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Jeux Olympiques : quand Los Angeles 2028 donne une leçon à Paris 2024

A chaque édition des Jeux Olympiques, le pays organisateur dispose du privilège de rajouter un certain nombre de disciplines, dont le nombre est passé à cinq en 2020.

Tony Estanguet, présidence du comité d'organisation des Jeux olympiques de Paris 2024 (Firas Abdullah/ABACAPRESS.COM)

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Les raisons poussant les nations à en favoriser certaines au détriment d’autres varient. Il peut s’agir de promouvoir un véritable monument national à l’image du judo lors des Jeux Olympiques de Tokyo en 1964, de prouver que l’on vit avec son temps en ajoutant une discipline en plein essor, ou tout simplement, être le fruit d’une réflexion bien plus pragmatique, consistant à se focaliser sur ce qui pourrait rapporter davantage de médailles pour le pays hôte. Les sports sélectionnés en vue des Jeux Olympiques de Los Angeles 2028 répondent à cette logique, probablement plus que ceux de l’édition parisienne.

Un pragmatisme très Américain

La Flamme Olympique n’a pas encore traversé l’Hexagone que beaucoup, CIO compris, semblent avoir déjà les yeux rivés sur les Jeux de Los Angeles, pourtant prévus en 2028. Il semblerait presque que ceux de Paris ne soient qu’un contretemps, en attendant que le véritable spectacle commence.


La faute en incombe peut-être à une organisation quelque peu hasardeuse, ou peut-être s’agit-il d’une simple impression, après tout, le pessimisme ainsi que le french bashing sont deux incontournables, lorsqu’il est question du sport tricolore. Mais s’il y a bien une chose qui mettra le plus grand nombre d’accord, c’est le fait que les Américains aient déjà décroché l’or, quant au choix des nouvelles disciplines olympiques à travers un choix à son image, à savoir pragmatique et efficace.

Quel sport pourrait mieux représenter les Etats-Unis que le football américain ? Véritable religion, comme en témoignent les 115,1M de téléspectateurs ayant assisté au Super Bowl l’an dernier. C’est donc sa version édulcorée, le flag football, qui fera son apparition. Autant dire que le suspense ne sera pas réellement de mise quant aux futurs médaillés d’or, même si des fédérations existent bel et bien partout en Europe, France comprise.
Le choix du Lacrosse s’inscrit également dans cette même logique, à savoir réintroduire[i] un sport aussi maitrisé que local, pour ne pas dire traditionnel, permettant à la fois de le promouvoir tout en s’assurant des chances de médailles.

Le baseball, ainsi que son cousin le softball, font partie de ces sports que tout le monde connait sans en comprendre les règles, ni même éprouver la moindre envie de les découvrir. Devenu officiellement un sport olympique en 1992 pour l’un, en 1996 pour l’autre, ils apparaissent et disparaissent au fil des éditions en fonction des pays organisateurs. Toutefois, son intégration lors des Jeux Olympiques était moins évidente qu’elle n’en a l’air, après tout, aussi talentueux soient les Américains ce sport n’est pas ce que l’on pourrait qualifier de chasse-gardée. Bon nombre de stars de la MLB proviennent d’Amérique latine ainsi que du Japon, mais c’est peut-être justement cet engouement international qui aura contribué à leur retour.

Quant à celui du cricket, 128 ans après sa seule et unique apparition dans le cadre des Jeux Olympiques, il mérite d’être salué pour les mêmes raisons. Aussi peu populaire en Europe – à l’exception de l’Angleterre et des Pays-Bas – qu’en Amérique, il ne manque pas d’adeptes du côté du sous-continent Indien et de ses deux milliards d’habitants.

Voir le squash rejoindre la grande famille des sports de raquette, et se faire une place sous la bannière Olympique aux côtés de ses cousins que sont le tennis et le badminton pour ne citer qu’eux, n’était qu’une question de temps quand on sait qu’environ vingt millions de personnes y jouent dans le monde, contre un peu moins de cent millions pour le tennis. On aurait même presque pu parler de chainon manquant en l’occurrence.

L’exception française

La France fait partie de ces quelques pays ayant une image bien définie, qui suit ses habitants partout, où qu’ils aillent. Dès que l’on traverse une frontière, on constate que beaucoup ont une idée précise de ce que sont, ou ne sont pas les Français et s’il y a bien un trait de caractère qui pour beaucoup nous définit, c’est notre habitude à ne rien faire comme les autres, aussi bien pour le meilleur que pour le pire. À en croire que cette fameuse exception française s’applique à bien des domaines, et mériterait presque d’être élevée au rang de « discipline » olympique.

En l’occurrence, c’est l’idée même de faire de breakdance une discipline olympique qui est aussi exceptionnelle, que déroutante. Proposer un sport dont nous n’avons aucune maitrise particulière ne présente aucun intérêt d’un point de vue compétitif. Depuis la création des championnats du monde de breakdance en 2019, le fait est que la France n’a jamais particulièrement brillé et ce n’est pas faute d’avoir organisé la deuxième édition à Paris en 2021. Notre meilleure performance en la matière étant une médaille de bronze.

Autant dire que si les sportifs français sont loin d’avoir répondu aux attentes en 2020, avec seulement dix médailles d’or au compteur, peu probable que cette nouvelle discipline nous permette de rêver plus grand. Mais ne blâmons pas nos athlètes, après tout, il est toujours compliqué de briller dans un sport de niche, à plus forte raison quand on sait que celui-ci vivra sans doute sa première, et dernière édition des Jeux Olympiques, les Américains y ayant renoncé pour 2028.

D’autres options à la fois plus intéressantes et plus cohérentes étaient pourtant sous nos yeux, à commencer par l’eSport. Un véritable choc des générations à lieu concernant cette discipline, avec d’un côté les boomers et Gen X peinant à considérer le fait d’être assis derrière un écran comme un sport, et les Gen Y ainsi que millenials, ayant précisément grandit au rythme des progrès numériques. Mais le fait est que cette année, le Paris Major de CS:GO était parvenu à attirer 50 000 spectateurs à l’Accor Arena[ii], sans compter les 1,5 millions de vues en ligne, au point que son introduction n’est vraisemblablement qu’une question de temps.

La question de l’intégration d’une ou plusieurs disciplines alternatives[iii] pouvait se poser. Le MMA[iv] est sans doute le sport connaissant actuellement le plus grand essor à l’échelle mondiale, même si sa légalisation en France ne remonte qu’à 2020. Bien qu’il soit pour ainsi dire impossible de voir un jour cette discipline se faire une place lors des Jeux Olympiques, car particulièrement éprouvante pour les athlètes, d’autres, comparables, à l’image du grappling[v] auraient pu faire leur entrée. Le padel était une autre option, avec ses 10 millions de pratiquants dans le monde, comment ne pas avoir eu l’idée de proposer un des sports de raquettes les plus en vogue durant ces dernières années ? Mais il semble qu’il faudra attendre les Jeux de Brisbane en 2032 que pour le rêve de nombreux joueurs devienne réalité.

Il était également possible de jouer la carte du Made in France jusqu’au bout en proposant la pétanque. Un sport si caricatural et si intrigant pour les étrangers, mais surtout tellement français, que son inévitable éviction lors des prochaines éditions des Jeux Olympiques n’aurait pas été un échec, à plus forte raison s’il nous avait permis de remporter quelques médailles.

Un choix populaire

La perplexité est sans doute le sentiment qui ressort le plus, lorsque l’on évoque l’arrivée du breakdance à l’occasion des Jeux Olympiques de Paris 2024. Un choix aussi clivant que la discipline en elle-même. Celle-ci ne dispose d’aucune fédération à proprement parler, qu’elle soit internationale ou française[vi], n’était pas candidate et son statut fait débat : s’agit-il d’une discipline sportive, ou artistique ?

Il est également compliqué de trouver un lien évident avec la France, dans la mesure où le breakdance est né dans les rues New-Yorkaises durant les années 70. Quant au nombre de pratiquants, il serait de trente millions dans le monde dont un million en France, ou du moins, ce sont les chiffres avancés par le CIO, malheureusement impossibles à vérifier toujours en raison de cette absence de fédération.

Ni sportifs, ni culturels, les critères retenus dans le but d’élever le breakdance au rang de discipline Olympique se situeraient donc ailleurs. Interrogé à ce sujet, Tony Estanguet, président du Comité d’Organisation de Paris 2024 fait part de la volonté de mettre en avant un sport populaire auprès des jeunes, dont la communauté n’est pas représentée lors des Jeux Olympiques[vii]. Hélas, de populaire à populiste il n’y a qu’un pas, surtout si l’on donne à ce terme une définition bien française, à savoir, indissociable de nos banlieues. Une décision qui prendrait alors des allures politiques, au détriment du sport et des valeurs universalistes des Jeux Olympiques, telles que Pierre de Coubertin les imaginait ?

Mathieu Sauvajot

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[i] Deux épreuves ont eu lieu, en 1904 et 1908.
[ii] https://blast.tv/article/csgo/paris-major-biggest-in-france-viewers
[iii] Variante d’un sport classique, telles que le rugby à VII ou le basketball à trois.
[iv] Mixed Martial Arts
[v] Sport de lutte
[vi] En France, le breakdance dépend de la Fédération Française de Danse.
[vii] https://www.marianne.net/agora/les-signatures-de-marianne/breakdance-plutot-que-karate-aux-jo-de-paris-moins-dolympisme-plus-de-marketing


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