Il y a peu de commerciaux à la tête de nos grandes et moyennes entreprises. C’est un tort. La plupart sont ingénieurs, financiers, techniciens ou managers. Le PDG de Labeyrie Fine Foods, Jacques Trottier, a fait l’Essca à Angers avant de crapahuter sur le terrain en tant que cadre commercial (chez Soprat – Père Dodu de 1996 à 2003). Devenu président d’un groupe leader du foie gras et du saumon fumé, d’un milliard de chiffre d’affaires (3400 collaborateurs et 14 sites industriels), et qui fleure bon le Sud-Ouest et notre tradition gastronomique, ce triathlète longue distance veut faire la course en tête.
Au Flandrin, la brasserie chic du XVIe arrondissement, il me raconte, sémillant, avec son éternel sourire en bandoulière : « L’international nous le rend bien. Les Français ne le savent pas, mais le monde entier nous attend et rêve de nos produits festifs ou gourmands. À Dubaï d’où je reviens, j’ai été sidéré par la consommation de foie gras dans certains restaurants. Il faut encore enfoncer le clou. Nous vendons déjà dans plus de 60 pays dans le monde et on peut faire mieux ! »
Si Labeyrie fait partie des nouveaux mousquetaires de l’agroalimentaire tricolore avec Fleury-Michon, Sodebo, Bonduelle ou Delpeyrat, sa stratégie est clairement internationale : « Nous visons le rayon premium et de qualité. Avec Delpierre dans les produits de la mer ou Blini, pour les produits apéritifs festifs, la gamme s’élargit pour coller aux nouveaux goûts des consommateurs. Ceux-ci sont prêts à payer un peu plus cher à condition que la qualité soit au rendez-vous. Nous nous tournons de plus en plus vers le végétal (15% des ventes aujourd’hui, 25% dans 3 ans) avec l’Atelier Blini, star des apéritifs gourmands et festifs, et des produits à base d’houmous ou d’olives. Tous nos ingrédients devront venir de France. Nous soutenons la création d’une filière de production de pois chiches dans le Sud-Ouest. Nous réfléchissons aussi, ne le répétez pas, à un concept de brasserie chic ‘maison Labeyrie’ – pourquoi pas place de la Madeleine à Paris (à côté de Fauchon ?) – afin de faire déguster nos meilleurs produits et développer le concept en franchise dans les grandes capitales. »
Jacques Trottier ne manque pas d’idées, il est là pour cela. C’est un esprit marketing. « Il n’y a pas d’entreprises sans clients, » conclut-il avec un sourire prémonitoire comme pour rappeler qu’on va entendre de plus en plus parler de Labeyrie. Détenue à parité par la coopérative basque Lur Berri et le fonds d’investissement PAI Partners, il est temps de remettre le commerce au centre de toutes les stratégies. Nos PME doivent réapprendre l’esprit de reconquête, écoutez son entretien accordé sur Entreprendre TV.
Et dire que tout a commencé après-guerre en 1946, sur un petit étal de foie gras sur un marché d’un petit village des Landes, à Saint-Geours-de-Maremne près d’Hossegor, lorsqu’un simple marchand forain, Robert Labeyrie, s’est mis en tête d’élargir sa gamme, essentiellement composée de foie gras de canard, au saumon fumé qui commençait à pointer. Le début d’une formidable épopée…
Après la reprise de son entreprise en 1986, Jacques Trottier se souvient que, jusqu’à la fin, Robert Labeyrie prenait comme un malin plaisir à revenir à 90 ans dans les bureaux et ateliers voir l’évolution du groupe qu’il avait fondé. Et il n’en revenait pas de voir son nom étalé dans les rayons de plus en plus de supermarchés. Une authentique fierté. Cela ne s’invente pas. Rien de tel que la passion pour surmonter les obstacles. Et en plus cela donne faim !
À la base de toute entreprise, il y a toujours des hommes ! Que nos startups ne l’oublient pas…
Robert Lafont
