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La France a besoin d’un nouveau Colbert

Entreprendre - La France a besoin d’un nouveau Colbert

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Reportage intéressant diffusé sur Arte, le 30 avril dernier, retraçant la naissance de l’industrie du luxe dans notre pays, restée encore à ce jour une de nos industries majeures sous l’impulsion de groupes émérites comme Hermès, Kering, Chanel ou LVMH.

Qu’y apprend-on ? Pas mal d’enseignements à rapprocher de la situation économique d’aujourd’hui. D’abord, à savoir que l’État, et c’est une fâcheuse habitude, reste confronté à de nombreux déficits financiers ou commerciaux, certes pas pour les mêmes raisons. Pour le grand Louis, c’est principalement lié à la saignée financière occasionnée par ses guerres européennes incessantes (33 ans de conflits pour 72 années de règne).

Pour nous, aujourd’hui, c’est davantage la gestion dispendieuse de notre appareil d’État et de ses organismes sociaux. Toujours est-il que, dans les deux cas, les finances publiques sont bien à sec et que, comme à la fin du XVIIème, nous nous devons de combler ces déficits extérieurs. Ce qui suppose de renforcer notre production intérieure, pas toujours à même de répondre aux besoins de la demande intérieure.

Colbert se met en tête d’aller rechercher les meilleurs talents hors frontières

Sous le Roi Soleil, nos manufactures s’avèrent incapables de produire les draps, porcelaines, tissus voire miroirs tels que réclamés par les nobles de l’époque, d’où des importations massives. Aujourd’hui, dans les supermarchés ou sur Cdiscount, nos consommateurs achètent chinois, allemand, voire italien, sans toujours le savoir. Très intelligemment à l’époque, le ministre Colbert (1619-1683) se met en tête d’aller rechercher les meilleurs talents hors frontières pour les faire venir en France afin de faire bénéficier nos manufactures et ateliers des procédés techniques et savoir-faire dont ils avaient besoin.

Ainsi, on fait venir de Murano les meilleurs artisans vénitiens du verre. Et on créé la manufacture royale de Saint-Gobain. On installe à Abbeville, en Picardie, le meilleur entrepreneur drapier des Pays-Bas. De la même manière, on incite un grand entrepreneur de tissus britanniques à s’implanter en France. Idem pour la porcelaine, dont on étudie l’origine chinoise et l’exploitation qui en est faite outre-Rhin. Cela donnera naissance à la célèbre manufacture de Sèvres (92). L’État, finalement, fait un peu pour l’industrie ce que le PSG fait aujourd’hui en football : à savoir, faire venir les meilleurs de leurs catégories. D’ailleurs, très vite, le résultat ne se fait pas attendre.

Et notre pays, resté jusque-là essentiellement agricole avec un artisanat très disséminé sur le territoire, arrive à concentrer à quelques endroits nombre de nouveaux ateliers et manufactures, qui arrivent à tenir la dragée haute. D’où un spectaculaire redressement industriel et financier. Colbert était même prêt à offrir aux entrepreneurs dûment sélectionnés de solides commandes d’État pour leur mettre solidement le pied à l’étrier, espérant ensuite que le marché et la qualité de leurs productions arriveraient à prendre le relais sans n’avoir plus besoin de subventions. C’est qui se produit. Sans l’avance de capitaux ou l’octroi de certains privilèges, ni la manufacture des Gobelins ou celle de Saint-Gobain n’auraient pu être lancées.

Sans les commandes du Pentagone, Google ou SpaceX n’auraient pas réussi

Ne nous leurrons pas. Aux USA, pays chantre du capitalisme, sans les commandes du Pentagone, jamais Google ou SpaceX n’auraient pu réussir non plus. Au début du XVIIIème, la réindustrialisation est en marche et le pays se couvre de nouvelles usines : manufacture royale de glaces de miroirs à La Glacerie (50), manufacture de porcelaines de Sèvres (92), manufacture des points de France à Alençon (61), compagnie royale des mines et fonderies du Languedoc (exploitations du plomb et du cuivre), tapisserie d’Aubusson (23), manufacture de Beauvais (60), manufacture royale de Vidalon (07, papeterie des frères Montgolfier… et Canson), pour ne citer que les principales.

Ne devrait-on pas faire la même chose encore aujourd’hui ? Quand on voit dans l’industrie informatique, si essentielle, un Stéphan Français, valeureux entrepreneur du PC tricolore et européen avec Thomson Computing, ne recevoir quasi aucune commande de l’État, alors que ses PC rivalisent avec ceux des géants chinois Huawei ou américains Dell, on se dit que quelque chose ne tourne pas rond dans notre gestion étatique.

Nous ne priorisons pas assez nos industriels. L’entrepreneur de Thomson Computing ne se prive pas lui-même de le dire. Voir son interview à Entreprendre (n°356) : « Nos administrations doivent acheter français (sic) ». N’ayant pas le souci du « made in France », l’appareil d’État n’est pas mobilisé pour soutenir nos entreprises comme cela se pratique aux USA ou en Allemagne. Il n’est pas trop tard. Arnaud Montebourg, le héraut du « made in France », a fait réaliser un travail de prospective intéressant pour pouvoir relancer quelques filières de l’économie. On ferait bien de s’y référer.

Remettre le tissu économique français au niveau de l’Allemagne

Au lieu d’éparpiller ses choix, un État stratège se devrait de sélectionner 50 grands projets industriels et de tout mette en œuvre pour en faire des domaines d‘excellence. Comme l’a fait Jean-Baptiste Colbert en son temps, en avançant l’argent ou en octroyant certains privilèges. N’hésitant pas aussi à étendre son action au domaine commercial. N a-t-il pas encouragé Outre-mer la création de compagnies de commerce sur le modèle hollandais, sans parler de l’installation de nombreux comptoirs commerciaux hors frontières ?

Notre personnel diplomatique, si pléthorique de par le monde, ne pourrait-il pas être mobilisé dans ce sens en liaison avec un organisme comme Business France dont c’est l’objet de développer nos exportations ? Après tout, cela ne nous a pas si mal réussi. Il ne s’agit pas de s’opposer au marché ni de s’y substituer. Mais simplement de contribuer puissamment à un nouveau levier pour remettre le tissu économique français au niveau de celui qui devrait être le sien. C’est à dire au niveau de l’Allemagne. Oui, c’est possible !


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