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Omar Harfouch : itinéraire d’un pianiste doué pour les affaires

Omar Harfouch

Ambiance chic, minimaliste et raffinée. De lourds rideaux évitent les morsures du soleil anormalement vigoureux d’octobre. Dans l’entrebâillement de la porte de ce bureau au parquet sombre menant vers un salon, on aperçoit un immense Basquiat qui part du sol jusque au plafond. L’étage semble avoir été conçu pour abriter ce chef d’oeuvre inattendu. Omar Harfouch vit avec sa femme et sa fille au-dessus de l’étage bureau, dans un duplex qu’il refait entièrement. Les ouvriers sont dans les escaliers. Il m’accueille, droit et courtois avec son sourire immaculé rehaussé par sa peau bronzée. Mince, Omar est devenu cet éternel jeune homme ascétique aux cheveux noirs et désormais courts. Japonisant.



Il est en chaussettes, en tee-shirt blanc de grande marque et pantalon noir. Ses Adidas en peau beige stylées, bien rangées. Assis sur une longue table de réunion chargée d’objets rares, d’invitations des grands de ce monde, il gère sa vie, ses activités et ses combats à partir d’un I phone ou deux.

Parfois, il interrompt notre entretien en s’excusant avec sa politesse si particulière et si raffinée « Pardonne-moi, je dois faire une réponse». Il pianote ensuite pour apporter preuve de ses dires et fouille le téléphone avec précision pour produire ou envoyer des coupures de presses, documents sur la corruption ou photos anciennes. Obsédé par la précision et le vrai. Echaudé par tant d’articles diffamatoires et malveillants. Il me sert lui-même le café, nettoie méticuleusement les miettes de croissant, et répond aux questions.

Georges Ghosn : Peu de gens te connaissent vraiment, et tu as eu le droit à tous les fantasmes des journalistes sur ton essor en Ukraine. Par exemple, on disait que ton père était ambassadeur du Liban en URSS et proche du KGB. Ce qui a aidé à ton ascension avec ton frère.
(Il sourit gentiment et répond).
Omar Harfouch : C’est l’exemple type de légendes fausses qui circulent. Mon père était tout simplement prof chez les Carmélites et Frères de la Salle à Tripoli. Comment un musulman a pu être professeur dans une école chrétienne, car c’était un Juste ; il avait sauvé la vie de chrétiens pendant la guerre civile confessionnelle, il était prêt a mourir à leur place. Ma mère aussi était enseignante et militante pour les droits de la femme musulmane. Bref, pas de piston pour l’URSS et mon père n’a jamais été ambassadeur, mais militant. J’ai été en URSS par choix, et pour faire le conservatoire à partir d’une bourse d’études.

Donc c’est le piano qui t’a conduit en Russie. Comment en pleine guerre du Liban des années 80-90, on atterrit en Russie ? Raconte-moi comment devient-on pianiste et compositeur dans une ville qui n’est pas connue pour la musique. (Tripoli est célèbre pour ses pâtisseries) et son côté rigoriste surtout dans la Mina (vieille ville).
Ma sœur reçoit un piano à la maison. J’étais fasciné. J’ai d’abord joué à l’oreille, je ne connaissais pas le solfège, peu a peu je me suis si bien débrouillé qu’une voisine remarque mes notes et dit à mes parents: « Omar est doué, il faut lui donner des leçons. ». Et c’est comme cela que j’ai hérité du professeur de musique de ma sœur – je ne me souviens plus de son nom, ça va me revenir – (il réfléchit en fermant les yeux)… il s’appelait Michel Haddad. J’ai appris le solfège mais j’ai détesté. J’ai progressé, et j’ai été remarqué par le président de la République Frangieh qui m’a fait jouer à Ehden, (Nord Liban proche de Zghorta, berceau des Frangieh). Notamment pour le baptême de Tony Frangieh, d’où mon surnom de « Pianiste du présidents ».

Tu étais lié aussi par la famille, non ?
Oui « par la main gauche » mais au Liban cela rapproche ; par Katia Sarkis, ma fiancée de l’époque, qui était… la femme du petit-fils du Président.

Quels compositeurs tu jouais ?
Chopin, mais j’aimais aussi la « bande des 5 » de Saint-Petersbourg, (Cela désigne le Groupe des cinq musiciens romantiques à l’époque d’Alexandre II et de l’abolition du servage. Ils prônaient une musique ro-mantique nationaliste loin de la musique occidentale, proche du folklore russe. Alexandre Borodine , Rimsi Korsakoff , Mili Balakriev, Modeste Moussorski, Nicolai Rimsi Korsakoff). Moi-même je faisais des tournées avec Le Groupe des 5 au Liban, il y avait 4 filles et j’étais le seul garçon.

Et Scriabine ?
Il n’en faisait pas partie. J’ai même joué sur le même piano que lui au conservatoire. (Nota : ils étaient tous autodidactes, comme l’était Omar qui a appris seul).

Et comment tu atterris en ex-URSS ?
J’ai gagné – à ma grande surprise – un concours de piano « Concours Radwane El Chahal » organisé par le centre culturel soviétique, à l’ambassade de Russie au Liban. C’était l’époque de Gorbatchev, et la Glasnost qui permettait enfin la circulation de l’information dans le cadre de la perestroïka et la restructuration économique. J’ai gagné et eu droit à une bourse d’études pour le conservatoire. J’étais en pleine dépression, je venais de perdre ma fiancée que j’adorais : Katia, et je n’avais goût à rien, cela venait à pic. J’aurais pu choisir la France ou l’Italie, mais j’étais fasciné par le fameux Groupe des cinq de Saint-Petersbourg, et j’ai donc choisi cette ville en espérant que je ne serai pas muté en Sibérie. Je n’avais même pas de passeport. C’était très difficile dans le Liban en pleine guerre civile, on devait aller à Beyrouth en plein combat pour faire faire son passeport. Grâce à la bienveillance du président, j’ai eu un beau soir mon passeport et un billet pour Moscou « one way » sur l’aéroflot. Départ le lendemain 6 heures du matin a partir de Damas. J’ai écris un petit mot à mes parents pour les tenir au courant et j’ai pris un taxi direction Damas, je n’avais que 150 dollars en poche. A l’arrivée personne, pas de pancarte à mon nom, je n’avais même pas de manteau et septembre était glacial, j’avais mes habits d’été. J’ai passé 4 jours sans sortir de l’aéroport à me renseigner jusqu’à ce qu’une bonne âme veuille bien me guider. Au conservatoire, ils n’avaient aucune trace de ma bourse. Ils se sont renseignés et je tombe par chance sur un syrien pianiste (Ziad Hakim qui traduit et me guide, et m’aide à m’installer).

Comment as-tu fait pour atterrir en Ukraine et rester à Moscou sans passer par la case Sibérie ?
Grâce à la bonne connaissance de Ziad, j’ai réussi à faire une année à Moscou puis on me promet St Petersbourg ou Kiev. Je loge dans une « résidence pour musiciens » et je pense même avoir eu la chambre de Scriabine. J’ai en tous cas joué sur son piano – pas le sien mais celui mis à sa disposition par le conservatoire.

Cela ne me dit pas comment tu atterris en Ukraine…
Mon travail est apprécié, on me remarque et je suis reçu par une fonctionnaire du ministère de la Culture soviétique. Je me souviens de son prénom ; Leyla, et qu’elle parlait parfaitement arabe. Elle m’annonce que dans le cadre de l’ouverture, je serai le premier étranger à être accueilli dans l’une de ses fameuses villes secrètes (où se situaient les usines d’armement ou de missiles). On me propose Dnipropetrovsk, aujourd’hui Dnipro (nota : ex-Ekaterinoslav jusqu’en 1926). On me donne même mon uniforme, à ma grande surprise des jeans et un bandana. Je prends un train pour y aller, stupeur je suis accueilli en héros, avec orchestre, hymne nationale et tous les officiels.

Tu as dû te faire des copains…
C’est ainsi que je suis devenu copain avec le maire, et j’ai aidé des étudiants étrangers à choisir des universités en Russie.

Une sorte de scout pour les universités ?
Oui parfaitement, je touchais je me souviens 100 dollars par inscription. C’est un business que j’ai développé rapidement et qui était compatible avec mes études. Mon statut m’autorisait à avoir des dollars, ce qui a fait de moi rapidement un «riche » dans un pays où la misère était grande.

Le businessman est né à côté du pianiste.
Oui, je suis rapidement nommé vice-président de l’Association Impériale Russo-Palestinienne qui veillait sur les Lieux Saints depuis 1882, créée par le frère du Tsar. J’étais le premier musulman à accéder à ce poste honorifique. J’ai voyagé dans toute la Russie pour développer le placement des étudiants étrangers qui s’inscrivaient une première année à l’Académie diplomatique Eugeni Promkov. J’avais un sauf conduit. Les inscriptions marchent si fort que j’atteint les 100 000 dollars d’économie, ce qui est énorme pour la Russie de l’époque. En 1992, je suis nommé « homme d’affaires de l’année.»

Et je crois savoir qu’ils te faisaient confiance ?
Oui, je suis devenu à leurs yeux un homme de confiance – ou plutôt, en qui on pouvait avoir confiance – car non seulement je gagnais mes dollars, mais j’étais aussi chargé de garder celui des autres et je leur rendais au cent près.

Et comment te retrouves-tu coincé en Ukraine lors de la dislocation de l’ex-empire soviétique ?
C’était en 92 ou 93. Je me réveille en pleine nuit, on m’annonce dans le train que je suis en Ukraine. Sans visa, on me confisque tout l’argent que j’ai sur moi et mon sauf conduit diplomatique Russe. Je n’avais que mon porte-bonheur : 20 francs de l’époque à l’effigie de Debussy qui me plaisait comme musicien.
Je suis lâché pas loin de la frontière et l’on me dit « au bout du chemin à droite ; Moscou, à gauche c’est Kiev. ». Je trouve par chance un camionneur qui accepte de m’emmener à Kiev pour 20FF, c’était Leonid Kravtchouk, ancien Secrétaire du Parti Communiste qui est Président, son mandat se terminait en juillet 1994. Je fais campagne pour le Premier Ministre qui se présente à la tête de l’État indépendant : Léonid Kouchma, il est élu le 10 juillet 94. Il réunit ses supporters pour les remercier, et les voilà qui réclament chacun une part du gâteau : sidérurgie, gaz, minerais, banque, etc… Mon tour arrive et je dis simplement à la surprise générale : une radio FM. Ils m’ont pris pour un idiot sans doute. La radio, il n’y avait que l’AM (grandes ondes et moyennes) et les fréquences de l’armée. Moi j’aimais la radio FM j’en avais crée une à 16 ans et demie à Tripoli : « The Sound of Silence (une chanson culte de Simon and Garfunken). C’est la naissance de radio SuperNova.

Tu as vraiment une bonne étoile car l’explosion des médias et les multiples élections rendent ta radio FM quasi incontournable.
En effet, c’est devenu le lieu de rendez-vous des politiques et des stars, tous les ministres et députés passent par mon bureau. Je signe rapidement avec RFI et je prends leur antenne en Ukraine dans les 3 langues (Français, anglais, russe). Le Quai d’Orsay soutient RFI, j’ai des studios d’enregistrement à Radio France ce qui est le comble du chic pour les politiques Ukrainiens.

Et tu signes aussi avec Canal + les droits du Grand Journal ?
Exactement, plus précisément mon frère a pris la licence en Ukraine de Canal+ «le Grand Journal». Parallèlement, je développe des concours Elite Model Look et j’ai étendu la diffusion en 1997 en organisant l’élection de Miss Europe en Ukraine, et j’ai eu la chance d’avoir Alain Delon comme président du jury, cela a été diffusé dans 21 pays.

Et ce nouveau développement à l’étranger t’as conduit vers l’aventure d’Elite ?
Cela s’est fait par hasard. Elite cherchait à se développer, j’organise donc en Ukraine la finale d’Elite Model Look avec le responsable. Dans le jury, des stars comme Vitali Klitschko boxeur célèbre poids lourd qui a joué dans Ocean 11, il est devenu maire de Kiev, et cela a marché très fort. Je découvre que les sponsors affluent dès qu’il y a un jury honnête, et des filles magnifiques. Je développe le concept de ces concours dans des lieux magiques, depuis 1997, la première est une ukrainienne qui est élue à Nice, suivent ensuite Marrakech, les Pyramides en Egypte. Je crée un business model et le développe ; vendre du rêve, avec un jury prestigieux, de la transparence dans des lieux magiques.

Mais les dés n’étaient pas pipés avec les relents nauséabonds qui entouraient les actionnaires d’Elite – à l’exception de John Casablanca ?
Oui j’en ai souffert car les médias ont fait l’amalgame entre moi qui prônait la transparence et les actionnaires d’Elite. Le documentaire de la BBC aggrave ce scandale. Sont mis en cause certains dirigeants d’Elite de l’époque, de graves accusations sur des abus sexuels circulent ; des mannequins se liguent pour porter plainte pour viol. Les sponsors n’aiment pas ce genre de publicité et ces filles si maigres quasi pré-ado qui défilent et ces histoires qui courent.

Tu te souviens, j’avais compris ta démarche « Je veux laver plus blanc » dès notre rencontre il y a 23 ans et je t’ai ouvert les colonnes de France Soir.
Je t’en remercie encore…, je m’en souviens parfaitement. J’avais décidé de protéger cette belle marque et donc avec un investisseur suisse, nous devions racheter jusqu’à 66 % et plus de l’Agence.

Parle-moi de tes réformes, c’est ce qui va moraliser le métier ; le lecteur doit comprendre comment tu es intervenu. Tu as été injustement accusé, il faut le dire.
Je suis l’homme des réformes: pas de filles de moins de 16 ans, l’autorisation parentale et l’accompagnement de la mère obligatoire, ne plus faire travailler des filles anorexiques. Le jury devait être logé dans un hôtel différent pour éviter le mélange des genres. Cela a porté ses fruits et 2000 a été l’année du retournement.

Le public n’avait pas compris avec toute cette boue ton rôle de justicier et l’amalgame était facile. Et 20 ans après, certains dirigeants sont rattrapés par des plaintes et des poursuites en France et Grande-Bretagne. Les faits semblent prescrits mais te donnent raison. Raconte-nous comment tu avais donc acquis les parts de John Casablanca, le seul honnête homme de la bande d’après moi.
J’ai acquis les parts de John Casablanca au Stresa, célèbre restaurant italien de la rue de la Tremoille. « C’est trop » me dit John l’honnète quand il a vu mon chèque. Moi je fonce selon mon business plan ; je veux une belle finale à Genève, à la Réserve et les sponsors affluent, près de 7 millions de dollars pour une finale. Mes réformes au pas de charge sont payantes. Effrayés et surtout jaloux du succès de la Finale à Genève, les actionnaires m’offrent une somme incroyable pour que j’arrête l’épuration (qui se rapprochait d’eux) et surtout ils ne voulaient surtout pas que j’apparaisse victorieux à la finale de Genève qu’ils voulaient présider sans moi. Ils m’offrent donc une très belle somme que j’accepte et voila l’aventure terminée, ils ont vendu des lo-caux et alourdi la barque pour payer cette somme, ils ont ensuite déposé le bilan.

Tu as continué à militer pour la réforme du métier comme récemment auprès du parlement européen, tu as sensibilisé les femmes parlementaires à l’évolution de la loi anti-harcèlement.
J’ai été reçu il ya un an et demi par les parlementaires européens avec 15 ex- mannequins qui ont souffert de ces assauts sexuels. Nous essayons notamment d’agir sur la prescription. J’ai même publié un livre sur le sujet, « la moralisation du métier du mannequinat » qui fait référence, il fut nommé l’un « des 5 meilleurs ouvrages sur la Mode ». Et j’ai créé un site web pour aider les jeunes mannequins à éviter les dangers.

Comment as-tu vécu cette célébrité, au début mal gagnée pour cause de diffamation, puis tu fais une émission qui te fait connaître ?
Oui, j’ai participé a une émission de télé-réalité sur TF1 :« Je suis une célébrité, sortez-moi de là ». Il y avait des stars du moment comme Virenque, vainqueur du Tour de France, Philippe chanteur des To be 3, c’était en 2006.

Et cela t’a apporté quoi ?
Je n’ai pas aimé la célébrité, m’obliger à être gentil avec tout le monde, faire des bises sur commande et des selfies, tout le monde te tutoie comme si tu leur appartenait.

C’est là que commence ta mutation, de la lumière vers l’ombre. Et il manque une femme. Cherchez la femme dit-on car derrière tout grand homme…
C’est l’année ou je me défais de tout le superflu, plus de cuisinier, de chauffeur 24h/24. Je détestais avoir une fiancée par jour. C’est là que je rencontre Yulia dans un défié de Vivianne Westwood, au Musée Renoir, je sais que c’est « elle ».

Comment t’es-tu distingué ? Comment as-tu attiré son attention, elle qui a une réputation de femme très sérieuse ?
Je lui dis simplement: « Tu ne me connais pas mais laisse-moi ma chance, on va se parler, mieux se connaître.» Nous parlons par Skype, elle habite New-York, je m’y installe et je la suis pas à pas, manage sa carrière. Les gens s’étonnaient de me voir car j’étais connu. Mais je me faisais discret, nous commençons notre relation. Je l’épouse à la mairie du 17e arrondissement, nous avons été mariés par le préfet Thierry Coudert, adjoint au maire et mon témoin de mariage est Roland Dumas, mon mentor en politique.

Et c’est aussi ta partenaire dans le business.
Plus que jamais. C’est une top qui connait bien tous les couturiers et les grands créateurs, elle a un bon œil pour les créations inédites et quand il y a eu la Covid j’ai créé une société avec elle en France pour le contenu qui n’arrivait plus à l’époque de la Covid. Les défilés étaient prohibés ou bien on ne pouvait y assister de tous les coins du monde, et donc Yulia, mon épouse sélectionnait et faisait le stylisme pour les grands magazines mondiaux. Ses choix sont très appréciés, le chiffre d’affaire depuis 3 ans a triplé. Elle a la confiance de nos clients et ses choix sont judicieux. Elle fera aussi la direction artistique de la chaine HD Fashion que j’avais eu en Ukraine et qui n’émettait plus.

J’ai appris que la presse indépendante a été stoppée par l’Ukraine en guerre.
Bonne nouvelle, on vient de m’autoriser à migrer certains médias à Dubai et HD Fashion aura son lancement mondial en janvier prochain. Et Yulia assure les choix artistiques.

Avant d’aborder le dernier volet qui es ta lutte anti-corruption au Liban, tu ne veux rien me dire sur une acquisition que tu sembles mener dans les médias en France ?
Je préfère que cela soit concrétisé mais tu seras le premier avec les lecteurs d’Entreprendre à savoir.

Revenons au Liban pourquoi ce retour aux sources ? Tu es en France et en Ukraine et Dubai, cela ne te suffit pas ?
Le Liban ne m’a jamais quitté au fond. D’abord Yulia est très « famille « et veut renouer tous les liens des parents de Gustavia au Liban, les cousins, les parents proches ou éloignés à Tripoli. Nous avons été les voir, d’autant que j’ai repris ma carrière de pianiste compositeur. Cela commence au Liban par des concerts à Tripoli et au Sérail (Palais de Gouvernement) à Beyrouth. J’ai joué à l’ambassade de France, à Riyad en Arabie Saoudite et au Louvre d’Abou Dhabi, j’ai aussi joué au Festival de Cannes et au Sénat. Revenons à Tripoli, nous avons été choqués par l’odeur nauséabonde des déchets accumulés et du scandale du ramassage des ordures, parmi tant d’autres… J’ai donc décidé de me présenter aux législatives, avoir des discussions, parler de mon programme, de la lutte anti-corruption et surtout l’élection du Président au Suffrage Universel, et arrêter le confessionnalisme dans les élections législatives et la répartition des postes clé au Liban. Mon siège à Tripoli dépend d’une liste qui est un panachage de confessions ; un candidat maronite, un candidat grec orthodoxe, etc… et je suis « le sunnite de service. ». Il n’y a pas de vote pour le plus méritant mais un encouragement aux dynasties de petits chefs tribaux des confessions dominantes. Regardons les résultats ; j’ai eu 1000 voix, non élu ! Et le candidat d’une autre confession à 300 voix est élu – car il faut sa être élu dans sa propre confession pour le panachage des 9 candidats de la liste.

Il semblerait que tes discours ont eu de plus en plus de succès.
C’est vrai, avant dans mes meetings je faisais 500 à 1000 personnes, rapidement j’avais des auditoires de 6000 personnes.

Et cette histoire d’attentat ? Réelle ?
Oui, j’ai entendu des tirs, une journaliste française des Echos qui suivait ma campagne a témoigné, elle a porté plainte car blessée à la tête. Et il y avait des mercenaires et hommes de main un peu partout sur le parcours.

Et cela s’est terminé comment ? Si tu n’as pas été élu, c’est que tu n’as pas voulu …
Payer… Exactement tu l’as dit. Certains partis avaient amassé un argent fou et le vote à la fin se payait entre 500 et 900 usd. J’aurais pu payer mais n’ai pas voulu. C’est contre mes principes et ce pourquoi je me bats. Mon but était un tour de piste, me faire connaître par mon programme et mes idées, expliquer le changement qui peut transformer le pays. Acheter les électeurs ce serait facile, mais payer c’est accepter cette réalité néfaste.

Et tu milites pour abroger la loi sur l’héritage confessionnel.
Par exemple, je n’ai que des filles. Elle ne peuvent hériter au Liban, cela ira en cas de ma disparition à mon frère ou à mon neveu mâle. Il y aussi le problème du divorce. La garde des enfants même en bas-âge va au père, c’est injuste. Il y a également le problème de la nationalité que la femme ne peut transmettre ni à ses enfants ni à son époux.

Et tu étais sensible au problème palestinien, je t’avais parlé des accords du Caire qui ont injecté 500 000 palestiniens mais sans droits.
Oui, je suis sensible à ce problème – Ces palestiniens qui croupissent dans les camps depuis 1969 et qui ne peuvent travailler. Je propose de leur accorder la nationalité libanaise et qu’ils participent à l’essor du pays.

Tu as fait parler de toi au pays en t’attaquant au patron de la Banque du Liban.
Il aurait favorisé semble-t-il un hold-up sur l’épargne des petites gens, je voulais soutenir la procureure du Mont Liban, Ghada Aoun si courageuse. J’ai voulu modestement, à côté de gens plus compétents comme Ghada Aoun, faire toute la lumière sur l’argent volé. Combien, où et par qui ?Je salue aussi l’œuvre de l’avocat William Bourdon et Sherpa son association qui a aidé a faire la lumière, et a permis une prise de conscience sur la situation libanaise, et a fait poursuivre les responsables, comme elle l’avait fait avec les dirigeants syriens et africains qui avaient pillé leur pays. Nous avons produit les preuves irréfutables de la trace de 10 milliards de virements illégaux favorisant les chefs religieux et les chefs de parti. La justice européenne a retenu les faits de blanchiment aggravé en bande organisée.

J’ai vu que là encore, ta démarche a été incomprise et que certains journalistes peu curieux ont été hâtifs dans leurs conclusions.
Oui, alors que je dénonçais les délits supposés du gouverneur de la Banque Centrale que j’ai appelé « caissier de la mafia libanaise », il aurait « arrangé » les ministres corrompus, les députés qui pouvaient faire des virements alors que le commun des mortels libanais n’avait droit à rien.

Et tu as gagné quoi sinon risquer ta vie ?
Je ne cherchais pas à obtenir un succès (pourtant tout le monde en a parlé), j’ai surtout fait mon devoir de citoyen libanais qui dénonce la corruption. Je suis même étonné que tous ces beaux esprits qui dénoncent sur les réseaux sociaux ne font rien contre des corrompus . Moi j’ai agis modestement et en mon âme et conscience, mais mon action reste minuscule à côté de l’action de gens remarquables comme Ghada Aoun ou William Bourdon qui ont tout le mérite. Et moi aussi, j’a eu des avancées : ma conférence de presse au Patriarcat Maronite témoigne d’un début de changement. Avant, les chefs religieux protégeaient les politiciens de leur confession, chacun les siens. Ils protégeaient les corrompus et les rendaient immunisés. Pour la première fois, le Patriarche a lâché Riad Salamé, le gouverneur de la Banque du Liban et a établi une jurisprudence. Il m’a autorisé à faire cette annonce. Ne plus protéger les gens accusés de corruption, c’est un bon début.

Depuis les accords de Taeif, rien n’a changé au pays du cèdre ?
Taief a été l’amnistie pour les chefs de guerre et leur tribu ; et ils ont volé les dons des pays donateurs ; la France, l’Arabie, les Emirats, le Quatar etc… Hariri, le premier ministre assassiné, les a invité à reconstruire le Liban et Beyrouth et le vol s’est blanchi, il est devenu propre, institutionnalisé. Nous avons produit des documents irréfutables qui ont permis de retracer le chemin des transferts illégaux, et l’avocat William Bourdon est à mes côté dans cette croisade.

Et ta récompense serait-t-elle aussi ta récente nomination comme Président d’Honneur de l’ONG « Dialogue et Diversité », elle est affiliée au parlement européen !? Tu as le droit enfin à un peu de reconnaissance.
C’est honorifique, mais cela permet d’avoir une tribune à Bruxelles. Cette ONG est affiliée au Parlement Européen. En outre c’est la première fois qu’un non judéo-chrétien accède à ce poste. Cela va me permettre de sensibiliser les élus européens, comme j’ai pu le faire au sénat américain, j’ai été accueilli par Nancy Pelosi, et par des membres de la commission des Affaires Etrangères.

Beau parcours, et ce n’est que le début. Maintenant peux-tu nous dire quel média tu as acquis ?
Je le dois bien aux lecteurs d’Entreprendre. J’ai acquis ce week-end « Entrevue », le magazine de Thierry Ardisson, qui a frôlé les 700 000 exemplaires. Je vais le relever, et le rendre plus haut-de-gamme, c’est un challenge en France, pays que j’aime et je vais m’y impliquer.

Propos recueillis par Georges Ghosn


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