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Les derniers secrets de Bernard Tapie

Jean Duby, ancien ami de Bernard Tapie et ancien médecin de l’OM, vient de sortir un livre, Bernard Tapie, derniers secrets (City éditions). Tapie, hors des falsifications médiatiques, hors des préjugés, hors des sentiers rebattus des opinions verrouillées.

Entreprendre - Les derniers secrets de Bernard Tapie

Entretien avec Jean Duby, ancien médecin et ami de Bernard Tapie

Je me souviens de l’homme d’affaire, et surtout de l’homme politique que j’avais rencontré en 1992, alors que j’étais étudiant en droit et que je soutenais sa candidature aux élections régionales. J’avais participé activement à sa campagne. C’était une personnalité hors-norme. C’était un caractère, un homme qui dérangeait par sa fougue et sa passion, ses multiples talents, son ascension irrésistible, ce qui ne plait pas au petit homme. J’ai rencontré Jean Duby pour Entreprendre.

Cher Jean Duby, vous êtes médecin, et c’est au milieu des années 1970 que vous rencontrez (tout à fait par hasard) Bernard Tapie. Vous ne le connaissiez pas, il n’était pas encore l’homme d’affaire célèbre. Vous devenez amis et vivez une amitié fidèle durant plus de dix ans, avant qu’il ne devienne l’homme médiatique qu’il sera à partir de la moitié des années 1980. Comment était-il à ce moment-là ? Avez-vous noté des changements entre le Tapie lambda et le Tapie des médias ?

Jean Duby : J’ai effectivement rencontré Bernard Tapie en 1972. Son fils aîné étant malade lors d’un séjour au ski, dans un hôtel du Sauze situé dans ma zone d’exercice, étant médecin à Barcelonnette. Il était effectivement peu connu mais à la tête de son Groupe qui, si je me souviens avait acheté les papeteries Draeguer. Il était déjà aussi autoritaire vis à vis des siens et de l’entourage.

Déjà dans les années 1980 ce qu’une pseudo presse appelait « les années fric », « les années frime », il est lancé par la télévision française comme un produit. Mais ça se passe très bien. Il met tout le monde dans sa poche. Il est, comme vous le dites très bien, tout feu tout flamme, et il est devenu milliardaire avec des « idées très simples », écrivez-vous. C’est l’aventure de La Vie claire à laquelle vous participez, l’affaire Bokassa, c’est aussi le rachat du Phocéa. Comment expliquez-vous que l’on soit passé d’un Tapie à qui tout réussit, et qui est encensé, à un Tapie qui accumule les procès, et qui est diabolisé entre les années 1980 et 1990 ? A-t-il été transformé en bouc émissaire par le système médiatique afin de purger les pulsions des années folles et années fric de la décennie précédente ?

En fait, après les succès successifs loués par la presse, ce qui augmentait sa notoriété, laquelle était l’une de ses priorités dominantes. Ce fût en effet l’unique but de l’épisode Bocassa qui fût une réussite en ce sens car il fit la 1ère page du TIME. Effectivement, comme vous le suggérez il fut peut-être un bouc émissaire, de choix, dans notre France où celui dont la réussite est flamboyante est immédiatement suspect et dénigré.

Il rencontrera François Mitterrand. Puis, se lancera en politique. Pensez-vous que ce soit l’influence de l’ancien président de la République qui a joué dans ce choix ?

Bien que nous n’en ayons jamais parlé, je pense que non. Mais, s’il était resté sur ses ambitions locales pour Marseille, je pense que l’avenir aurait été différent. Il avait dans le domaine politique un don certain. Je me souviens d’une réunion politique avec les médecins du département des Bouches du Rhône où il m’avait demandé de l’accompagner, ce que j’avais accepté avec anxiété sachant que la majorité de mes confrères avaient beaucoup d’animosité envers lui. En fait, il en était sorti sous les applaudissements les ayant retourné l’auditoire à son avantage.

En 1992, il se lance vraiment en politique, et conduit une liste Énergie Sud lors des élections régionales en PACA. À ce moment-là, il est très proche de François Mitterrand. C’est une époque que j’ai bien en mémoire, car j’avais été militant lors de sa campagne. J’avais diné un soir avec Michel Hopé, qui a été votre patron à La Vie Claire, et j’avais rencontré plusieurs fois Bernard Tapie, notamment lors d’un grand meeting qui réunissait Élisabeth Guigou et Jean-Louis Bianco. Nous avions passé la soirée ensemble après le meeting il y avait également Léon Schwartzenberg, Alain Bombard, et j’en oublie. Je me souviens, ça marchait très bien pour lui, il était très aimé dans les Alpes-Maritimes. Mai 1993, c’est la piteuse affaire VA-OM. C’est à ce moment-là que ses ennuis judiciaires sérieux commencent. Mitterrand ne le soutient pas. Pensez-vous qu’il ait fait peur dans les rangs des socialistes, ce qui explique ce manque de soutien, et finalement tous ses ennuis, dont la prison en 1995 ?

Comme je le dis dans mon livre, il n’est pour rien dans la corruption du match mais confiant dans le soutien du Président et à la vue de sa fonction, il en accepte la responsabilité. Je pense que c’est de la naïveté, rare défaut qui lui a valu de nombreux problèmes.

À sa sortie de prison, il vous reproche de ne l’avoir jamais visité en prison. Comment se passe votre amitié ensuite ?

Si je ne me suis jamais rendu à la prison, nous avions quand même des contacts fréquents pendant son séjour et il ne m’a jamais dit qu’il m’en avait voulu.

Que devons-nous retenir de l’homme d’affaire et de l’homme tout cours. Autrement dit, de Bernard et de Tapie ?   

Pour moi, il est bien évident qu’une amitié profonde et sincère nous liait. J’ai d’ailleurs été ému et heureux d’être le premier à m’exprimer sur son départ à la radio. Il restera définitivement un très grand businessman, très proches de sa famille, détruit par cette haine de la réussite en France.

Propos recueillis par Marc Alpozzo


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1 commentaires sur « Les derniers secrets de Bernard Tapie »

  1. Bernard Tapie a sauvé des milliers d’emplois en reprenant des sociétés en faillite et en les redressant, et a inspiré des milliers d’entrepreneurs en France dans les années 80 et 90.
    Il aura marqué les français et sa génération.

    Répondre

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