par son discours, et je ne vous cache pas, qu’il a réveillé en moi le petit Maroun, l’écolier que j’étais, ici-même, à Baskinta. Mais que pouvais-je faire ? Parrainer un enfant, était-ce la solution ? Par la suite, l’explosion du port de Beyrouth, le 4 août 2020, m’a poussé, malgré ma charge de travail, à proposer un projet à mes amis rotariens. Il était basé sur le constat suivant, où un alignement des planètes pouvait s’opérer : L’éducation est l’un des axes majeurs du Rotary International, les Libanais de la montagne sont très vulnérables, car éloignés des grands centres de décision. Le collège Saint-Pierre forme des élèves francophones et existe depuis 1906. Il a reçu en août 2020 le LabelFranceEducation.

Pour aider l’école nous avions la possibilité d’emmener dans cette aventure : l’Oeuvre d’Orient et l’Institution Sainte-Marie d’Antony le plan de sauvetage du collège et développer les liens amicaux. Les parties prenantes étaient là. Il ne fallait plus que travailler sur une solution commune. L’idée de Gérard était de développer, en partenariat avec l’Œuvre d’Orient, le parrainage de la scolarité pour tous les enfants. Pour paraphraser Saint-Exupéry et son Petit Prince, je dirai : « Cette école est très fragile, essayons de ne pas la détruire, protégeons-là, protégeons-nous ».

Gérard : Maroun vous a tout raconté, en effet si les professeurs continuent à enseigner au lieu de quitter le pays pour une meilleure vie, c’est parce que le Rotary Club d’Antony Sceaux avec tous ses amis, d’autres Rotary clubs, des partenaires et l’Œuvre d’Orient, a apporté une lueur d’espoir, une solution durable. De nouveau la lumière a jailli en octobre 2020 et s’est renforcée depuis avec toute nos actions multiples (installation de panneaux solaires, modernisation du CDI, le Centre de documentation et d’information, par l’apport de nouveaux livres et dictionnaires, modernisation de l’Informatique). L’école est encore debout. Mais, elle est, toujours, menacée par la crise, par l’inflation, par la pauvreté. Il nous faut amplifier notre action en assurant la gratuité de scolarité des 550 enfants de l’école.

Évoquons cette soirée exceptionnelle du 7 octobre. Quel est le programme et qui sont les invités ?

Gérard : Cette soirée porte de fortes ambitions, qui consistent tout simplement à assurer le long terme à cette école, malgré la crise économique dont personne ne connaît la fin. Deux grands sujets y seront abordés : La Francophonie au Liban, Vecteur de Paix, et l’Optimisme. Le premier sujet sera traité sous la forme d’une table-ronde avec d’éminents intervenants :un ancien ministre de l’Education nationale au Liban, Marwan Hamadé, le président de l’Amicale du Rotary pour la Francophonie, Jean-Philippe Baur, et, Amal Nader, journaliste à RMC Moyen-Orient.

Les conclusions de cette table-ronde seront proposées par Fouad Hassoun, conférencier, écrivain et entrepreneur. A l’âge de 17 ans, il survit à un attentat qui lui a coûté la vue. Il y a 3 ans, il lançait son association Phoenix semeurs de Paix pour venir en aide au Liban, après les explosions du port de Beyrouth et des environs, le 4 août 2020.

Le deuxième sujet est sous la forme d’une conférence avec un professionnel hors-du-commun, Jean-Philippe Ackermann. Pendant toute sa vie, il a remonté des sociétés qui étaient en perte de vitesse. Avec talent et empathie, il a réussi à transformer ces sociétés en success story. Il est maintenant un conférencier professionnel sur l' »Optimisme ».

Notre objectif est de transformer cette idée (pas si simple) du sauvetage de l’école en une success story sur le long terme, pour offrir aux enfants du village et aux nombreuses familles un avenir.

Maroun : Oui, je dirai même plus : notre seul objectif est de préserver l’éducation francophone dans la montagne libanaise. Parce que la Francophonie, c’est l’expression d’une éthique respectueuse de la liberté de chacun et de valeurs ton j’ai parlé. C’est la paix, c’est la pérennité pour tous, c’est le vivre ensemble.

Au cours de cette soirée, il y a un troisième moment très important : nous organisons une levée de dons pour assurer la gratuité de l’éducation francophone de l’année 2023/2024 à tous les élèves de la montagne libanaise. Cette levée servira, également, à financer les projets d’investissement de l’école.

Concluons, sur l’optimisme qui est, également, votre sujet du 7 octobre. Votre soirée est un appel, une invitation au vivre ensemble autour de vos 5 sujets : l’Education, la Francophonie, le Liban, l’Optimisme et la Paix…C’est ça en résumé ?

Gérard et Maroun : Oui, aidez-nous à construire ce beau projet, à le fidéliser. Car le vivre ensemble est le centre de notre construction. Cela nous concerne tous, finalement. L’éducation, la Francophonie, la liberté et la paix forment les quatre pierres d’angle. La beauté et la force de notre action est notre optimisme. Le Rotary est une belle et immense collectivité, de plus de 1 400 000 membres, présente dans quasiment tous les pays du monde. Ce sont plus de 34 000 clubs, qui agissent et développent des projets autour de la paix, de l’éducation,

de la santé, du soutien à l’économie locale, de l’accès à l’eau potable, de la prévention des maladies et de l’environnement. Ces projets sont financés par nous, mais, également, par le grand public et nos partenaires. Sans eux, nous ne pouvons rien faire.

Cette année 2023 est sous le signe « créons de l’espoir dans le monde« . Alors, quoi de mieux que d’imaginer de poursuivre avec l’ensemble des gens qui nous aident ce magnifique projet de soutien de l’école francophone de Baskinta. Finalement, ces enfants font partie de notre famille.

C’est vrai, nous laissons une grande part à l’optimisme. Car, nous sommes optimistes. Grâce à la qualité de cette soirée, grâce à nos réseaux, grâce à vous lecteurs, grâce à nos partenaires, grâce au public, nous réussirons ce beau projet.

En sauvant l’école sur le long terme, vous sauvez les familles, vous sauvez les enfants. Nous vous donnons rendez-vous le 7 octobre. Ensemble sauvons cette école !

Interview réalisée par Antoine BORDIER


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