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Comment Bernard Ramanantsoa a positionné HEC Paris sur orbite mondiale (2/3)

C’est la deuxième partie de notre trilogie sur Bernard Ramanantsoa, l’ancien Directeur Général d’HEC Paris. Pour Entreprendre, en exclusivité, il retrace son parcours incroyable. A plus de 70 ans, on pourrait dire qu’il est en quelque sorte la pierre angulaire de ce qu’est devenue l’école de Jouy-en-Josas : un fleuron de l’enseignement français, européen et mondial. Embarquement pour la planète HEC !

Copyright des photos A. Bordier et HEC Paris

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Resituons-nous. Nous sommes dans les années 90. A la tête d’HEC, Michel Faucon est parti à la retraite, il a été remplacé par Henri Tézenas du Montcel. Ce sont deux grandes pointures du monde industriel, médiatique et universitaire. Il faut dire que, depuis la fin des années 80, la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris, la CCIP, a lancé les grandes manœuvres pour réformer ses écoles de gestion : HEC, l’ISA et l’ESCP (Ecole supérieure de commerce de Paris). Les résultats ne se font pas attendre. A la fin, HEC, l’ISA et la Formation continue n’ont plus qu’une seule et même direction. Pour piloter cette escadrille, les amateurs sont exclus. Il faut de bons pilotes.

Rappelons que Michel Faucon était l’ancien patron d’IBM Europe. Quant à Henri Tézenas du Montcel, il a co-fondé Dauphine et a été le patron de RFI. Avec ces grandes pointures, la CCIP se donne les moyens de ses ambitions. Mais, en interne, à HEC, ces grandes manœuvres interrogent. « Nous nous sommes dit : pourquoi aller chercher le président de Dauphine ? » Six mois après son installation, Bernard Ramanantsoa et deux collègues partagent un long petit-déjeuner avec Henri Tézenas du Montcel. En repartant, ils en sont, désormais, convaincus : « Ce type est remarquable. Remarquable. Certes, mais le problème restait entier. Nous ne savions pas où nous allions. Il n’y avait pas de plan stratégique. Et, il y avait de la bagarre entre les trois programmes (NDLR : celui de la grande école, du MBA et de la Formation continue). »

Pendant ce temps de turbulences, à la suite d’une mésentente entre le doyen du corps professoral, Jean Klein, et Henri Tézenas du Montcel, le premier démissionne. A ce moment-là, Bernard Ramanantsoa se dit : « Il faut s’occuper de ce corps professoral ». Ni une, ni deux, ni trois, décidé, il se présente, alors, à l’élection. Finalement, il est élu doyen des 100 professeurs permanents. Nous sommes en décembre 1992.

Un nouveau directeur général est né

« Je vais très très bien m’entendre avec Henri Tézenas du Montcel. C’est un grand bonhomme. » A la suite d’un cancer, le grand bonhomme décède en décembre 1994. Il est littéralement foudroyé en quelques mois. Bernard Ramanantsoa se présente, alors, comme candidat. Il fait, de nouveau, campagne et rencontre les personnes-clés. En février 1995, il devient le nouveau directeur général. « Les candidats étaient nombreux », se souvient-il. Sa nonchalance apparente ressemble à l’élégance d’un chevalier, d’un combattant.

A cette époque-là, HEC a, déjà, commencé à chausser ses bottes de sept lieues, sous l’impulsion de ses prédécesseurs, et dans le cadre d’une ouverture de ses frontières au niveau européen. A la rentrée 1995, Jouy-en-Josas augmente de 100 élèves les promotions de la grande école. Au sein de son MBA, de l’ISA, ce seront, également, 100 élèves de plus. C’est considérable. Le petit hic ? Oui, il y a un petit hic : HEC n’accueille que très peu d’élèves étrangers. Moins de 10 %.

C’est l’ambition de Bernard Ramanantsoa : ouvrir davantage l’école. Et, c’est, également, sa feuille de route : offrir un double diplôme européen, inviter en permanence des professeurs du monde entier et ajouter du sang neuf au corps professoral. Pas simple. Mais la mission n’est pas impossible.

Avec son bâton de pèlerin international

Son père a eu le nez fin. « Il m’a fortement découragé pour que je ne devienne ni militaire, ni médecin », se remémore Bernard, avec un certain amusement, au moment de prendre son bâton de randonneur pour ouvrir HEC à l’international. Comme le jeune Rastignac, il se dit : « A nous deux maintenant », en partant aux Etats-Unis, en décembre 1995.

« Je me suis dit : Je vais aller voir les grands deans des business schools américaines. J’ai cette idée qu’HEC est méconnue outre-Atlantique. Je décide d’aller me présenter à eux. Avec mon expérience, mon illusion et mon regard ouvert sur le monde de 46 ans, je vais leur dire : Bonjour, je suis le nouveau patron d’HEC… »

Rires ! Rires, mais ça marche. Il le fait. Il rencontre tour-à-tour les deans de Harvard, de Stanford, du MIT, d’Ann Arbor, celui de Michigan, de Chicago, etc. Nous ne sommes pas à l’époque de Google. Impossible de taper les lettres HEC dans un moteur de recherche. Pour ces cowboys des grandes écoles américaines, HEC est inconnue au bataillon. HEC, comme Bernard Ramanantsoa. « Sur place, je reste deux jours. Ils m’hébergent. Et, l’ambiance est bon enfant. Je suis très bien accueilli. Mais, ils ne savent pas qui je suis. Et, le pire, c’est qu’ils ne savent pas qui est HEC. » La mission se complique, le pèlerin est un défricheur.

« Qu’est-ce que vous avez publié ? »

Bernard Ramanantsoa est surpris quand on lui pose cette question : « Qu’est-ce que vous avez publié ? » Il est surpris, mais non pris au dépourvu, car, effectivement, il a publié des… livres. Sur quoi ? « Sur la diversification. »

Qui connait la Revue française de gestion ? Aux Etats-Unis, personne. De plus, pour les doyens au drapeau étoilé, il est bizarre d’avoir écrit des livres et si peu d’articles. « Vous êtes jeune », lui disent-ils, un brin moqueur, expliquant que les livres sont réservés aux personnes à la … retraite.

Bernard Ramanantsoa est confronté à une culture qu’il connaît mal. Il a, cependant, ouvert les yeux sur sa pépite pour devenir international. « C’est à ce moment-là, dans ces échanges incroyables, que mon plan et ma vision se sont structurés. » Il n’y a qu’un seul mot qui trotte dans sa tête : international.

De retour à Jouy-en-Josas, il fait prendre à HEC, en douceur (c’est sa marque de fabrique), le virage de l’international. Il distille dans les équipes administratives et pédagogiques cette nouvelle culture. Dans sa politique de recrutement, il fait mettre ce nouveau sine qua non : écrire des articles dans les meilleures revues anglo-saxonnes. Le dernier étage de sa fusée est de recruter des élèves à l’international, notamment pour muscler le MBA, qui reste le standard anglo-saxon.

Dans cet univers, la concurrence n’attend pas. Il ne faut pas oublier l’INSEAD, qui est un peu à part : dès sa création, en 1957, cette école a su par son MBA se positionner au niveau européen. La concurrence est rude. Il faudra attendre le début des années 2000 pour voir les petites graines bleues germer à l’international. Le MBA d’HEC remontera, ainsi, de la 70e place mondiale à la 17e ! Il est, aujourd’hui, positionné dans le peloton de tête des 10 premiers.

Le CPA et l’EMBA d’HEC

Ce qu’il manque, également, à HEC c’est de se doter d’un véritable Executive MBA (EMBA), c’est-à-dire d’un MBA pour les cadres et les dirigeants d’entreprise. Dans la compétition nationale et internationale à laquelle est confrontée HEC, le fait de ne pas être doté d’un tel EMBA est un désavantage, surtout lors des classements internationaux. La solution va venir de la Chambre de Commerce de Paris qui finance, à l’époque, 50% du budget d’HEC (on est à 0% aujourd’hui). « Un jour la CCIP annonce : on va réformer nos quatre écoles. Il s’agit d’HEC, de l’ESCP, de l’EAP et du CPA… »

Le CPA ? C’est le Centre de perfectionnement aux affaires de Paris, qui a été créé en 1929 par la CCIP (encore elle). C’est Georges Doriot, un des premiers diplômés d’Harvard, qui va aider à la mise en place de ce nouveau cursus universitaire basé sur la méthode des cas. Il est à destination des cadres dirigeants. Il s’agit de former les futurs dirigeants par des dirigeants. Une nouvelle révolution !

« Lors d’un dîner, qui réunit les dirigeants de la CCIP et ceux des 4 écoles, la décision tombe : on va rapprocher l’ESCP de l’EAP et HEC du CPA. Et on vous dira qui seront les pilotes. » Ils sont 4 et il n’en restera plus que 2. L’ambiance n’est pas à la fête. Finalement, Bernard Ramanantsoa reste à la tête d’HEC, il aurait pu être remplacé par le directeur du CPA. Et, le CPA se transforme, alors, en EMBA d’HEC. Ces grandes manœuvres font grincer plus que des dents. Les mots sont importants et deviennent, vite, politiques. Officiellement, « il fallait parler d’adossement ». Il s’agit, cependant, d’une fusion. Une fusion-révolution…  « On va être aidés, ensuite, par les accréditations qui nous obligent à normaliser le format du CPA. » La mission ne fait que commencer.

Des labels et des classements qui en disent long

Après ce mariage plus ou moins forcé, HEC étoffe sa palette aux couleurs de l’international, mais le bleu de ses lettres ne change pas pour autant. Bernard Ramanantsoa continue à piloter le groupe. Les publications, les professeurs et les étudiants étrangers se sont multipliés. La moisson s’annonce abondante.

Dès lors, une nouvelle question se pose : quel est son facteur-clé de succès ? La réponse est, toujours, la même : les femmes et les hommes ! Au cours de ces transformations, de son positionnement sur orbite mondiale, il a su s’entourer de femmes et d’hommes clés, des anciens étudiants comme Mercedes Erra, Natalie Rastoin, Jean-Luc Allavena, Daniel Bernard, Claude Jouven, etc. Oui, de cette présence, il en a fait une force.

Quant aux labels internationaux, HEC réussit à obtenir ceux de l’AACSB, de l’Equis et de l’AMBA. Par la suite, elle est devenue première en Europe dans le classement global du Financial Times de 2006, et numéro un mondial des Global Masters in Finance, toujours selon le quotidien britannique. L’ère des classements a sonné. « Ils sont incontournables. » Une seconde peau, en quelque sorte, ces classements, dont il faut prendre soin. On comprend mieux, pourquoi Bernard Ramanantsoa apprécie « Della Bradshaw, qui est la deuxième femme la plus importante après mon épouse » dit-il avec humour, quand la grande école d’HEC est classée première européenne en 2004. Il s’en amuse, mais il retrouve vite son sérieux face à la reine de ce fameux classement du Financial Times. Finalement, la fusée HEC Paris s’est bien positionnée sur orbite mondiale.

La planète terre pour étoile

Aujourd’hui, les chiffres clés mondiaux pourraient donner le tournis. Avec plus de 80 000 anciens, HEC Paris est le porte-drapeau de l’excellence académique commerciale de près de 140 nationalités présentes sur le campus. Le corps professoral est, lui, composé de plus de 120 chercheurs provenant d’une trentaine de pays. L’école, quant à elle, est présente en Afrique, en Amérique, en Asie, en Europe, au Moyen-Orient et en Océanie.

Avec plus de 130 partenaires académiques répartis dans le monde entier, le drapeau HEC Paris est pavoisé aux couleurs des 5 continents. Zoomons hors d’Europe. Partons en Afrique, et citons : le Maroc, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Nigeria et l’Afrique du Sud. En Amérique, il s’agit du Canada, des Etats-Unis, du Mexique, du Costa Rica, du Venezuela, du Brésil, du Pérou, de l’Argentine et du Chili. En Asie, HEC Paris a noué des partenariats avec la Chine élargie (Pékin, Shanghai, Hangzhou, Hong-Kong), l’Inde, le Japon, Singapore, la Corée du Sud, l’Indonésie, les Philippines, Taïwan et la Thaïlande. Au Moyen-Orient, HEC Paris est présente en Egypte, en Israël et au Liban. Enfin, elle est bien implantée au Qatar. HEC n’a pas oublié l’Océanie, avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Vue du ciel, Bernard Ramanantsoa peut contempler la planète HEC, avec ravissement. Il ne lui reste plus qu’à redescendre sur terre.

HEC Paris ressemble au Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry. Il y a 5 ans, une journée d’exception y consacrait l’espace et 3 astronautes : Claudie Haigneré, Luca Parmitano, et, le célèbre, Thomas Pesquet.

Antoine Bordier     

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