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La Gare du Nord : piteux symbole du « Saccage Paris »

Anne Hidalgo, Maire de Paris (Photo Thibaud Moritz/ABACAPRESS.COM)

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Le 6 juin dernier, les usagers dépités de la Gare du Nord ont dû patienter plusieurs heures avant la reprise du trafic. Un week-end presque ordinaire pour les usagers de la tristement élue « pire gare d’Ile-de-France ». Autour de laquelle, riverains et voyageurs déplorent l’état de délabrement avancé du quartier et l’insécurité grandissante qui en font, aujourd’hui, l’un des plus craints de la capitale. Sur les réseaux sociaux, les habitants excédés tentent de sensibiliser la mairie de Paris, notamment Anne Hidalgo, et d’interpeller l’exécutif municipal.

« On se sent comme des proies » 

« Quand on vient à la Gare du Nord, on a l’impression que toute la délinquance est réunie au même endroit » s’indigne Mohamed, un habitant excédé du quartier, pour le compte Twitter Ravage Gare du Nord, qui capture des scènes de vie du quartier. Pour les femmes, la situation est encore plus délicate. « On se sent comme des proies ! » confait, en décembre 2021, une riveraine au Figaro, dénonçant l’existence d’un « couloir de la mort » courant de la Porte de la Chapelle à la Gare du Nord. Vidéos à l’appui, les habitants du quartier documentent les ventes de cigarettes à la sauvette, la commercialisation de viande en pleine rue dans des marchés clandestins sur l’espace public dégageant une odeur nauséabonde, les épanchements d’urine ou encore, comme le compte Twitter du collectif Riverains Lariboisière Gare du Nord, les violences entre toxicomanes. A l’approche de la Coupe du monde de Rugby 2023 et des Jeux Olympiques 2024, beaucoup de riverains s’inquiètent du sort réservé aux touristes et supporters. « Les Anglais, je me mets à leur place. Ils peuvent avoir un sentiment d’insécurité » explique une usagère au compte Twitter Ravage Gare du Nord. Elle dénonce aussi le manque de présence policière : « Les gens qui arrivent et qui se font dépouiller – et il y’en a beaucoup -, n’ont même pas un petit commissariat ou une petite antenne pour que l’on puisse les accueillir ».

Un symptôme du « Saccage Paris »

« Le trafic de drogue a été largement encouragé par l’installation de la salle de shoot juste derrière la Gare du Nord en 2016 », précise Charlotte Rocher, étudiante et voix influente du mouvement « Saccage Paris », qui dénonce « l’aveuglement flagrant de la Mairie de Paris ». La mobilisation des riverains de la Gare du Nord rejoint d’ailleurs celle des habitants du tout-proche quartier de Stalingrad, situé à quelques encablures de la Gare du Nord, lieu de rassemblement des consommateurs de cracks, dont les incivilités et la violence exaspèrent les habitants.

Plus largement, ce mouvement de colère s’inscrit dans l’inimitié croissante des Parisiens envers leur exécutif municipaux, qui a donné naissance à l’impressionnant mouvement numérique #SaccageParis, qui s’attache à dénoncer la dégradation patrimoniale, culturelle et sociale de la capitale. Quelques centaines de manifestants se sont d’ailleurs réunis le 26 juin dernier devant l’Hôtel de Ville pour réclamer, entre autres, la « mise sous tutelle » de la ville. Une procédure d’exception, dont les chances d’aboutir restent minces, aussi exigée par l’opposition de droite au Conseil de Paris, qui pourrait retirer des pouvoirs à l’exécutif parisien et conditionnerait ses décisions à l’aval de la préfecture. Car à l’insalubrité et à l’insécurité s’ajoute aussi une dette stratosphérique, estimée à 7,7 milliards d’euros, soit une hausse de 12,6 % sur un an. Une somme qui, selon la Chambre régionale des comptes d’Ile-de-France, rend « insoutenables » les perspectives d’investissement de la Mairie de Paris.

La mairie de Paris tergiverse

Et l’intérieur de la gare ne semble pas en mesure de rattraper l’extérieur. Ici, un internaute dénonce un « escalator en panne au sortir du quai du RER B (…), qui entraîne entre 3 et 5 minutes d’attente supplémentaire en heure de pointe ». Là l’absence de places assises dans la gare. En bref, le sous-dimensionnement des infrastructures dans la gare la plus fréquentée d’Europe, qui escompte recevoir 900 000 usagers quotidien en 2030, contre « seulement » 700 000 aujourd’hui, rend les trajets des usagers particulièrement épuisants. Un projet de rénovation, confié à la foncière Ceetrus en 2018, prévoyait une refonte complète de la gare et de ses environs, et aspirait même à la création d’un toit végétalisé directement accessible. Surtout, ce projet misait sur l’ouverture de commerces, restaurants, d’une salle de sport et d’une salle de spectacle pour renforcer l’attractivité du quartier et créer, à terme, une « St Pancras » à la française. Il sera finalement annulé à la fin de l’année 2021 en pleine campagne présidentielle d’Anne Hidalgo sous la pression d’une constellation d’associations écologistes (France Nature Environnement…) et proches des milieux d’extrême-gauche (Attac, Alternatiba…) rassemblée derrière la bannière « Retrouvons le Nord à Gare du Nord ». Peu d’habitants du quartier semblent, en revanche, les avoir rejoints.

Un nouveau projet de rénovation a été annoncé en mars 2022, dans le cadre d’une réunion publique de la SCNF. Son objectif ? Revoir la signalétique et les éclairages, rénover le terminal transmanche pour mieux gérer les flux de voyageurs ainsi que verdir et réaménager le parvis. Une ambition a minima au coût estimé à 55 millions d’euros, pris en charge par Bercy. Mais qui pourrait ne pas répondre aux problèmes systémiques qui frappent le quartier. « Actuellement, c’est l’horreur absolue la Gare du Nord. Un fiasco. Des dégradations en tout genre, des trafics en tout genre, des embouteillages, des commerces fermés partout. Situation dont la municipalité est largement co-responsable », explique un internaute. La Coupe du Monde de Rugby puis les Jeux Olympiques seront décisifs pour la capitale. Surtout après le fiasco de la finale de la Champion’s League. Point d’entrée des Britanniques, Belges, Hollandais, et Allemands en France, l’avenir de la Gare du Nord est aussi crucial pour l’image de la capitale et le prestige de la France.  

Alexandre Bodkine


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