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Médias : les vérités de Jean-Claude Bourret

Même s’il n’est plus en activité, il reste l’un des journalistes les plus populaires du petit écran. Il fut l’un des présentateurs vedettes des JT de TF1 avant de devenir l’un des visages emblématiques de l’ex-Cinq. Dans son excellent ouvrage coécrit avec Bérangère Danigo, « La Cinq. L’histoire secrète », Jean-Claude Bourret nous emmène dans les coulisses de cette chaîne qui révolutionna le petit écran entre 1986 et 1992. Avec une multitude de révélations et d’anecdotes inédites.

Jean-Claide Bourret (Nasser Berzane/ABACAPRESS.COM)

Pourquoi avez-vous décidé de publier ce livre-document sur l’histoire de la Cinq ?
Parce que deux millions de Français ont soutenu notre combat pour essayer de sauver cette chaîne. Je leur devais les coulisses d’un combat perdu d’avance, mais où les coups fourrés entre capitalistes ont été multiples !

Quel souvenir gardez-vous de votre expérience sur la Cinq ?
Une rédaction jeune puisque la plupart des journalistes avaient moins de 30 ans avec un investissement sans compter des jeunes confrères. Nous avons eu deux morts et six blessés sérieux en moins de 5 ans ! Mais je me souviens aussi du plaisir à travailler en toute liberté avec un matériel ultra moderne que Silvio Berlusconi avait financé avec Robert Hersant.

Pourquoi aviez-vous choisi de vous lancer dans cette aventure de la Cinq ?
À 45 ans, j’avais fait le tour de ce qu’une grande chaîne de télévision comme TF1 pouvait proposer J’avais travaillé douze ans sur la Une. J’avais pu créer pas mal de nouveautés comme le tour de France des plages, la météo vue par satellite ou la première télé du matin, intitulée « Bonjour la France en 1984 », le journal de six minutes ou les premiers reportages avec des mini caméras d’amateur. La Cinq, avec ses nouvelles technologies, allait me permettre d’aller encore plus loin !

Est-ce qu’on peut dire que la Cinq a inventé une nouvelle forme de télévision ?
Il suffit de rappeler une émission comme « Duel sur la Cinq » : deux débateurs sur un thème mobilisateur comme, par exemple, l’immigration avec un présentateur, qui laisse s’exprimer les deux invités sans intervenir. Deux sabliers de deux minutes, qui permettent à chaque débatteur d’avoi deux minutes de tranquillité pour exposer ses arguments et le vote des téléspectateurs en fin de débat, tout cela était véritablement révolutionnaire ! La preuve ? Les gouvernements, de gauche comme de droite, ont fait pression sur le groupe Hachette de Jean-Luc Lagardère, les nouveaux actionnaires à partir de de 1990, pour supprimer « Duel sur la 5 » ! Mais il y a eu aussi un magazine comme « Urgences ». C’était un concept simple, repris depuis dans le monde entier avec un journaliste, seul, doté d’une petite caméra, qui restait pendant une semaine, jour et nuit, avec les pompiers, les policiers, les gendarmes, les médecins ou les sauveteurs et qui rapportait souvent des images extraordinaires…

Quelles sont les émissions qui ont marqué la Cinq selon vous ?
Je pense à « Duel sur la Cinq », « Urgences » ou « Face à France » présenté par Guillaume Durand. Je veux aussi mentionner toutes les retransmissions sportives, notamment le rallye automobile Paris-Dakar et les courses de Formule 1, la météo vue de satellite, une vraie révolution, sans oublier les émissions du vétérinaire Pierre Rousselet Blanc sur les animaux.

Pourquoi la Cinq n’a pas pu continuer ?
Pour une raison simple : nous avions beaucoup moins d’émetteurs que les chaînes historiques, c’est-à-dire TF1, France 2 et France 3 qui disposaient chacune de trois mille émetteurs, tandis que la Cinq n’en avait que 700, donc environ quatre fois moins, donc beaucoup moins de téléspectateurs, donc des publicités vendues moins cher et par conséquent un accroissement rapide du déficit de la Cinq.

Quelles étaient vos relations avec les grands patrons de la Cinq que furent Silvio Berlusconi, Robert Hersant et Jean-Luc Lagardère ?
Je détaille ces moments extraordinaires dans mon livre témoignage. Les rencontres en tête à tête avec ces puissants industriels, en connexion étroite avec le pouvoir politique, ont marqué ma vie. Je révèle pourquoi Jean-Luc Lagardère voulait absolument sa chaîne télé.

Est-ce que la Cinq reste le plus grand moment de votre vie de journaliste ?
Ce fut, en 1992, le combat de ma vie. Deux millions de Français à mes côtés dans l’association de défense de la Cinq, deux millions qui m’ont écrit. Mais d’autres millions de Français étaient solidaires de notre combat, mais hélas perdu d’avance face à la collusion entre les actionnaires et le pouvoir politique.

Que pensez-vous de la télévision d’aujourd’hui en général et des chaînes d’informations en particulier ?
Nous savions en 1992, que nous avions besoin de la publicité pour vivre maintenant la publicité est la maîtresse des chaînes…

Quels sont les animateurs et animatrices ou les journalistes que vous appréciez ?
Ceux qui n’utilisent jamais le détecteur de mauvais animateur mais bon manipulateur et ce détecteur, c’est la phrase « on va y revenir » !
Une phrase clef, qui indique, que l’un des invités était en train de faire une révélation intéressante que le journaliste animateur a redouté, il coupe donc la parole à celui qui commençait à nous éclairer avec le célèbre et fréquent « on va y revenir… », ce qui est pour moi le détecteur d’un mauvais animateur complice du gouvernement ou de son actionnaire !

Que pensez-vous de la révolution de l’information avec internet, les réseaux sociaux, les téléphones portables ou l’intelligence artificielle ?
J’ai écrit il y a sept ans un petit scénario sur le thème : comment l’intelligence artificielle va détruire l’homme. Nous en sommes très près. L’IA (intelligence artificielle a fait des progrès colossaux et ne cesse de se perfectionner. Il y a dans le monde, notamment au Japon, des chaînes ou le présentateur est un « journaliste virtuel » C’est la fin du métier de journaliste : les capitalistes, propriétaires des chaînes de télévision, vont utiliser cette possibilité technologique.
Elle permet de réduire considérablement les coûts et de maîtriser exactement, ce que le présentateur virtuel doit dire aux foules à manipuler. L’idéal, pour ceux qui nous dirigent ! Il restera alors les réseaux sociaux ou l’on trouve le meilleur, mais souvent le pire.

Propos recueillis par René Chiche


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