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Pierre Bellon, le fondateur de Sodexo, était un entrepreneur modèle comme il nous en faudrait tant

Pierre Bellon, fondateur de Sodexo, géant de la restauration collective. Christophe Guibbaud_ABACAPRESS.COM

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Pierre Bellon est décédé, lundi 31 janvier, à Marseille, à l’âge de 92 ans. Il ne ressemblait en rien à ses homologues patrons du CAC 40. Contrairement à eux, il s’est fait tout seul et sur le terrain. Contrairement à eux, épris de montages financiers et de réseaux planétaires, le fondateur de Sodexo réussit d’abord par et sur un métier, avec ses équipes, et puis il ne lâche jamais.

Sa rigueur de gestion est légendaire : « Au centime près ». Au plan financier, ce Marseillais goguenard et plein d’idées (il remplissait des cahiers entiers de ses propres notes) a toujours éconduit les fonds financiers en mal de proposition de rachat pour « un métier de centimier », comme il qualifiait lui-même son activité de restauration collective où l’on ne gagne qu’à la marge, et où une autre légende, Jacques Borel, avait également réussi avec la « Générale de Restauration », avant de recevoir de Paribas le coup de poignard dans le dos dont certains se souviennent…

Il a réussi sur un métier et dans la durée

Quand on croisait Monsieur Bellon, cela m’est arrivé à plusieurs reprises dans des soirées d’entrepreneurs, il conservait cette simplicité propre à ceux qui savent d’où ils viennent. Self-made-man authentique s’il en est, Pierre Bellon a inventé son métier de toutes pièces : quand, en 1966, il remarque sur le port de Marseille que « les gens rentraient de moins en moins chez eux à midi pour déjeuner et qu’il pouvait être intéressant de leur apporter leur repas directement sur leur lieu de travail ». Le futur leader mondial de la restauration collective ne s’est pas construit autrement à partir d’un hangar de l’usine d’anchois, celui prêté par son oncle Fernand.

Au début, il livrait lui-même en camionnette les premiers plateaux-repas avant d’engranger les premiers contrats pour les bateaux réguliers faisant la navette entre Marseille et Alger. En bon HEC, il sût développer avec maestria et discrétion ce qui est devenu aujourd’hui avec LVMH l’une des plus belles réussites entrepreneuriales françaises de ces cinquante dernière années.

Ne nous y trompons pas, ce Marseillais bon teint n’est tombé dans aucun travers du capitalisme ambiant. S’il n’a jamais cédé aux propositions mirifiques des fonds de pension, il ne s’est jamais lancé non plus dans des diversifications hasardeuses, trop éloignées de son savoir-faire de base. On lui a souvent proposé de reprendre l’Olympique de Marseille. Il a préféré doubler son chiffre d’affaire en reprenant en 1995 son principal concurrent, le britannique Gardner Merchant, et changer de dimension.

Trois ans plus tard, il récidive et met la main sur la division collective du géant américain Marriott. La messe est dite, Sodexo est devenu une multinationale qui ne sortira de son métier de base que quand son savoir-faire propre, comme il a pu le faire avec les plateformes pétrolières, base-vies dont il est devenu le leader mondial, pouvait lui apporter un avantage distinctif indéniable.

Un discours incroyable devant un parterre de patrons médusés par tant de franchise

Fondateur de l’excellente APM (Association pour le Progrès du Management), ce patron hors pair ne néglige pas pour autant les techniques de management, celles qu’on lui a enseignées à HEC par exemple. Et il sait l’importance de les faire partager au plus grand nombre de dirigeants, ceux qui, nés après guerre, n’ont pas tous pu suivre des études supérieures. Rendons-lui hommage car l’APM joue encore un rôle décisif auprès de 5 000 entreprises pour la bonne diffusion de la gestion.

Le grand sociologue, Michel Maffesoli, n’en parlait encore récemment (voir son entretien sur EntreprendreTV). Pierre Bellon est aussi un homme entier qui ne se paye pas de mots. On se souvient que lors de l’intronisation du président Francois Hollande, il avait prononcé, le 31/08/2012, lors des journées de rentrée du Medef à Jouy-en-Josas un discours incroyable qui reste dans toutes les mémoires devant un parterre de patrons médusés par tant de franchise et d’honnêteté : « Si on applique les promesses de Hollande, la France est foutue… Vous ne créerez aucun emploi », avait-il lancé prémonitoirement au nouveau président de la République ! Un crime de lèse-majesté dans le milieu feutré des grands patrons… Lui ne devait rien ni à personne sauf peut-être à ses collaborateurs.

C’est ce bon sens dont il ne s’est jamais départi allié à une volonté de fer qui permit à ce « petit bonhomme » de devenir un grand. Pierre laisse à sa fille, Sophie, une magnifique entreprise, certes malmenée par cette période Covid. La tâche n’est pas aisée, Sophie vient de revendre le célèbre cabaret Lido (36 M€ de CA) au groupe Accor et de recruter un nouveau directeur général, mais on peut lui faire confiance.

Avec plus de 21 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 422 000 salariés, il reste un des plus grands créateurs de richesse pour notre pays. C’est la treizième fortune de France. Avec 15 Pierre Bellon en plus, notre pays n’aurait plus de chômage. Le problème, c’est qu’il n’y a qu’un Pierre Bellon et qu’il vient de s’éteindre à 92 ans. Faites comme lui. Construisez dans la durée !

Robert LAFONT


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