La démarche rappelle celle d’un Jean-Michel Aulas jeune. Et c’est plus qu’un compliment dans ma bouche. Lorsque le jeune conquistador lyonnais de Cegid s’est lancé à la conquête de CCMX, un groupe d’informatique de gestion comptable quatre fois plus gros que lui, beaucoup avaient crié au loup.
Nous l’avions mis en une d’Entreprendre. Cela ne lui a pas mal réussi depuis. Si on parle beaucoup de son parcours à la tête de l’Olympique Lyonnais avec la cession récente du club à l’américain John Textor, ne perdons pas de vue qu’Aulas, plus actif que jamais, est toujours, avec ses deux fils, à la tête d’un des plus grands fonds de capital-risque français, Holnest, près de 200 millions d’euros investis dans des jeunes pousses. Chapeau bas, Monsieur le président…
Aujourd’hui, un peu avec le même élan, l’excellent David Layani, fondateur de OnePoint, est reparti à l’abordage d’Atos. Il vient de prendre 9,9 % du capital du géant du service et sa démarche se veut amicale autant que de long terme. L’ex-fleuron informatique français bâti à coup de croissance externe forcée par Thierry Breton a du mal à digérer sa montée en puissance. Layani arrive à point nommé pour constituer « un ancrage français » pour une société dite sensible et stratégique pour les milieux militaires en particulier. Allusion à peine voilée au projet concurrent de l’homme d’affaires franco-tchèque Daniel Kretinsky ?
Pas forcément, puisque l’entrepreneur de OnePoint a déjà proposé au repreneur de Casino et d’Editis de lui céder Tech Fondations, la filiale d’infogérance d’Atos avant de mettre en bourse la partie des activités historiques du groupe présidé par Jean-Pierre Mustier (cybersécurité, supercalculateurs, digital…) regroupées dans Evidian (ou Eviden), où le milliardaire tchèque pourrait monter à 7,5% du capital via un chèque de 200 millions d’euros.
À 44 ans, cet HEC bon teint fait partie de cette nouvelle génération d’entrepreneurs français qui n’a pas de limites, une sorte de Xavier Niel avant la lettre. C’est lui, par exemple, qui a aidé récemment ses amis Alexandre Barrière et Joy Desseigne à prendre le pouvoir au sein du célèbre groupe hôtelier jusqu’à présent dirigé par leur père, Dominique Desseigne. Layani n’est pas à son premier coup d’éclat. Il a le bras long. Il rencontre aussi bien Emmanuel Macron que Nicolas Sarkozy. Et on peut lui faire confiance pour convaincre. Il a ce qui fait défaut à beaucoup de dirigeants : la vista et surtout le talent humain pour la propager auprès de ses équipes. La montée en puissance de son groupe spécialiste de la transformation informatique, qui emploie 3 000 salariés pour 500 millions de chiffre d’affaires avec un EBITDA de 10 % sur le CA, est là pour l’attester.
Ce sens de la communication va devenir essentiel dans les années qui viennent. On peut faire confiance à Layani malgré les nombreuses boules puantes que certains ne manqueront pas de lui mettre sur le chemin. C’est la loi du genre. Il y est prêt ! On n’arrive pas au sommet impunément sans s’être d’abord confronté à de nombreuses situations périlleuses. Atos en est une ! C’est aussi une de ces opportunités qui ne se représentera pas de sitôt…
Robert Lafont