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Valérie Lorentz-Poinsot : « Je lance un appel solennel au Président Macron »

Qui veut tuer l’homéopathie en France ? La dirigeante des Laboratoires Boiron ne peut se résoudre à cette décision qu’elle juge absurde sur tous les plans : sanitaire, économique et social.

Entreprendre - Valérie Lorentz-Poinsot : « Je lance un appel solennel au Président Macron »

Qui veut tuer l’homéopathie en France ? Son déremboursement total est prévu pour janvier 2021. Combative et adepte du franc-parler, la dirigeante des Laboratoires Boiron ne peut se résoudre à cette décision qu’elle juge absurde sur tous les plans : sanitaire, économique et social. Rencontre avec Valérie Lorentz-Poinsot pour tenter de comprendre ce qui se joue.

77% des Français jugent l’homéopathie efficace. Pourtant, le 1er janvier prochain, on annonce son déremboursement total. Notre première question est donc très directe : qui veut tuer l’homéopathie en France et pourquoi ?

Valérie Lorentz-Poinsot : Je n’ai malheureusement pas la réponse à votre question qui est pourtant essentielle. Ce que je peux vous dire en revanche, c’est que des millions de Français se soignent grâce à l’homéopathie. Des milliers de professionnels de santé formés la prescrivent et la conseillent quotidiennement. Comme vous le disiez à juste titre, selon deux sondages réalisés par IPSOS en 2018 et 2020, 77% des Français ont déjà eu recours aux médicaments homéopathiques et les jugent efficaces, et 76 % des Français restent opposés au déremboursement de cette thérapeutique.

Bref, l’homéopathie est très appréciée des Français et peu couteuse pour les finances publiques Pourtant, contre toute attente, le déremboursement de l’homéopathie est passé de 30 à 15% depuis le 1er janvier 2020 et le gouvernement a prévu son déremboursement total au 1er janvier 2021. Force est de constater que l’homéopathie a fait les frais d’une campagne de dénigration violente, menée par de petits groupuscules vraiment minoritaires, alors que les Français en masse soutiennent l’homéopathie.

La pétition que nous avons lancée « Mon homéo, mon choix » a déjà recueilli 1 315 000 signatures et c’est loin d’être fini. Même si cette décision est annoncée pour le 1er janvier, je ne baisse pas les bras. Je suis combattive et je serai fidèle à mon combat jusqu’au bout. Nous pouvons encore tous ensemble changer la donne !

Que demandez-vous concrètement au Président Macron et au gouvernement ?

V. L-P. : Je demande solennellement au Président Macron de maintenir le remboursement à 15% au 1er janvier 2021. Sur de nombreux sujets sanitaires et environnementaux, Emmanuel Macron a montré qu’il était capable d’évoluer dans ses décisions – je pense notamment au glyphosate – alors il peut aussi le faire pour l’homéopathie ! Pourquoi écoute-t-il une minorité alors que la majorité des Français vont dans le sens de l’homéopathie ?

C’est complètement absurde tant sur le plan sanitaire, que sur les plans économique et social. Et sur le plan électoral, c’est un non-sens, car il y a un véritable engouement des Français pour les traitements homéopathiques, qui sont également soutenus par un très grand nombre de professionnels de santé, en complément des traitements conventionnels.

C’est pourquoi de nombreux élus, médecins et professionnels de santé vont dans votre sens en demandant un moratoire sur le remboursement à 15%.

V. L-P. : Oui, car la solution simple d’un décret sur le remboursement à 15% permettrait au secteur homéopathique de continuer à réorganiser ses activités, tout en protégeant les emplois de la filière et en travaillant à de nouvelles études sur l’efficacité des traitements. Ce serait en pleine cohérence avec le grand plan national de relance de l’économie.

Qui est derrière ce bashing et cette politique de dénigrement : les laboratoires pharmaceutiques ? Certains lobbies ?

V. L-P. : Je n’ai pas la réponse. On ne sait pas tout, on sait juste que ce sont des attaques violentes d’une minorité de personnes. Résultat, c’est toute la filière homéopathique française, et pas seulement les laboratoires Boiron, qui souffre particulièrement de la baisse de la demande de médicaments homéopathiques due aux effets combinés de la crise de la Covid-19 ainsi qu’aux attaques d’activistes et aux nouvelles conditions de prise en charge décidées par la précédente ministre de la Santé, Madame Agnès Buzin. Ce sont donc plus d’un millier d’emplois à la clé qui sont en danger, chez tous les acteurs de la filière, sans oublier les fournisseurs et les sous-traitants.

Quelles sont les répercussions économiques pour les Laboratoires Boiron ?

V. L-P. : Les Laboratoires Boiron sont une ETI familiale française qui a toujours choisi la fabrication française de l’intégralité de ses médicaments homéopathiques. A l’heure où l’on ne cesse de parler et de valoriser le « made in France » et les relocalisations, nous réalisons chez Boiron plus de 50% de notre chiffre d’affaires global en France dont 66% réalisés sur les médicaments homéopathiques remboursables.

Nous employons plus de 2300 collaborateurs en France, répartis dans une trentaine de bassins d’emplois sur le territoire avec un effet d’entraînement majeur sur l’économie locale, puisque nous avons plus de 2350 entreprises fournisseurs et sous-traitants français. En deux ans, la demande de médicaments homéopathiques a déjà baissé de 20% et depuis le début de l’année, la poursuite de la baisse s’est encore amplifiée avec la baisse du remboursement à 15% effective depuis le 1er janvier et avec le confinement qui a entraîné une désertification des cabinets médicaux.

Vous avez d’ailleurs annoncé un plan social de grande ampleur face à cette double crise ?

V. L-P. : En effet, face à cette situation, et aux impacts à venir du déremboursement total prévu au 1er janvier 2021, le groupe Boiron a été contraint d’annoncer un projet de plan social massif et de réorganisation de ses activités. Ce plan pourrait conduire à la fermeture de 13 sites et au départ de près de 650 collaborateurs en CDI.

Nous en sommes toujours là aujourd’hui, car nous sommes en pleine négociation avec les organisations syndicales, puisque la Covid nous a contraints à repousser les discussions. C’est une situation très difficile pour tous, et notamment pour les salariés de Boiron qui ressentent beaucoup de colère et de tristesse.

Vous dites que c’est « complètement absurde de dérembourser » pour trois raisons majeures. Expliquez-nous.

V. L-P. : La première raison est sanitaire. L’homéopathie soigne sans nuire, elle répond à une demande de naturalité des Français et à des enjeux majeurs de santé publique, dans un contexte sanitaire anxiogène inédit avec la crise de la covid-19 où il vaut mieux utiliser des traitements homéopathiques contre le stress et renforcer ses défenses immunitaires plutôt que de prendre un trop plein de somnifères.

Sans parler des dangers quand il y a abus dans la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens et/ou d’antibiotiques. L’homéopathie accompagne les patients sans risque chaque jour, depuis des générations. En complément de la médecine conventionnelle et allopathique, elle permet aussi de mieux supporter des traitements lourds. On le sait, 20% des patients atteints de cancer ont recours aux médicaments homéopathiques pour réduire les effets secondaires des traitements anti-cancéreux.

Quelles sont les deux autres raisons ?

V. L-P. : La 2e est économique. Madame Agnès Buzin a essayé, quand elle était ministre de la Santé, de justifier le déremboursement « au nom de l’argent des Français ». Ça, je ne peux pas l’accepter car c’est faux ! C’est pourquoi, nous allons publier dans quelques semaines les résultats d’une étude du Cabinet Asterès qui démontre que le remboursement des traitements homéopathiques pour les patients du régime général est totalement neutre !

Les médicaments homéopathiques remboursés avec un taux de prise en charge de 15% représenteront, en 2020, une dépense annuelle d’environ 30 millions d’euros, du fait de la franchise médicale (50 centimes à la boite), qui compense 100% de la part remboursable (à l’exception des personnes exemptées de franchise : les femmes enceintes, les personnes en ALD…) ; soit moins de 0,1% des 29,7 milliards d’euros de remboursement de médicaments !

Bref, quand l’assurance maladie prend en charge un remboursement de 15%, ça ne lui coûte rien, car le coût de cette prise en charge est annulé par la franchise médicale ! Quant à la 3e raison, nous l’avons déjà évoquée, elle est sociale, puisque c’est toute une filière qui est mise à mal avec plus de 1000 emplois en danger.

Certains vont même jusqu’à dire que le déremboursement va générer un coût supplémentaire pour l’assurance maladie. Info ou intox ?

V. L-P. : C’est malheureusement vrai. Le déremboursement des médicaments homéopathiques va générer un coût supplémentaire pour l’assurance maladie en raison d’un report vers des prescriptions plus coûteuses, associées à une consommation de soins plus élevée. Les patients, quant à eux, verront une hausse considérable de leur coût : le déremboursement total impactera également la prise en charge par leur mutuelle et entraînera une augmentation automatique de la TVA (de 2,1% à 10%), ce qui accentuera l’inégalité d’accès aux soins notamment pour les patients les plus modestes.

Les prix devenus libres, les augmentations selon la concurrence des prix entre les officines locales doublera cette inégalité par une disparité territoriale et touchera les patients déjà défavorisés par les contraintes territoriales avec des prix nécessairement plus élevés dans les zones rurales ayant pourtant moins de pouvoir d’achat !

Vous avez bon espoir de convaincre Emmanuel Macron et le gouvernement Castex ?

V. L-P. : Oui, en tous cas je l’espère, parce que comme je l’ai démontré le coût serait neutre face à toutes les mesures prises pour lutter contre la crise, et permettrait en plus de sauvegarder un secteur dont la France est leader, et de limiter le nombre de personnes licenciées dans la filière dans un contexte de crise économique majeure dans des bassins d’emplois délaissés.

Il parait primordial de pouvoir donner à l’homéopathie du temps pour s’adapter aussi bien pour cette industrie dont la France est leader que pour en préserver l’accès aux patients français touchés par la crise de la Covid-19 notamment pour les plus fragiles économiquement.

Quel message souhaitez-vous leur adresser ?

V. L-P. : Qu’ils ont aujourd’hui la possibilité d’agir pour la santé publique, pour les Français et pour toute une filière. Cela passe par le maintien du remboursement de l’homéopathie à 15% après le 1er janvier 2021. En matière de santé aussi, les Français ont le droit à la liberté de choisir !

Propos recueillis par Valérie Loctin


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