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Carlos Tavares, l’entreprise et la société

La rémunération de Carlos Tavares, le CEO du groupe Stellantis (NB : PSA, Fiat, Chrysler), l’un des leaders mondiaux de l’automobile, fait débat.

Carlos Tavares (Eliot Blondet/ABACAPRESS.COM)

En raison d’une prime à la performance, pour la fusion passée en 2021 du groupe PSA (NB : au bord de l’effondrement en 2014) avec Fiat et Chrysler, d’une part variable et de divers bonus indexés sur les résultats, le montant total de 36,5 millions d’euros – qui vient d’être voté à 70% par l’Assemblée des actionnaires – (cf. augmentation de 56%, quatre fois le salaire du CEO de Volkswagen par exemple) paraît astronomique.

Mais cette rémunération exceptionnelle – qui n’est pas nettement supérieure à celle des PDG de Ford et GM pour l’année considérée, mais nettement supérieure à celle d’autres CEO du secteur automobile – doit aussi être mise en regard des résultats de l’entreprise pour l’année écoulée, qui ne le sont pas moins : ainsi le profit net de 11,8 milliards d’euros qui traduit la rentabilité de l’entreprise est en hausse de 11% ; la marge opérationnelle qui traduit la capacité du groupe à produire des profits sur la base de sa seule activité, indépendamment du compte financier, est elle en hausse de 12,8%.

L’analyse doit être conduite en fonction de la logique économique et de la légitimité de la rémunération au regard de la perception que peut en avoir la société. Il s’agit là de deux approches différentes. À la différence du secteur étatique, aucun emploi n’est créé dans une entreprise qui ne corresponde à un besoin ; aucune dépense ne peut être engagée qui ne soit couverte ou provisionnée. La société est de son côté fondée à se montrer exigeante en fonction des critères de transparence, de légalité et de fiscalité.

Les dirigeants d’entreprise, dont la feuille de route, l’activité et la rémunération sont encadrées par le Conseil d’administration et l’Assemblée générale des actionnaires, doivent aussi œuvrer pour le plus grand nombre, à commencer par les salariés, et les bénéfices ne peuvent leur être réservés de façon trop inégalitaire. Si l’on se penche sur la rémunération des seuls salariés de Stellantis, la tendance n’a pas correspondu à celle de la rémunération des cadres, mais il est vrai que les chiffres concernant les premiers ont porté sur plusieurs années au cours desquelles les résultats du groupe n’étaient pas ce qu’ils sont devenus aujourd’hui. De plus, le Groupe vient de verser de substantielles primes à l’ensemble de ses employés. Quoi qu’il en soit, la question de la redistribution des profits entre les actionnaires et les salariés demeure posée.

C’est à ces conditions précédemment exposées que peuvent être respectés les grands groupes, dans un environnement particulièrement concurrentiel et âpre dans le secteur automobile. Tout dépend finalement du choix de société : dans une conception libérale, on ne peut développer la réglementation jusqu’à asphyxier l’économie ; on ne peut vouloir réduire la part de l’État (cf. « dégraisser le mammouth »), hors des missions proprement régaliennes, et ne pas laisser dans le même temps s’épanouir l’esprit d’initiative et d’entreprendre.

Veut-on, par exemple, revenir en France sur la libération des prix de détail décidée il y a cinquante ans par le Premier ministre Jacques Chaban-Delmas ? Revenir sur la « vérité des prix » serait une régression digne d’une économie dirigée et, par définition, inefficace. Corseter aujourd’hui l’entreprise ne serait pas non plus un progrès. Carlos Tavares a exprimé pour sa part son entière disposition à respecter les choix qui seraient arrêtés par voie législative.

Mais cette « affaire » qui provoque aujourd’hui débat en France en est-elle vraiment une ? Ne faut-il pas plutôt aimer l’entreprise, surtout lorsque des succès remarquables l’accompagnent ?

Patrick PASCAL
Ancien Ambassadeur
Ancien Président d’ALSTOM à Moscou pour la Russie, l’Ukraine et la Biélorussie.
Fondateur et Président de Perspectives Europe-Monde


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