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Médias : la tentation de Bernard Arnault

La prise de participation du patron de LVMH, même minoritaire (10% de Webedia via Agache, le holding de la famille Arnault), au capital de Webedia, le plus grand groupe français d’information numérique (660 millions d’euros de chiffre d’affaires, 2650 salariés, 40 millions de visiteurs uniques), annoncée par Le Figaro, si elle se confirmait, serait tout sauf anecdotique.

Le PDG du groupe de luxe LVMH, Bernard Arnault, participe à l'événement Life 360 Summit, à la Maison de l'UNESCO, à Paris, France, le 14 décembre 2023. Le groupe LVMH dévoile les résultats des indicateurs environnementaux couvrant l'ensemble de la chaîne de valeur (scope 3) et présente les objectifs fixés pour les années 2023, 2026 et 2030. Photo par Aurelien Morissard/ABACAPRESS.COM

Webedia, présidé par Véronique Morali (et dirigé par l’excellent Cédric Siré), détient des sites leaders : PurePeople, AlloCiné, easyvoyage – fondé par Jean-Pierre Nadir -, et elle vient de mettre la main sur Le10Sport de Michel Moulin.

Propriété du patron de Fimalac, Marc Ladreit de Lacharrière, ce dernier avait cru longtemps pouvoir conclure avec le groupe Bolloré et Vivendi. Mais le prix fixé de plus d’un milliard d’euros pour Webedia a fini par faire reculer le milliardaire breton d’autant qu’en face, le groupe Arnault n’est pas en reste. Convaincu des perspectives de croissance d’un acteur puissant comme Webedia, Citizen Arnault pourrait le transformer en géant francophone mondial en s’appuyant sur l’expertise digitale des équipes d’Aglaé Ventures.

Quand on connaît la détermination du magnat du luxe, quand il débarque dans un secteur, ce n’est pas pour rester un simple challenger. On le voit actuellement dans ses nouvelles activités avec des marques fortes comme l’horlogerie (Hublot), le vin rosé de Provence (Minuty) ou l’hôtellerie de prestige (Cheval Blanc).

Dans le secteur des médias déjà fragilisé par l’essor du numérique et le transfert massif des recettes publicitaires vers le digital, l’offensive de l’entrepreneur le plus riche d’Europe ne fait sans doute que commencer. Rappelons qu’outre Les Échos, Le Parisien, Connaissance des Arts, Radio Classique et 40% de Challenges, le propriétaire de la maison Dior et de Givenchy étudie actuellement de nombreux dossiers de reprise et pourquoi pas précisément celui du quotidien Le Figaro, au moment même où la famille Dassault vient de placer Éric Trappier à la place de Charles Edelstenne pour présider son holding de tête GIMD. Sans doute encore une rumeur…

Elle est à mettre en perspective avec la montée en puissance d’autres grands capitaines d’industrie aujourd’hui à l’œuvre dans notre pays dans la communication. Daniel Kretinsky (Elle, Télé7jours, Marianne…), Patrick Drahi (RMC, BFM), Vincent Bolloré (Canal, Vivendi…), Christian Latouche (Sud Radio, Lyon Capitale…), Rodolphe Saadé (La Provence, La Tribune…), ou Xavier Niel (Le Monde, Nice Matin, France Antilles…). Ce dernier, ne l’oublions pas, candidat déclaré au rachat de M6, est aussi à la ville le compagnon d’une certaine Delphine, fille de Bernard Arnault.

Les grandes manœuvres n’ont donc pas fini d’opérer dans ce secteur si stratégique. Raison pour laquelle nous continuons, à notre niveau, d’œuvrer pour maintenir l’intégrité et la viabilité d’un éditeur comme Entreprendre Lafont presse, resté premier groupe de presse français indépendant, et côté sur Euronext Growth. N’étant pas les plus puissants, notre liberté de mouvement reste essentielle dans un monde de concentration accrue. Rappelons ici le principal de notre ligne directrice : concurrence, liberté, souveraineté et prospérité de la France dans une Europe indépendante.

Reste à savoir si la montée en puissance de Bernard Arnault dans le secteur des médias va coïncider avec une volonté concomitante de mainmise accrue sur les rédactions. Et réussir à mieux coller à une ligne plus proche des convictions de l’empereur du luxe ; ouverte, libérale, et mondialisée. Ce ne serait pas choquant, c’est ce qui se passe dans de nombreux pays à commencer par les États-Unis avec par exemple un Rupert Murdoch.

Après tout, le succès actuel de la stratégie menée par un Vincent Bolloré avec une ligne rédactionnelle de ses médias (JDD, Europe1, Paris Match ou CNews) ouvertement affichée à droite, peut donner des idées. Et il n’est pas exclu que Bernard Arnault ne recherche lui aussi à peser davantage sur les contenus de ses titres. Ce ne serait pas choquant à condition de respecter la déontologie journalistique et l’honnêteté intellectuelle. Ce que l’on ne peut pas lui reprocher.

Le vrai danger pour nos médias dans l’avenir est moins de s’engager clairement que de le faire subrepticement comme le pratiquent de façon éhontée France Inter ou France Info. Un service public que Rachida Dati veut faire chapeauter par un même holding de tête. Une solution qui pourrait permettre de céder dans l’avenir quelques chaînes publiques (France 4 ?) au privé et renforcer la qualité de nos chaînes publiques. On en a besoin ! À suivre…

Robert Lafont


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