Je m'abonne

Parité salariale dans le football : la solution est entre les mains du public

L'Equipe de France féminine à la Coupe du Monde Féminine de la FIFA (Photo par Chris Putnam/ZUMA Press Wire/ABACAPRESS.COM)

A l’occasion de la Coupe du monde féminine, la question de l’écart salarial entre footballeurs et footballeuses fait plus que jamais débat, mais si celui-ci est avéré, il n’est en fait que le reflet des revenus générés et de l’intérêt que lui porte le public.


Quand l’affluence est en berne

Avant de s’alarmer quant aux écarts de revenus entre les hommes et les femmes dans le monde du football, il est préférable d’en comprendre les causes. Ceux-ci varient logiquement d’une athlète à l’autre selon ses compétences sportives ainsi que ses performances, mais aussi en fonction de la discipline qu’il pratique et de sa notoriété, ou en d’autres termes, de sa capacité à attirer le public, et malheureusement c’est là où un premier fossé se creuse. Plus un sport et ses pratiquants ont la capacité d’attirer le public, plus leurs revenus seront élevés, et le football étant vraisemblablement un des sports les plus populaires qui soit, il n’y a rien de surprenant à voir les meilleurs joueurs occuper le haut du classement des sportifs les mieux payés au monde chaque année.

Toutefois, le fait est que dans le monde du football, hommes et femmes sont loin de parvenir à attirer un public aussi important l’un que l’autre. D’un côté, 9 009 327 de spectateurs ont assisté à une rencontre de Ligue 1 lors de la saison 22/23, soit 23 708 en moyenne avec des taux de remplissage exceptionnels, supérieurs à 90% pour les clubs les plus populaires que sont l’Olympique de Marseille et le Paris Saint-Germain notamment, et ce, malgré des tarifs moyens atteignant aisément la centaine d’euros. D’un autre, la D1 Arkema affichait une moyenne de 780 spectateurs lors de cette même saison 22/23, dont 2 300 pour l’Olympique Lyonnais féminin sur 59 186 places disponibles au sein du Stade Groupama, malgré des tarifs moyens de l’ordre d’une trentaine d’euros.

Il ne faut pas non plus y voir d’exception française, bien que le football féminin éveille davantage l’intérêt du public anglo-saxon, l’écart d’affluence entre la Premier League et la Women’s Super League est tout aussi saisissant. L’équipe féminine d’Arsenal a accueilli en moyenne 17 501 spectateurs la saison passée, celle de Manchester United 10 174, contre respectivement 60 191 et 73 815 pour les équipes masculines de ces mêmes clubs et le raisonnement s’applique également outre-Atlantique, entre la National Women’s Soccer League et la Major League Soccer.

La billetterie étant un élément clé des finances des clubs de football, à plus forte raison quand il est compliqué de vendre les droits TV, ne pas parvenir à remplir les stades tire logiquement les tarifs moyens vers le bas, et par extension limite les salaires. Bien qu’il s’agisse d’un des plus grands clubs de football féminin d’Europe, l’Olympique lyonnais versait en moyenne 12 000 € brut chaque mois à ses joueuses la saison dernière, à peine plus que ce que touchaient les parisiennes, soit 9000 €, et dans le bas du classement de D1 Arkema on retrouvait Guingamp et Soyaux dont les salaires chutent à 1600 € brut mensuels. A l’inverse, disposant d’un public bien plus nombreux, les clubs de de Women’s Super League offrent une rémunération assez nettement supérieure à leurs joueuses, de l’ordre de £47 000, soit près de 55 000 €.

Des audiences en trompe l’œil

Sans aller jusqu’à parler d’essor, on constate la naissance d’un véritable engouement pour le football féminin depuis maintenant plusieurs années, notamment pour des raisons sociétales. Megan Rapinoe, ballon d’or 2019 ayant vu sa côte de popularité s’envoler à l’ère du mouvement #metoo, n’a eu de cesse de dénoncer l’écart salarial dans le monde du football, mais hélas, bien que l’idée largement relayée n’ait pas manqué de fédérer, ne serait-ce que sur les réseaux sociaux, comme souvent les bonnes paroles n’ont pas été suivies d’actes concrets.

Avec 1,12 milliards de téléspectateurs à l’occasion de la Coupe du monde féminine en 2019, dont 263,62 millions rien que pour la finale, il était légitime de croire qu’un cap venait d’être franchi, mais ces chiffres aussi élevés soient-ils sont à relativiser. La finale de la Coupe du monde 2022 au Qatar est parvenue à elle seule à attirer 1,5 milliards de téléspectateurs, et il est peu probable de voir un tel décalage se réduire cette année au vu des récentes audiences.

Tandis que le premier match de l’équipe de France lors de la Coupe du monde en 2022 face à l’Australie avait été suivi par 12,53 millions de téléspectateurs rien qu’au sein de l’Hexagone, soit 48,1% de parts d’audience en moyenne, celui de l’équipe féminine face à la Jamaïque fin juillet, pourtant diffusé à une heure accessible, n’aura été suivi que par 3,43 millions de téléspectateurs.

Un véritable gouffre médiatique, qui aurait pu être bien plus profond quand on sait que les GESI ont par nature un effet fédérateur, le public répondant toujours présent pour soutenir son pays, peu importe la discipline, à l’image de ce que l’on observe lors des Jeux Olympiques. Hélas, une audience élevée signifiant d’avantages de visibilité pour les publicitaires, il va de soi que les sommes en jeu sont bien inférieures lors de cette Coupe du Monde co-organisée par l’Australie et la Nouvelle-Zélande, par rapport ce qui s’est fait au Qatar, ou comment mieux comprendre pour quelle raison le prize money proposé, soit 110 millions d’euros, est quatre fois inférieur à celui accordé l’année.

Une question de notoriété

Il va sans dire que plus un, ou une athlète est célèbre, plus les contrats de sponsoring seront conséquents en raison de sa capacité à rendre une marque visible auprès de sa fanbase, voire même du grand public, si jamais sa notoriété dépasse sa discipline. Les plus grands clubs de football misent d’ailleurs régulièrement sur ces brand players, à l’image de Neymar Jr et Kylian Mbappé, dont la présence au sein de l’effectif du Paris Saint-Germain aura grandement contribué à renégocier à la hausse son contrat avec Nike en 2019, passé alors de 25 à 75 millions d’euros par an.

Hélas, le football féminin tend justement à manquer de ces brand players. Si les noms d’Alex Morgan ou Alisha Lehmann sonnent relativement familier auprès de ceux s’intéressant au football, d’autres joueuses telles que Lieke Martens ou encore Samantha Kerr, aussi talentueuses soient-elles, ne bénéficient pas de cette aura médiatique. Les réseaux sociaux sont généralement un bon baromètre quant à la popularité d’un sportif, et si l’on compare les fanbases dont disposent des joueurs tels que Cristiano Ronaldo et Messi par rapport aux joueuses les plus populaires citées précédemment, on observe approximativement un ratio d’un sur quarante.

Fort heureusement la cause est loin d’être perdue, le fait est que de plus en plus de sportives parviennent à être connues et reconnues du grand public démontre qu’une parité médiatique est possible. C’est déjà le cas dans le monde du tennis, où les Serena Williams et Maria Sharapova sont parvenues à tenir tête aux Rafael Nadal et autres Novak Djokovic, et où la parité salariale est globalement une réalité, bien que les raisons ne soient pas uniquement médiatiques, mais structurelles.

Il est également important de comprendre que les revenus des footballeurs les mieux payés au monde tendent à reposer en grande partie sur les sponsors avec lesquels ils disposent d’un partenariat. Début 2023, Forbes estimait que Cristiano Ronaldo et Lionel Messi avaient respectivement gagné $136 et $130 millions, mais le fait est qu’une part très importante de ces revenus étaient d’ordre extra sportif. Plus de 66% de l’argent gagné par l’attaquant portugais était lié à ses sponsors, 50% en ce qui concerne le champion du monde argentin, mais moins de 10% des $7,1 millions touchés par Alex Morgan, joueuse la mieux payée au monde, proviennent de sources extra sportives, rappelant toujours plus combien la popularité d’une athlète pèse dans les revenus qu’elle génère.

Ainsi, paradoxalement, c’est entre les mains de ce même public qui dénonce les écarts salariaux dans le monde du football que se trouve la solution. Seule une amélioration des audiences, de meilleures affluences ainsi qu’une plus grande popularité des sportives permettront, à terme, de parvenir à cette parité dont beaucoup rêvent.


Mathieu Sauvajot


Vous aimez ? Partagez !


Entreprendre est un média indépendant. Soutenez-nous en nous ajoutant à vos favoris Google Actualités :

Publiez un commentaire

Offre spéciale Entreprendre

15% de réduction sur votre abonnement

Découvrez nos formules d'abonnement en version Papier & Digital pour retrouver le meilleur d'Entreprendre :

Le premier magazine des entrepreneurs depuis 1984

Une rédaction indépendante

Les secrets de réussite des meilleurs entrepreneurs

Profitez de cette offre exclusive

Je m'abonne