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En Iran, le peuple plus fort que le pouvoir !

Entreprendre - En Iran, le peuple plus fort que le pouvoir !

Par Hamid Enayat*

Tribune. Le 8 mars dernier, le site d’état Bulletin News concédait à ses lecteurs que les attaques chimiques subies par les écoles de filles au pays sonnaient « l’arrivée du moment de la succession ». En Iran, il semble que tout le monde se rend à l’évidence ; ce régime ne peut pas survivre et encore moins retrouver son équilibre d’avant le soulèvement. D’autant plus qu’il ne fait plus aucun doute à l’heure actuelle que le commanditaire des intoxications chimiques n’est autre que le guide suprême lui-même.

Les attaques chimiques ne peuvent être l’œuvre d’un individu seul, ni même d’un groupe indépendant. De plus, Ali Khameneï a pour habitude malheureuse de combattre les crises internes menaçant l’intégrité et la survie de son régime par un massacre ou par la création d’une crise plus importante. L’objectif est toujours le même ; détourner l’attention populaire et instiller la peur jusque dans les os des hésitants. Cette fois, en ciblant les écoles de filles, le guide suprême cherche de surcroît à se venger de toutes ces jeunes femmes qui lui ont tant fait mal ces 25 dernières années et plus particulièrement ces 6 derniers mois. En plongeant plus encore dans les abysses de sa propre haine, il croit pouvoir annihiler les velléités de renversement du régime par l’intimidation et l’horreur quotidienne, franchissant toutes les lignes rouges. On savait déjà le guide suprême et les pasdarans peu enclins au respect des droits humains, mais avouons que cette fois, la limite est largement dépassée.

Le fait est que malgré la répression brutale, le régime n’a pas été en mesure d’écraser, ni même d’endiguer le soulèvement populaire. La raison en est simple ; ce soulèvement n’est qu’un reflet de la violence subie par le peuple depuis trop longtemps ; pauvreté, chômage, chute de la monnaie, humiliations quotidiennes et, surtout, situation catastrophique des femmes. Cette violence d’état, appliquée telle une stratégie de commandement à plus de 80 millions d’habitants pendant plus de 40 ans, se retourne aujourd’hui contre ses instigateurs et ses promoteurs. Les gens n’ont plus peur de rien. Sans doute parce qu’ils n’ont plus rien à perdre. La peur a clairement changé de camp et les hauts murs qui protégeaient le régime commencent à s’effriter de l’intérieur.

Un épicentre d’espoir pour le peuple iranien

Les unités de résistance et le réseau national de résistance organisée à l’intérieur du pays, créés et dirigés par les Moudjahidines depuis 2013, jouent un rôle important dans le soulèvement. Ils sont devenus l’épicentre de l’espoir du peuple iranien. Ces unités sont essentiellement composées de jeunes, en particulier de jeunes filles, et œuvrent pour le changement à l’intérieur du pays par le biais de soulèvements et de manifestations continues. Il est clair qu’elles se renforcent de jour en jour, tandis que le régime s’affaiblit.

Malgré les arrestations massives, les tortures et les exécutions brutales, les unités de résistance ont augmenté de 500 % au cours du soulèvement. Récemment, elles ont mené des dizaines d’opérations anti-suffocation chaque jour, notamment en brûlant les symboles du régime. Et le pouvoir ne s’y trompe pas. Le site Bulletin News déjà cité plus haut et affilié au Corps des Gardiens de la Révolution Islamique (CGRI) affirme clairement que ce sont bien les Moudjahidines qui sont “le principal pilier du renversement en Iran“, par l’intermédiaire des UR. Par conséquent, le régime met tout en œuvre pour éliminer les moudjahidines, en recourant à des campagnes de diabolisation.

Utiliser les soi-disant opposants pour brouiller les pistes

Le régime n’a jamais hésité à utiliser les vestiges de la monarchie pour affronter son principal ennemi, les moudjahidines. En essayant de faire valoir le fils du dictateur déchu en 1979, le régime tente d’éclipser l’alternative démocratique. Mais le peuple n’est pas dupe et rejette formellement l’un comme l’autre, tous deux considérés comme des fascismes, laïque pour l’un, religieux pour l’autre. Les slogans scandés dans les rues depuis 6 mois ne laissent aucune place au doute : “Mort à l’oppresseur qu’il soit un roi ou un leader (Guide suprême)!“

À l’époque du Shah, tous les militant pour la liberté ont été exécutés ou emprisonnés, ce qui a permis aux mollahs de s’emparer de la direction de la révolution en bénéficiant de ce vide politique. Aujourd’hui, le peuple iranien est pleinement conscient qu’il doit se distancier de toute forme de dictature. C’est pourquoi depuis 2003, la résistance iranienne appelle à la formation d’un Front de solidarité nationale. Un front qui s’est construit autour de trois principes de base : le renversement de l’ensemble du régime ; la formation d’une république démocratique ; un gouvernement laïque.

Toutes ces valeurs se retrouvent au sein du Conseil National de la Résistance Iranienne (CNRI), coalition politique la plus ancienne de l’histoire contemporaine de l’Iran. Cette coalition lutte pour l’établissement d’une république démocratique qui garantit des élections libres, la liberté d’expression et de réunion, la légalité, l’égalité entre les hommes et les femmes, l’autonomie des nationalités et un Iran non nucléaire.

L’occident ; le chaînon manquant

La révolution avance, mais il reste encore un long chemin à parcourir, semé d’embûches. Qu’importe, après avoir résisté durant 6 mois à une répression féroce orchestrée par un régime aux relents médiévaux, il est impossible que le peule cède et rentre dans le rang. Plus rien n’empêchera désormais le peuple iranien d’accéder à la liberté. Et les politiques occidentales devront faire avec. La complaisance, l’indécision et la prudence avec laquelle les chancelleries occidentales soutiennent la révolution iranienne en disent long sur la prédominance des accords commerciaux sur l’aspect humain de la politique.

Pour autant, la résolution #100 du Congrès américain, intitulée « soutenir le désir du peuple iranien d’une république démocratique avec séparation de la religion et de l’État et non nucléaire », est un guide pratique pour une politique fondée sur des principes, bien plus que sur une idéologie, qu’elle soit religieuse ou financière. Les effets économiques du soulèvement en Iran sont désastreux pour de nombreux pays dans le monde. L’heure est venue pour les occidentaux de faire un choix clair ; continuer à complaire ou afficher clairement un soutien franc et massif à la démocratie qu’ils chérissent…

Hamid Enayat
Hamid Enayat est un analyste iranien basé en Europe. Militant des droits de l’homme et opposant au régime de son pays, il écrit sur les questions iraniennes et régionales et en faveur de la laïcité et des libertés fondamentales.


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