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Xavier Niel s’achète-t-il une bonne conscience en finançant certains médias ?

Xavier Niel (Photo Raphael Lafargue/ABACAPRESS.COM)

La question peut être posée quand on constate l’écart idéologique existant entre ses pratiques d’hommes d’affaires et les lignes rédactionnelles prônées par les médias qu’il soutient financièrement.

A n’en pas douter, c’est un de nos entrepreneurs les plus méritants. Mais voilà qu’en matière de médias ou d’information, on a parfois l’impression que le fondateur de Free investit dans des sites de gauche voire d’extrême gauche comme pour se donner bonne conscience.

Niel, le fondateur de Free et de Station F a beau être à la tête d’une des plus grosses fortunes du pays, (5,5 milliards d’euros de patrimoine) être à la ville le compagnon de Delphine Arnault, fille de l’homme le plus riche d’Europe, c’est plus fort que lui : quand il se met à investir dans des médias, il le fait clairement à gauche quand ce n’est pas anti-capitaliste.

Des Jours à Mediapart du Monde à L’Obs, le trublion des télécoms ne craint pas d’apparaître quelque peu schizophrène. Entrepreneur financier sans états d’âmes dans son business. Il aime visiblement à porter dans le monde des médias une autre vision.

Un peu comme le faisait dans les années 80 notre ami Jacques Maillot, le fondateur du voyagiste Nouvelles Frontières, réputé patron de gauche à l’instar d’Antoine Riboud, historique fondateur de Danone. C’est d’ailleurs tout à l’honneur de Niel. Du reste, il n’est pas seul dans ce cas dans le petit monde des affaires à porter une telle ambiguïté. Le magnat franco-tchèque Daniel Kretinsky ne vient-il pas d’investir à fonds perdus quelques 14 millions d’euros dans la fondation détenant le quotidien de gauche Libération ?

Un investissement presqu’à fonds perdus , à moins que ce ne soit pour disposer des bonnes grâces ensuite d’Emmanuel Macron comme le laissent accroire les mauvaises langues actuellement. Histoire de pouvoir mieux se placer dans les futures recompositions à venir du meccano industrialo-financier du secteur l’énergie (Orano, EDF ou Engie…) Allez savoir. Remarquez que Bernard Arnault avec Le Parisien n’est pas non plus totalement à son aise avec une ligne rédactionnelle du journal pas toujours très libérale ou pro-entreprises, c’est le moins qu’on puisse dire.

Et que penser de Martin Bouygues, l’empereur du BTP et du service multi-technique aux entreprises (Equans) qui laisse clairement prospérer l’émission « Quotidien » de Yann Barthes sur une de ses chaînes, TMC, qui démonte et taille en pièces clairement chaque jour un peu plus ceux qui font avancer la société ou l’économie.

Un parti-pris de dérision qui, il est vrai, s’avère porteur du point de vue de l’audience ? Un cynisme publicitaire rare et qui détonne avec ce que l’on voit à l’étranger. Ailleurs, les capitaines d’industrie financent plutôt des médias vantant l’entreprise ou l’économie de marché.

En Italie, le clan Agnelli (John Elkann) a repris l’hebdomadaire de référence du capitalisme The Economist et est en fier manifestement. Il y a quelques années le patronnat transalpin n’avait pas hésité à mettre directement la main à la poche pour renflouer le quotidien économique 24 ore il sole.

En France, le seul qui finalement assume ses positions en matière de médias, c’est Vincent Bolloré. Le propriétaire de Vivendi n’a pas hésité, lors de la dernière élection présidentielle, à offrir, on s’en souvient, une belle tribune à Éric Zemmour. Et cela ne l’a pas gêné. Ou à reprendre récemment le magazine Capital dans le cadre du rachat de Prisma.

Sur la droite de l’échiquier, le patron des chantiers CMN, Iskandar Safa, habilement cornaqué par Charles Villeneuve, assume également clairement les positions droitières de l’hebdomadaire Valeurs Actuelles, dont il est le propriétaire. Même s’il pourrait se séparer prochainement de son talentueux directeur Geoffroy Lejeune.

À Sud Radio, propriété du souverainiste empereur de l’expertise comptable, l’insaisissable Christian Latouche (Fiducial), le bienveillant Patrick Roger accueille tout le monde sur son antenne ouverte (même si on peut lui reprocher d’avoir supprimer l’émission d’Entreprendre) aussi bien l’intraitable André Bercoff que l’irréductible Jean- Jacques Bourdin, il est vrai tout heureux de pouvoir retrouver une case, après son éviction impromptue  des antennes de RMC. Éviction en pleine élection présidentielle et sur des faits de harcèlement dont la justice ne s’est pas encore prononcée, rappelons-le.

Xavier Niel, lui, ne semble trop s’émouvoir de telles contradictions. Le principal actionnaire du Monde et de Nice Matin vient d’ouvrir une nouvelle fois son chéquier pour financer le nouveau site L’Informé fondé par un transfuge de Capital, Gilles Tanguy qui, après avoir fait joué sa clause de conscience pour toucher de solides émoluments, se fait une spécialité de vouloir se « payer » les patrons à coup de scoops.

Niel se veut défenseur de la liberté d’expression, ce qui est tout à son honneur, tout en ne finançant pas jusque-là des médias pro-entrepreneurs. Cela peut laisser songeur. Surtout lorsqu’on écoute ses plaidoyers pro-capitalistes comme lors du dernier salon BIG organisé il y a quelques semaines par Bpifrance. La France a tout pour réussir. Oui, à condition que ses médias se mettent en ordre de bataille pour accompagner le redressement économique du pays. Et que nos patrons ne jouent plus double jeu ! On en est loin.

Robert Lafont


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