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L’Express est-il le combat de trop pour Alain Weill ?

(Photo Eliot Blondet/ABACAPRESS.COM)

La recomposition des groupes médias n‘en finit pas. Et l‘ancien patron de Nextradio n’en finit pas de vouloir terminer son parcours d’entrepreneur à succès en beauté. Après l’hôtellerie de prestige, l’ex- homme de radio s‘escrime à vouloir prouver qu‘il est aussi un homme de l’écrit.

J‘ai connu Alain Weill avant qu‘il ne le devienne connu. Lorsqu’ à 40 ans , il rongeait son frein , en tant que bras droit de l’énergique fondateur de NRJ, Jean-Paul Baudecroux. Un réseau leader de radios musicales qu‘il a toujours rêvé de reprendre sauf qu’il n’a jamais été vraiment mis en vente à ce jour. Baudecroux , entrepreneur malouin et corsaire de tempérament , héritier de la maison de rouge à lèvres « Rouge Baiser » , n‘est pas homme à céder à la facilité.

Lorsqu‘on a démarré pionnier des radios libres en 1981 dans un deux pièces cuisine à Montmartre , on ne se fait pas cueillir au coin du bois de la sorte. La ficelle est un peu grosse. J‘en parlais récemment avec Marc Scaglia ( par Facebook interposé ) , animateur radio de la belle époque , sur « Radio Show  » pour ceux qui s‘en souviennent.

Lui , n‘a pas eu droit aux autorisations administratives du CSA de l’époque. Comme quoi, la fortune tient parfois à un fil, voire a un coup de fil : celui de Jack Lang en l’occurrence, grand ami des radios libres , de NRJ et de son égérie montmartroise d’alors , une certaine Dalida dont certaines mauvaises langues disent aujourd’hui qu’elle aurait eut un flirt avec François Mitterrand. On ne prête qu’aux riches. Le président de la gauche unie disait ne pas les aimer pas les riches ; mais il les fréquentait beaucoup ; Jean Riboud , André Rousselet ou bien d‘ autres.


N’oublions pas non plus que Baudecroux doit le succès de son empire radio à la formidable extension de son réseau en province. N’hésitant pas à crapahuter sur place, dans les boites de nuit, pour convaincre un à un les petits labels musicaux indépendants de la fréquence libérée. Un vrai engagement.

Alain Weill en a-t‘il pris ombrage ? C‘est possible. Jeune , notre premier de la classe rêvait de devenir journaliste radio. L’Alsacien passé par la fac et l’ISA (le troisième cycle d’HEC) ne l‘est pas devenu , mais il a constitué la plus belle des réussites en la matière. RMC ef BFM ont même damé le pion à tous les sceptiques du PAF qui continuaient d’avancer que  » tout avait été fait et déjà essayé ! ». Weill avait beau
passé tous ses étés à sillonner les États- Unis durant ses vacances pour pouvoir en rapporter le meilleur des émissions radio qui marchent. C’est tout à son honneur. Les autres , RTL ou Europe 1 en tête , n’avaient qu’à faire comme lui : s‘en inspirer .


Lorsqu’il a repris BFM en 2002 à Jacques Abergel et Jacques Berrebi ; peu croyaient en sa réussite ! On connaît la suite.

Par la suite, en rejoignant en 2017 au bon moment Patrick Drahi , le président fondateur d‘Altice , notre Rastignac de la fréquence hertzienne avait certes touché le pactole (220 M€?) mais perdu un peu de sa superbe. Citizen Weill allait- il devenir Alain le rentier … ?

C’était mal le connaître. Tant il est difficile , quand on goûté à l’aventure d’entreprendre , de rentrer dans le rang , surtout à 55ans.
C‘est très exactement ce qu’il ne fit pas. D‘abord, histoire de se faire plaisir. Jeune , Alain n’avait-Il pas l’habitude de passer ses vacances d’été non pas à Saint-Tropez , peut-être trop cher , mais juste à côté ? A la Croix- Valmer , une station balnéaire du Var moins prestigieuse , moins fréquentée de la Jet- Set mais au site tout aussi enviable. Un cadre paradisiaque avec ses criques, ses pinèdes , ses rochers et ses plages au large horizon. C‘est là précisément qu‘une fois fortune faite, notre homme décida de s’installer et de se relancer. L’idée était toute trouvée ; bâtir le plus bel hôtel de la côte : « Lily of thé Valley « , un établissement tendance 5 étoiles… avec vue plongeante sur l’azur.
De quoi donner des sueurs froides à Bernard Arnault ou Stéphane Courbit , qui , tous deux , ont repris à prix d‘or à Saint -Tropez , la station voisine , respectivement les palaces de la  » Résidence de la
Pinède « ( Cheval Blanc ) ou le « Château de la Messardiere » ( Airelles ) …

Le projet fut rondement mené. Au moins, Alain Weill a-t’il pu se hisser dans les catégories des magnats qui comptent. Il a même racheté deux autres hôtels, trois restaurants avant d‘ouvrir  en 2022 un autre établissement  » Lily of the Valley « dans la station de ski huppée de Courchevel dans les Alpes dans un établissement haut -de-gamme de 700 m2 ,

Un superbe parcours pour un entrepreneur qui a quasi tout réussi dans sa vie sauf précisément dans le secteur difficile de la presse écrite. Cela ne marche pas , presqu’une malédiction ! En tant que patron de BFM , n’a-t-il pas déjà essayé de relancer en son temps « La Tribune » ( revendue à Atalian ) , En sport , il a bien essayé en 2008 de damer le pion à » l‘Equipe « en s’associant au tempétueux Michel Moulin pour lancer le quotidien « Le 10 Sport « . Une aventure qui tourna court. Moulin accusant le groupe Amaury , via un retentissant procès , d’avoir fait pression sur le réseau de kiosquiers afin de ne pas distribuer son journal.

En tant qu’éditeur de presse , je peux confirmer que les NMPP ( France Messagerie aujourd’hui ) au lieu de favoriser la concurrence en matière de presse sportive quotidienne n‘avaient pas tellement envie , allez savoir pourquoi , de faciliter l’arrivée d’un nouveau challenger. ( en 2009, Entreprendre Lafontpresse lança également en kiosques « Le Quotidien du Foot  » publié pendant 8 mois avant de devoir renoncer. Le titre est devenu aujourd’hui un site d’information généraliste ( Lequotidiendusport.fr )
C‘est la vie ou presque. On parle beaucoup de concurrence , mais dans les faits , on ne la favorise guère.
En matière de presse , Weill eut le mérite de ne jamais se décourager.

Ainsi , lorsqu’il eut l’occasion en 2019 de reprendre l‘hebdomadaire « L‘Express »à Patrick Drahi. Il ne se fit pas prié. Poussé par l‘essor de la presse en numérique et ébloui par la réussite internationale de « The Economist  » ; notre homme a voulu récidiver avec un média francophone d’envergure. L’idée avait de quoi séduire. Sauf que la presse news française est déjà surencombrée ; du Point à L’Obs , de Marianne à Valeurs Actuelles. Les titres existants piétinent et surtout les moyens d’investigation de  » L’Express » restent sans commune mesure avec ceux son homologue britannique , propriété d‘Agnelli , avec une rédaction de 130 journalistes permanents à travers le monde. Avec des chiffres en berne , ( 80 000 abonnés – 10 000 de moins qu‘en 2020- , 20 000 numerique -stable – et à peine 12000 exemplaires ventes hebdomadaires en kiosques ) Alain Weill s‘obstinera-t‘il ? C‘est dans son tempérament , mais il devra aussi compter avec des concurrents plus puissants et qui n‘ont pas fini d‘abdiquer. Le match n’a pas fini de faire parler …Un succès passé ne préfigure jamais un succès futur !

Robert Lafont


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