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Non, Monsieur le ministre, les marges ne créent pas d’inflation !

Photo Raphael Lafargue/ABACAPRESS.COM

Par Simone Wapler, auteur de « Money, Monnaie, Monnaies » chez JDH EDITIONS.

La hausse des prix à la consommation s’incruste. Les prix alimentaires ne baissent pas, tout comme ceux de l’énergie. Les marges des industriels sont pointées du doigt par le gouvernement et une presse complaisante. Mais le problème vient surtout de l’interventionnisme brouillon de ce même gouvernement.

Christine Lagarde a récemment indiqué que la hausse des prix à la consommation ne sera pas facilement déracinée. L’inflation pour esprits purs (les êtres qui ne s’alimentent pas et ne consomment pas d’énergie) s’affichait dans l’Eurozone encore entre 5,3% et 5,6% en avril. L’indice des prix pour les êtres normaux s’affiche quant à lui à 6,1% en mai.

Dans ce domaine, une mauvaise terminologie entretient la confusion. L’inflation est un phénomène strictement monétaire (augmentation de la masse monétaire déconnectée des produits et services disponibles). La hausse généralisée des prix est la conséquence de l’inflation monétaire et ne devrait donc pas être appelée « inflation ».

En début d’année 2023, nous avions eu droit à beaucoup d’initiatives et d’opérations de communications du Premier ministre. Bruno Le Maire a convoqué à une table ronde les acteurs de la grande distribution pour faire baisser les prix dans les rayons de supermarché. Nous avons été gratifiés du « trimestre anti-inflation ».

Pourtant, n’importe qui est capable de comparer les prix sans avoir besoin d’étiquettes spéciales et personne n’est obligé d’acheter des produits des grands industriels. En revanche, on ne peut pas en dire autant des biens ou services que l’État contrôle comme – au hasard – les transports publics, l’énergie, les soins de santé l’assurance maladie, l’enseignement… Dans tous ces domaines les prix montent (puisque même « gratuit », ces biens ou services sont financés par les impôts ou les taxes) tandis que la qualité baisse.

Mais qu’importe, on allait voir ce qu’on allait voir nous disait-on…

Voici le graphique que publiait Le Figaro le 7 juin :

Dans le même temps, l’énergie importée (gaz et pétrole) – ingrédient indispensable à l’industrie – a retrouvé ses niveaux d’avant-guerre en Ukraine sur les marchés internationaux. Le baril s’affiche sous 80$ et le gaz sous 29 € le MWh.

Les prix sont têtus mais Bruno Le Maire connaît les coupables : les industriels de l’agroalimentaire qui afficheraient des marges insolentes selon les derniers chiffres de l’INSEE[1] ! Le taux de marge brut du secteur est à plus de 48%.

Danone, Nestlé et consorts : salauds de profiteurs ! Bruno Le Maire les convoque et nous allons voir ce que nous allons voir.

Les marges dans un secteur concurrentiel sont bienvenues

Il est probable que comme avec les distributeurs nous ne voyions rien.

Voici un graphique publié par Le Figaro à partir des chiffres INSEE et annoté par mes soins (traits en noir) :

Le grand triangle en pointillé représente la baisse des marges des industriels de l’agroalimentaire entre 2021 et 2022. Durant cette période, les prix sur les marchés internationaux des fournitures achetés par l’industrie ont augmenté (énergie, blé, sucre, café, chocolat, …). Mais ces hausses ne pouvaient être totalement répercutées sur les prix de vente aux distributeurs qui font l’objet de contrats annuels.

Le petit triangle en trait plein représente la hausse des marges en 2023. Durant cette période, les prix sur les marchés internationaux des fournitures achetés par l’industrie ont baissé. Et des hausses de prix avaient été négociées en fin d’année 2022. Les marges se sont donc bien redressées.

Est-ce scandaleux ? Certainement pour des bureaucrates qui n’ont jamais rien fabriqué ni vendu de leur vie mais pas pour n’importe quel entrepreneur.

De la trésorerie a été perdue. Tout entrepreneur avisé, confronté à une telle situation, est attentif à récupérer le manque à gagner. Le niveau de marge ne devrait donc retrouver sa moyenne que lorsque la surface du triangle noir sera devenue égale à celle du triangle en pointillé. Ce qui – sous réserve que les prix des matières premières ne s’enflamment pas à nouveau – prendra probablement le reste de l’année 2023.

Il parait douteux que Nestlé, Danone, et autres grands groupes internationaux obéissent aux injonctions de Bruno Le Maire qui semble aussi oublier que le marché français ne représente qu’une petite part de leurs d’affaires.

Le fait que des entreprises dégagent de bonnes marges dans des secteurs concurrentiels n’a jamais été source de hausses de prix.

Lorsque les prix à la consommation chutent durablement, c’est toujours sous l’effet d’une saine concurrence saine, jamais en raison des politiques d’ingérence économique.

En revanche lorsque les prix à la consommation augmentent à l’unisson, c’est toujours en raison de politiques monétaires expansionnistes comme je le rappelle dans mon dernier livre, Money Monnaie Monnaies : Du sumérien au bitcoin : dettes et crises monétaires.

Le vrai problème est que personne n’est capable de prédire quand l’inflation monétaire se transforme en hausse des prix généralisée. C’est une question psychologique et les individus ne sont pas les petits Playmobils, les fourmis ou les abeilles indifférenciées que se plaisent à imaginer les technocrates. Même ceux qui à leurs heures perdues écrivent des romans comme notre brillant ministre de l’Economie…

Simone Wapler
Auteur de « Money, Monnaie, Monnaies » chez JDH EDITIONS.


[1] https://www.insee.fr/fr/statistiques/7627496?sommaire=7615402


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