Par Emmanuel Jaffelin, philosophe, auteur de Célébrations du Bonheur (Michel Lafon éditeur)
Nous vivons une époque formidable dans laquelle « tout doit être électrique ». Il est vrai que l’électricité est une énergie efficace et discrète. Le bruit des voitures électriques, a fortiori celui des camions électriques, ne nous dérange pas ! Il est vrai que certains moteurs thermiques produisent un bruit excessif qui, involontairement, joue un rôle positif envers tous ceux qui souhaitent imposer des moteurs électriques. Ce Culte de l’électricité conduit ainsi l’Union Européenne à programmer la fin du moteur thermique pour 2035 ! Telle une roue de secours pour sortir de cette crevaison idéologique, l’Allemagne, pays de quatre géants fabricants de voiture (Volkswagen, Mercedes, Audi et BMW), a, dans un premier temps, refusé de voter ce texte soucieux de faire acter la fin des moteurs thermiques ; puis, elle s’est rangée[1] au Nouvel Ordre écologique[2].
Notons d’abord ce paradoxe du véhicule électrique : il est discret et, par conséquent, son moteur ne contribue plus au bruit urbain. Assurément, beaucoup de gens, à commencer par les écologistes, voient dans ce véhicule une source de progrès. L’Allemagne ne fut d’ailleurs pas le seul pays de l’U.E à s’opposer à ce projet d’interdiction et de suppression des moteurs thermiques : l’Italie, la Pologne et la Bulgarie s’y opposèrent également, même si Alfa-Roméo[3], dans une perspective probablement plus commerciale qu’écologique, a annoncé qu’il abandonnerait le moteur thermique dans 4 ans ! Et puis, finalement, tout est rentré dans l’Ordre et tous les pays (27 Etats) de l’U.E. ont validé cette interdiction pour 2035 !
Concernant le supposé progrès de cet arrêt de fabrication et de cette interdiction du moteur thermique, notons qu’il affiche des aspects positifs tout en recélant des conséquences négatives :
- Relevons d’abord un fait : le bruit délivré par le véhicule à moteur thermique a le mérite d’informer le passant (piéton, cycliste ou motard, voire conducteur) de sa présence. Or, tel n’est pas le cas du véhicule électrique (trottinette et vélo inclus !) qui est si discret qu’il ne sollicite pas de réaction de la part du passant quelques microsecondes avant qu’il se retrouve renversé ou écrasé ! Il n’y a visiblement ni enquête ni analyse (sauf, en 2022 pour les trottinettes à Paris) au sujet de ces nombreux accidents entraînant la mort ou la blessure grave de passants n’ayant pas entendu ce véhicule inaudible. Tout se passe comme si notre civilisation devenait olfactive et privilégiait le nez (en interdisant les moteurs expulsant de la fumée) aux oreilles. Pif Gadget va pouvoir rebondir ! Mickey est battu !
- Le bruit a pourtant un mérite que la raison écologique ne comprend pas : il fournit une information à l’être humain, voire à l’animal qui, l’entendant s’approcher et y reconnaissant un danger, cherche à y échapper. Il est donc probable que cette absence d’enquêtes sur un tel risque n’a qu’un but : convaincre la population des pays concerné (par un tel changement du véhicule) de l’inévitabilité de ce projet !
A l’inverse, il importe de rappeler que le bruit (outre son charme – fruit d’un travail pour certains véhicules (voitures sportives ou motos) – constitue plus une information sonore qu’une nuisance écologique! Dans cette nouvelle politique fondée sur des idéaux écologistes, il va de soi que la réduction de la pollution prime sur l’augmentation de la sécurité ! Mais comme l’écologie radicale[4] (deep ecology) souhaite la disparition de l’espèce humaine pour sauvegarder la nature, il va de soi que cette mort du moteur thermique constitue un symptôme de la mort de l’humanité…
- L’autre aspect évident du moteur thermique tient à sa durée de vie réduite : la réduction des ressources pétrolières nous invite à penser la disparition du moteur thermique, non en raison d’un diktat écologique, mais en raison de son extinction. Quand il n’y aura plus de pétrole, il n’y aura plus de moteur thermique utilisable. Cette idée d’arrêter ce type de moteur avant la fin définitive du pétrole, invite à penser à ceux qui arrêteraient de boire de l’eau car ce liquide, dans sa version potable, se raréfie. Ou à ceux qui arrêteraient de vivre car des médecins leur ont annoncé qu’ils sont atteints d’une grave maladie. Cette montée en puissance de l’euthanasie chez certains malades est l’image symbolique d’une société qui refuse les problèmes et qui croient les résoudre en les supprimant ou en supprimant ceux qui les rencontrent !
Par conséquent, cette obligation juridique d’électrifier nos sociétés contribue à l’infantilisation de l’être humain et à l’automatisation de ses déplacements. Dans quelques années, l’auto-mobiliste montera dans sa voiture comme dans un taxi, mais un taxi sans conducteur puisqu’il est prévu que ce véhicule sera dirigé, via l’Intelligence Artificielle, par un pilote auto-matique. Ainsi, l’action de la personne disparaîtra au profit du service qui lui sera rendu.
Cette interdiction du moteur thermique découle d’une politique qui, au nom d’un panthéisme masqué – selon lequel Dieu, c’est la nature – opère une réduction de la maîtrise humaine du déplacement qui ne se fait plus à pied. Cavalier, l’être humain doit maîtriser sa monture ; cycliste, il doit s’efforcer de pédaler ; conduire il doit accélérer ou freiner ; assis sans conduire, il doit admettre sa zombisation !
PS : lecteur qui ne veut pas être un Zombie, sache que l’UE ne représente que 27 pays sur 47 pays européens. En 2035, tu pourras probablement échapper à cet électro-choc en allant conduire ta voiture dans les 21 autres pays, dont la Suisse, le Royaume Uni ou la Norvège !
[1] -https://www.20minutes.fr/planete/4029586-20230325-fin-voitures-thermiques-2035-allemagne-obtient-sursis-certains-vehicules
[2] – expression qui forme le titre de l’excellent livre de Luc Ferry, paru en 1992, éditions Grasset, Prix Medicis.
[3] – https://www.automobile-magazine.fr/voitures-electriques/article/31206-fin-du-moteur-thermique-toutes-les-dates-et-les-annonces-des-constructeurs
[4][4] – l’E.L.F (Earth Liberation Front) fut créé en 1992 à Brighton (Royaume-Uni) pour saboter l’économie qui pollue et s’étendre dans les pays où cette économie se développe. Considéré comme la suite du Front de Libération des Animaux, il préfère la Nature à la culture.
