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Le Président actuel de la République française est aphilosophe

Ne pas aimer la sagesse chez un président de la République n’est peut-être pas si original de la part du Président de cette Cinquième République s’avèrant être le plus jeune à être élu au sommet de l’Etat.

Entreprendre - Le Président actuel de la République française est aphilosophe

Par Emmanuel Jaffelin, auteur de l’Eloge de la Gentillesse (Bourin 2009, Pocket 2018) et On ira tous au Paradis (Flammarion)

Tribune. DE même qu’un(e) a-thée n’aime pas Dieu (notamment il/elle n’y « croit pas » parce qu’il/elle « croit » que Dieu n’existe pas, de même un(e)  agnostique ne « sait » pas si Dieu existe (sans pour autant affirmer sa non-existence, ce qui en ferait un a-thée), de même, par conséquent, un (e) aphilosophe  n’aime pas la philosophie et s’en fout ! Pour mémoire, « philosophie » est un mot venant du grec antique qui signifie aimer (philein) la sagesse (sophia). Or, Macron n’aime pas Sophie ; il lui préfère Brigitte !

Ne pas aimer la sagesse chez un président de la République n’est peut-être pas si original de la part du Président de cette Cinquième République s’avèrant être le plus jeune à être élu au sommet de l’Etat.

Le premier signe (le moins grave et le plus anecdotique) de son aphilosophie tient au fait  qu’Emmanuel Macron n’a pas réussi ses études dans cette discipline (même s’il obtint une bonne note de 16/20 au Bac à une période où les correcteurs étaient déjà invités à noter généreusement. Mais, en dépit des diplômes obtenus à l’université de Nanterre, il échoua au concours de l’ENS ainsi qu’à celui de l’Agrégation, deux concours que Platon et Descartes n’auraient peut-être pas eus s’ils avaient vécu au XXe siècle, ce qui ne les aurait probablement pas empêché d’écrire leur œuvre et d’élaborer leurs concepts (monde intelligible, Essences, dialectique, cogito, doute méthodique, passions de l’âme). Loin de la sagesse et de l’activité intellectuelle, ce Président suit la voie de ses très récents prédécesseurs (Sarkozy et Hollande) qui étaient totalement étrangers à la philosophie. D’ailleurs, Emmanuel Macron déclare dans un entretien accordé au Nouvel Observateur à propos des livres de Paul Ricoeur qu’« ils étaient le fruit de décennies de lecture et d’enseignement. J’avais envie de vivre[1] ». Quelle caricature du philosophe réduit à l’intellectualisme ! Quel aveu de sa non prétention à la sagesse au profit d’une vie économico-machiavelique.

Le deuxième signe de son aphilosophisme est donc économique et machiavélique

Economique s’avère être d’abord le substratum de sa vie puisqu’en sortant de l’ENA, Macron va chercher de l’argent en travaillant « dans » et « pour » la banque Rothschild, plutôt que de travailler dans la haute administration au service de la République et d’assumer sa formation de serviteur public. D’ailleurs, en tant que Président de la République française, il supprime cette école (avril 2021)

Machiavelique ensuite se montre sa vie, Machiavel, le philosophe du pouvoir, écrivant ainsi : « Gouverner, c’est mettre vos sujets hors d’état de vous nuire et même d’y penser ». Ce que Macron fait, avec succès, envers  François Hollande, et avec un échec patent, envers les Gilets Jaunes ! Le fameux Machiavel affirme aussi que « ce n’est pas le titre qui honore l’homme, mais l’homme qui honore le titre ». Avec sa gestion hypocrite et manipulatrice des gilets jaunes et sa gestion improvisée et variable du virus Corona, il est difficile de dire en quoi cet homme élu aurait honoré sa fonction de Président de la République française.

Cette fragilisation de l’enseignement de la philosophie n’est pas nouvelle, mais elle prend le sens inverse d’un courant et d’une période qui visaient à faire de l’enseignement de la philosophie une originalité française et démocratique visant à étendre cette discipline à la plus grande partie des élèves au sein d’une génération. Qu’y a -t-il de plus français que d’aimer la pensée et le débat plutôt que de se soumettre à un ordre tyrannique et dictatorial, marxiste ou religieux, qui empêche les citoyens de réfléchir et fait de la réflexion le fondement insupportable de la Démocratie.

Rappelons que Napoléon 1er réinvente le système d’enseignement sur lequel nous vivions encore avant l’arrivée de Macron ! Depuis le Premier Empire (et inspirée par la tradition des collèges des jésuites) jusqu’à 2020 (tout en prenant en compte une parenthèse entre 1852 et 1863), la philosophie devient une matière obligatoire qui concerne la dernière année du lycée (la classe de Terminale).


En réalité, c’est Victor Cousin, sous la Restauration (1814-1830), qui fournit à l’enseignement de la philosophie son caractère essentiel et encore actuel. » Mais c’est plus tard, encore sous la Monarchie et notamment en 1844, que Victor Cousin prononce un discours sur La Défense de l’université et de la Philosophie à propos de la loi sur l’instruction secondaire. Les pairs veulent supprimer l’enseignement de la philosophie dans les collèges, car ils s’inquiètent que l’on mette en contact la jeunesse avec la philosophie. Cousin répond en disant que l’on peut enseigner la métaphysique dès l’âge de quinze ans. Il déclare que la philosophie de Descartes – que le duc de Broglie considère comme appropriée pour l’université – n’est pas dangereuse pour les collèges puisque le doute cartésien vise seulement à établir l’existence de l’âme et celle de Dieu .

La philosophie a tellement été reconnue et valorisée après Victor Cousin qu’elle est devenue au XXe siècle la dernière discipline que découvraient les enfants à la fin de leur scolarité dans le système secondaire. Réservée initialement aux élèves engagés vers un BAC classique[2], la philosophie fut étendue en 1969 aux élèves engagés vers un BAC technique[3] . A noter : bien que la philosophie soit la dernière discipline à apparaître aux lycéens aux abords de l’âge de la majorité, la philosophie était aussi devenue la première discipline qui ouvrait les épreuves du BAC chaque année au début du mois de juin.

Après avoir failli essayé de la détrôner de sa première place chronologique, la philosophie y est finalement maintenue en juin 2021 avec cette décision dudit Ministre de l’éducation « offrant » aux élèves un choix peu philosophique :  En philosophie sera prise en compte la meilleure des deux notes entre celle de l’épreuve écrite du 17 juin et la moyenne annuelle de l’élève, obtenue en contrôle continu.  Il est aisé de comprendre qu’une telle décision politico-administrative invite implicitement et inconsciemment les enseignants à ne plus mettre aux élèves de note(s) inférieure(s) à la moyenne, afin que les élèves et leurs parents ne leur reprochent pas d’avoir empêché leurs élèves de faire ce choix (qui sent plus mauvais que l’anchois!).

C’est peu dire de ce ministre non-philosophe – dont l’action n’est pas du tout  invalidée par le Président de la République- ministre que cette discipline indiffère et qui ne fait plus de la philosophie ni de la vie une épreuve, mais une matière qu’il faut « sécuriser » en éliminant son effet non désirable chez ceux qui ne veulent pas faire l’effort de penser ! En juin 2021, les professeurs de philosophie réagissent philosophiquement en refusant de corriger numériquement les copies de Bac. Santorin est ainsi un outil numérique censé permettre aux correcteurs de pouvoir lire et annoter les copies, sans avoir à passer par la copie en papier. Or, les professeurs de philosophie avaient pris l’habitude de comparer les copies afin d’en déterminer les critères d’évaluation, ce qui dérangeait l’administration et, in fine, le pouvoir politique qui voudrait tout contrôler et qui se sert du virus pour expliquer que le papier et les réunions peuvent propager le  Corona. Il a bon dos ce virus, préféré au logos à une époque qui préfère la médecine à la philosophie et donc la santé à la vérité. Dans cette société de contrôle qui rappelle 1984 et que Macron aimerait créer en 2021, il va de soi que les commissions de jury  pourront modifier les notes (en les remontant), démagogie sournoise oblige.

Il est temps,  « pour ces politicards » qui détestent la polis (la Cité) et qui préparent sans le dire l’instauration d’une théocratie (qui est incompatible avec la démocratie et donc la philosophie), que la philosophie devienne une discipline disciplinée et non plus un foyer de réflexion, soit une opportunité pour l’avenir non démocratique d’une cité ! Et disons philosophiquement que ce Ministre de l’Education (Blanquer), qui conduit cette réforme, est à la Philosophie ce que Macron est à Marc-Aurèle! Il est probable que même Einstein n’aurait pas pensé à la génialité d’une telle réforme ! ni Kant! Ni Platon !

Et lorsqu’on se rappelle que le mot Baccalauréat, vient du bas latin baccaria qui désigne une sorte de métaierie,  faisant du bachelier  un petit gardien ou propriétaire de vaches, il est peu dire que cette réforme du Bac réduisant le rôle de la philosophie, est… vache, voire très vache  et pas seulement pour la philosophie mais aussi pour cette massification de l’enseignement qui tutoie le néant plutôt que l’Etre ! Pour mémoire, dans les années 50, seulement 5% d’une classe d’âge recevaient l’enseignement de la philosophie. Dans les années 2000, plus de 50% d’une classe d’âge en bénéficie !

Dans un monde décadent, ce ne sont pas les non philosophes qui font une carrière politique, ce sont les aphilosophes qui considèrent, sans y réfléchir, cette discipline comme un trop plein dont un pays, qui n’est presque-plus-démocratique, peut se passer…

EMMANUEL JAFFELIN est philosophe, enseignant, Agrégé de Philosophie, auteur notamment de l’Eloge de la gentillesse (Bourin, 2009, Pocket, 2016), de l’Apologie de la punition (Plon, 2014) et de l’Apothéose du Rond-Point (2020, Amazon)


[1] – Philosophie Magazine, Emmanuel Macron, de la philosophie au ministère de l’Économie | Philosophie magazine (philomag.com)

[2] ‘les Terminales A,B,C,D,E

[3] -Bac F, G et H


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