Cela n’a rien à voir avec l’esprit de guerre : car si ce n’était pas la France qui vendait de tels équipements militaires, ce serait forcément un autre qui prendrait le marché à notre place ! Une politique de désarmement ne peut s’opérer que s’il y a bien un accord mondial respecté par tous. On en est loin !
Et le ministre des Armées, le dynamique Sébastien Lecornu a raison de vouloir porter l’offensive sur un plan industriel. Vu le délabrement de notre commerce extérieur (130 milliards d’euros de déficit en 2023), cette deuxième place d’exportateur d’armes (avec une hausse des ventes de 49 % entre 2019 et 2023) tombe à point nommé. D’abord, parce qu’elle atteste de l’excellence industrielle et technologique de notre pays lorsque celui-ci s’en donne les moyens.
Notre ami, Loik Le Floch-Prigent, ex-président d’Elf, (qui vient de racheter à 80 ans la PMI alsacienne de découpe industrielle Aditec -22M€ de CA-) a raison de souligner que cette montée en puissance de l’offre d’armement tricolore vient récompenser aussi une politique de filière made in France, où tous les fabricants coopèrent et se coordonnent entre eux pour privilégier l’offre tricolore (l’industrie française d’armement pèse quelques 30 milliards d’euros de chiffre d’affaires avec 2000 entreprises et quelques géants mondiaux comme Airbus Defence & Space, Thales, Safran, MBDA, Naval Group, Dassault Aviation, CEA, Ariane Groupe, Dexter ou Arquus). L’exercice est payant et devrait s’étendre aux autres grands secteurs de l’industrie : automobile, machine-outils, aéronautique, espace, électronique, ou chimie…
A transmettre à Roland Lescure. Remarquons aussi que ces beaux résultats doivent beaucoup à Dassault Aviation et son modèle Rafale (avion de combat réputé le meilleur du monde) et qui commence à récolter les fruits (avec 94 modèles vendus en 4 ans) de sa minutieuse offensive commerciale dans des pays comme l’Inde, le Qatar, l’Égypte où les Émirats arabes unis.
Reconnaissons qu’il est déplorable (alors que l’Inde représente à elle seule un tiers de nos exportations d’armes) que la plupart des pays européens, Pologne, Belgique ou Allemagne en tête, continuent de privilégier l’avion américain F-35 au détriment du français Rafale. Difficile pour le président Macron de convaincre, dans ces conditions, (55% des importations d’armes européennes proviennent des États-Unis) ses concitoyens de la légitimité d’une souveraineté européenne après tout cela. La Russie a certes diminué ses ventes extérieures à cause des livraisons accrues pour le conflit ukrainien. Ne faisons pas la fine bouche.
Les succès enregistrés par l’armement tricolore démontrent que la stratégie de réindustrialisation peut porter ses fruits. Cela suppose à la fois d’avancer en équipe et de raisonner par filières. Impossible n’est pas Français, comme disait Napoléon, repris ensuite par Éric Zemmour. Un Éric Zemmour qui, reconnaissons-le, a été l’un des tous premiers dans la classe politique à dénoncer les retards pris sur le projet d’avion européen (Franco-germano-espagnol) SCAF. Et à juste titre ! Au point que maintenant c’est le président d’Airbus chargé d’un tel programme, Bruno Fichefeux, qui préconise de fusionner les programmes SCAF avec celui du GCAP (porté par le Royaume-Uni, l’Italie et le Japon). On aurait pu y penser avant ! Mais les conflits actuels semblent servir d’accélérateur. Et c’est une bonne chose.
Robert Lafont
