Qui a dit que la presse économique n’avait pas d’avenir ? Certainement pas Austin Russell, jeune entrepreneur de la tech américaine, qui reprend Forbes, le magazine centenaire du business dans le monde, pour quelques 800 millions de dollars.
À 28 ans, Austin Russell, qui s’est lancé dès l’âge de 17 ans avec Luminar dans la voiture autonome, est à la tête d’un fabricant de capteurs permettant aux voitures autonomes de détecter en 3D, via des faisceaux lasers, les objets ou obstacles situés proche des véhicules. Une technologie de pointe qui permet à sa jeune pousse californienne, Luminar Technologies, d’être valorisée 2,6 milliards de dollars sur le Nasdaq pour un chiffre d’affaires d’à peine 41 millions de dollars. Au passage, le groupe hongkongais Integrated Whale Media Investments (IWM), qui était propriétaire du magazine Forbes, réalise, à la faveur du rachat du magazine, une coquette plus-value de 390 millions de dollars en moins de neuf ans. De quoi laisser songeur bien des investisseurs férus de Tech et qui doutent parfois de l’avenir des groupes de presse (NDLR : Entreprendre – Lafont presse – qui édite le magazine Entreprendre est côté sur Euronext Growth).
Concurrent des magazines Fortune, Venture et Inc, le magazine Forbes, aux 50 éditions licenciées dans le monde, est lu au total par 6 millions de lecteurs sur papier. On est donc loin de l’apocalypse de la baisse de diffusion telle qu’annoncée par les experts des médias, à part l’excellent Jean-Clément Texier, malgré les transferts d’audience constatés vers les sites. En France, c’est l’entrepreneur Dominique Busso qui a obtenu la licence de Forbes en 2014. Et seule une version luxueuse trimestrielle commercialisée au prix de 9 euros est distribuée sur le marché des kiosques. J’ai eu une fois Dominique Busso au téléphone, quelque peu auréolé d’avoir pu récupérer la marque américaine centenaire pour l’hexagone, fondée en 2017 à New York. Il m’interpella un peu condescendant me renvoyant dans mes 22 mètres : « Ah, Robert Lafont, vous ne vous souvenez pas de moi quand je suis venu vous rendre visite en 2022 à vos bureaux rue Auguste-Vitu pour vous proposer un site internet pionnier à l’époque ? »
Je ne me souvenais pas en effet. Peut-être avait-il eu raison trop tôt tout simplement. Cela n’excuse en rien mon éventuelle absence de réponse. En affaires, il faut toujours répondre car, sinon, c’est mal interprété. La preuve ! Même si en la circonstance, notre néo-éditeur semblait préoccupé par le désir de nous faire nourrir des regrets. Qu’il se rassure. Nous n’en avons guère… et pas en tous cas sur ce type de sujets. Bravo à lui d’avoir pu récupérer la marque pour la France. Et bonne chance pour la suite tant il y a de la place pour plusieurs sur ce marché de la presse d’affaires. D’autant que de plus en plus de nos compatriotes développent l’esprit d’entreprendre. Qu’ils découvrent et lisent les magazines économiques. D’autant que dans les kiosques, il y en a vraiment pour tous les goûts.
De Capital qui vulgarise l’économie, Challenges qui informe au plus près des cercles du pouvoir, Les Échos leader de l’actualité des entreprises, Le Nouvel Économiste qui met en perspective, ou Entreprendre qui met en avant les entrepreneurs ; on n’a que l’embarras du choix. N’oublions pas comme le dit le slogan : un chef d’entreprise averti en vaut deux ! Cela n’a jamais été aussi vrai.
On pourrait rajouter qu’il n’y a pas de grand pays économique qui ne dispose pas d’une puissante presse économique (voir le Japon avec des quotidiens économiques aux tirages millionnaires). À ce sujet, rajoutons pour terminer à l’attention des professeurs des lycées et des facultés qu’il n’y a pas qu’Alternative Économique en la matière (ce qui avait le don de faire hurler Jacques Barraux, l’ancien ministre centriste devenu commissaire européen et qui m’avait lancé, un jour, de son splendide bureau sis 288 boulevard Saint-Germain à Paris : « Ils feraient mieux de faire abonner les étudiants à Entreprendre, parce qu’Alternatives économiques est anti-capitaliste au possible ! » – authentique -). N’oublions pas non plus l’excellente revue Pour L’Eco pour s’informer sur l’économie.
Si l’on veut progresser, rien ne vaut que de se confronter au réel et aux histoires d’entreprises et d’entrepreneurs. Plus on est proche du réel, plus on approche des vérités. Demandez à Bertie Charles Forbes ce qu’il en pense… Cent ans après, son magazine est toujours le premier dans le monde !
Robert Lafont
