Ce serait un événement d’une portée considérable dans le bras de fer actuel qui se joue pour la régulation des institutions mondiales, notamment entre les États-Unis et l’Europe d’un côté, et les BRICS de l’autre.
Les Américains ont commis récemment une énorme erreur qui pourrait faire perdre au dollar dans les années qui viennent son statut de monnaie de référence. En décidant unilatéralement, à la faveur de l’intervention russe en Ukraine, de geler les réserves de change de la banque centrale russe libellée en dollars, ils prennent le risque de voir d’autres pays, notamment les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), vouloir abandonner leurs réserves en dollars afin de pouvoir conserver leur autonomie de décision par rapport aux États-Unis.
C’est ce que vient de comprendre l’Arabie saoudite qui a libellé, pour la première fois, sa dernière facture pétrolière adressée à la Chine en renminbi (yuan), comme le révèle l’excellent Renaud Girard, notre confrère du Figaro. Ne nous y trompons pas : cet événement est d’importance. Il pourrait faire perdre définitivement au dollar son statut de monnaie mondiale de référence des échanges. Même s’il représente encore 59 % des échanges des réserves mondiales de change (contre 72 % il y a 15 ans).
La Chine qui voit d’un bon œil la remise en cause de cette suprématie monétaire offre déjà une alternative aux règlements électroniques interbancaires Swift, système contrôlé par les Occidentaux. En 1965, le Général de Gaulle avait, visionnaire, déjà largement critiqué le « privilège exorbitant du dollar » permettant aux Américains de faire marcher la planche à billets pour financer la guerre au Vietnam ou leur expansion spatiale ou industrielle. D’autant plus que Richard Nixon décida sans concertation avec les Européens, le 15 août 1971, d’en finir avec la convertibilité du dollar en or. On connaît la suite.
Sans parler du privilège d’extraterritorialité judiciaire : rappelons ici qu’en 2014, la BNP dut payer aux États-Unis la somme extravagante de 9 milliards de dollars, alors qu’en toute légalité avec notre droit, la banque française avait simplement financé en dollars des exportations en Iran, pays alors sous embargo américain. La justice américaine avait pu se déclarer territorialement compétente compte tenu du libellé en dollars. On attend toujours aujourd’hui la réaction des gouvernements français. Le temps d’une nouvelle monnaie mondiale au service de tous n’est pas si éloigné…
Robert Lafont
Pour résumer : le dollar appartient aux américains mais, c’est notre problème