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Guerre Israël-Hamas : vers une extension des affrontements ?

Au-delà de la sidération initiale née des attaques, des massacres et des atrocités commis par le Hamas et le Djihad Islamique le 7 octobre dernier, qui ont semblé prendre de court les forces armées de Tsahal, ses services de renseignement, la société israélienne et l'opinion publique mondiale, ce sont désormais les graves conséquences induites par l'attaque des terroristes palestiniens sur le plan de la stabilité régionale qui sont devenues le principal sujet de préoccupation planétaire.

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Comme en 1948, 1967 et 1973, les préoccupations des pays arabes voisins, tout comme la légitimité palestinienne à un état, sont venues réveiller une certaine forme d’unité, notamment dans les « rues arabes », alors même que certains de ces mêmes états étaient engagés dans un processus de normalisation avec Tel-Aviv, à l’instar de l’Égypte, depuis les accords de Camp David, en 1978 ; la Jordanie, depuis les accords de Wadi Araba, en 1994 ; et, par le biais des Accords d’Abraham, depuis l’automne 2020, le Maroc, le Soudan, les Émirats arabes unis et Bahreïn.

Sur le plan opérationnel, les failles sécuritaires sont accablantes quant à la prise à défaut de l’inviolabilité des frontières d’Israël. Celles-ci, supposément sanctuarisées, par le truchement de son système de défense sol-air « Iron Dome Air Defense Missile System » – prétendument infaillible depuis sa mise en service en 2011 – n’ont pu détruire la totalité des quelques 5000 roquettes tirées depuis la bande de Gaza. Avec un taux de réussite – déjà exceptionnel – de 90% d’interception, quelques 400-500 roquettes ont pu ravager les principales localités du sud d’Israël, à l’aune sinistre du nom de l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » lancée par le Hamas et le Djihad Islamiste.

2,1 millions de Gazaouis pris au piège

Par ailleurs, près de 2500 terroristes du Hamas, notamment ses brigades Izz al-Din-al-Qassam et du Djihad Islamique, ont pu réduire à néant, en quelques heures, le mur protecteur érigé par Israël et provoquer la mort de 1400 Israéliens, dont près de 300 militaires, parmi ceux-là trente bi-nationaux franco-israéliens, et ce à la stupeur générale au niveau mondial. Le sort tragique des 222 otages – dont vraisemblablement 9 sont franco-israéliens – encore retenus par l’organisation terroriste palestinienne dans la bande de Gaza est aussi un sujet de vives préoccupations, mobilisant acteurs régionaux (Égypte, Qatar, Turquie, Arabie Saoudite, Irak, Émirats Arabes Unis) et internationaux (USA, France, Allemagne, Italie, Canada, Vatican, Chine) dans des approches et objectifs radicalement différents.

Cette réalité vient d’ailleurs confirmer le profond fossé que la question israélo-palestinienne n’a cessé de mettre en exergue depuis la création de l’État d’Israël en mai 1948, et la première des centaines de vaines résolutions onusiennes ; à l’instar de la résolution 181 de 1947 ou encore la résolution 242 de 1967, actant le plan de partage de la Palestine en deux États.

Quid du droit international des conflits armés ?

Sans oublier, bien sûr, les trop nombreuses victimes civiles et terroristes, suite aux bombardements de Tsahal sur une bande de Gaza, prenant au piège 2,1 millions de Gazaouis, ayant provoqué le décès de plus de 4600 Palestiniens et occasionné plus de 13 000 blessés, en dépit de l’appel insistant à l’ouverture de corridors humanitaires et le déplacement des Palestiniens vers le sud de l’enclave.

Sur ce dernier point, force est de constater, néanmoins que c’est bel et bien le Hamas qui empêche les habitants de Gaza de fuir les zones qu’Israël a prévenu de frapper, voire d’envahir, dans le cadre de son opération « Épées de fer » dont la dimension terrestre ne fait guère plus de doute, visant à « éradiquer » le mouvement islamiste. Ainsi, la teneur des frappes aériennes israéliennes sur une bande de Gaza de 365 km2, mais qui, avec une population de 2,1 millions, est l’une des plus fortes densités démographiques au monde (13 000 habitants/Km2), interroge, aussi, les règles mêmes du droit international des conflits armés, dans sa déclinaison des conventions de Genève de 1949.

Objectif nihiliste

Ces tragiques événements viennent confirmer, en outre, la fragilité du système multinational onusien et mettre en exergue un hiatus aggravant entre les pays reconnaissant la légitimité d’Israël et excipant de l’article 51 – autorisant la légitime défense d’un état face à une attaque contre son intégrité territoriale – de la Charte de San Francisco, créant les Nations Unies en juin 1945.

Par ailleurs, les autres États qui, en défendant le droit des Palestiniens à la création d’un État internationalement reconnu et en appelant à une forme de « désescalade », n’en jouent pas moins – le plus souvent à leur corps défendant – le jeu pervers du Hamas, qui use et abuse de cette légitime cause pour mener à bien son objectif de destruction de l’État d’Israël, depuis sa création en 1987, nonobstant le retrait, depuis 2017, de l’article demandant spécifiquement la destruction d’Israël.

Il convient aussi de rappeler que cet objectif nihiliste va à l’encontre du Fatah et de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) qui en avait définitivement abandonné l’objectif, en avril 1996, en abrogeant sa charte fondatrice datant de 1964.

Grave fiasco sécuritaire

Certes, l’instabilité politique chronique, née des réformes judiciaires et constitutionnelles impopulaires, induite par le 6ème Gouvernement de Benyamin Netanyahou, depuis décembre 2022 – principalement sous la coupe des partis juifs nationalistes orthodoxes, semblerait fournir une première explication aisée. Il convient de rappeler que ces derniers étaient plus prompts à défendre les colonisations illégales de Cisjordanie que soucieux de réengager le dialogue avec l’Autorité palestinienne et son chef, Mahmoud Abbas, même si ce dernier pâtit négativement de l’impossibilité à organiser une élection depuis 2006, à Ramallah.

Ce n’est cependant pas la seule raison explicative du grave fiasco sécuritaire et du drame que vivent les familles israéliennes endeuillées, même si indéniablement la responsabilité politique du Premier ministre israélien est ouvertement posée. Il en est de même pour celle de son ministre de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, multi-inculpé, que même le président de la République, Isaac Herzog qualifiait « d’inquiétude » pour Israël. Il en va aussi de même avec le ministre de la défense, Yoav Gallant, qui a déclaré vouloir « éradiquer » le Hamas et le Djihad Islamique et qui semble se placer dans les pas de son mentor en politique et au sein de Tsahal, Ariel Sharon.

Pusillanimité des États européens

Pour rappel, une grande majorité des Israéliens souhaitent que Benyamin Netanyahou démissionne et reconnaisse la légitimité du Cabinet de guerre mis en place, le 11 octobre dernier, dans la grave période de crise que traverse Israël, associant le principal opposant de l’actuel Premier ministre, l’ancien ministre de la défense, Benny Gantz. La perspective d’un gouvernement d’union nationale, réunissant les anciens premiers ministres, Naftali Bennett et Yaïr Lapid, recueille aussi l’adhésion d’une large frange de l’opinion publique israélienne.

Par ailleurs, la pusillanimité des États européens – au premier titre desquels la France – qui s’étaient pourtant démenés en faveur de la « solution à deux États », de la Déclaration du Sommet de Venise, en 1980 ; la Conférence de Madrid, en 1991 ; les Accords d’Oslo, en 1993, jusqu’au Plan de paix proposé par Riyad, en 2002, n’en apparaît que plus criante.

La réunion du « Sommet de la paix », convoquée par l’Égypte, réunissant les États de la Ligue arabe, du Conseil de Coopération des États arabes du Golfe (CCG), de l’Union européenne, des États-Unis, de la Grande-Bretagne, n’aura ainsi, logiquement, débouché que sur un narratif récurrent appelant à la solution – presque devenue mécanique – à deux États, un vague appel à la désescalade, ainsi que l’ouverture de corridors humanitaires, que viennent, fort heureusement, confirmer l’entrée à Gaza, par le terminal égyptien de Karm Abou Salem – Kerem Shalom et de Rafah de 28 camions d’aide humanitaire.

L’on en viendrait presque à se demander si cette « mantra » ou figure de style diplomatique des deux états, pourtant répétée inlassablement depuis 1947, le plus souvent dans le vide, au profit de deux populations devenues de plus en plus rétives à cohabiter dans un même État ou dans deux États séparés, même reconnus internationalement, reste encore possible ?

Le piège se referme sur Israël

Le piège irrémédiablement tendu par la coalition hétéroclite des ennemis d’Israël se referme. Qu’il s’agisse des mouvements terroristes réputés proches de l’idéologie radicale des Frères musulmans, tels que le Hamas et le Djihad Islamique ; Daesh, et sa déclinaison égyptienne du mouvement Ansar Beït al-Maqdess, pour qui la libération de Jérusalem – Al Qods est consubstantielle de sa création ; ou encore, les « proxies » chiites, tels que le Hezbollah libanais, les milices Hachd al-Chaabir irakiennes, les Houthis zaïdites yéménites, répondant ainsi aux injonctions de l’Iran, qui menace ainsi logiquement Tel-Aviv, d’une réponse si Tsahal entrait, dans Gaza. Le Hamas, le Djihad Islamique et ses promoteurs – parrains qu’ils soient à Ankara, Téhéran et Doha, ont, d’emblée, obtenu ce qu’ils cherchaient : démontrer la faillibilité du dispositif sécuritaire d’Israël, d’une part, et remettre en cause, par ailleurs, les acquis du processus de normalisation avec Israël.

Les Accords d’Abraham de 2020 ne devraient ainsi pas voir aboutir le rêve d’un dialogue approfondi entre l’Arabie Saoudite et Israël, du moins dans les prochains mois, comme le confirme la fin de non-recevoir, à cet effet, du prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane. Pire, l’initiative de sécurité et de paix proposée par la Chine, qui avait vu Téhéran et Riyad reprendre, à nos dépens et à notre surprise stratégique, leur dialogue diplomatique, en mars dernier, risque de confirmer la « dé-occidentalisation » d’une éventuelle solution de stabilité régionale.

Escalade

Le Président américain, Joe Biden, en se déplaçant à Tel-Aviv et Jérusalem, la semaine dernière, et en tentant de faire voter, au plus vite, dans un contexte politique tendu à la Chambre des Représentants, une aide exceptionnelle de 105 milliards de dollars (dont 14 milliards de dollars pour Israël, qui viendront s’ajouter aux 38 milliards de dollars d’aide militaire engagée par Barack Obama, depuis 2017 jusqu’en 2028 (soit 3,8 milliards de dollars annuels) en a bien saisi le risque potentiel quoique bien réel !

Le risque d’un conflit régional est également dans tous les esprits. Le Charles de Gaulle va ainsi rejoindre, en Méditerranée orientale, les deux porte-avions américains (USS Eisenhower et USS Ford) et ainsi « prévenir » le risque d’une escalade, dont Téhéran et les groupes armés qu’elle contrôle au Liban, Syrie, Irak et Yémen, détiennent indiscutablement la clé.

Dans ce contexte crisogène, la tournée d’Emmanuel Macron, effectuée entre Tel-Aviv, Ramallah et Le Caire, n’aura, hélas, permis de retrouver les accents gaulliens de 1967, quand la France imposait sa voix au Conseil de sécurité pour la reconnaissance des deux États autour de la résolution 242. Emmanuel Macron n’aura ainsi pu retrouver, non plus, la verve chiraquienne de 1996, quand le président de la République rappelait, avec force et vigueur, le rôle protecteur de la France sur les lieux saints dans la ville de Jérusalem.

Politique arabe de la France

Pire, notre Président de la République, en proposant une singulière coalition anti-Hamas, liée ou copiée sur la coalition mondiale contre Daesh (The Global Coalition against Daesh, regroupant 86 États et organisations intergouvernementales et institutions) n’aura guère plus convaincu nos alliés arabes (Jordanie, Égypte, Liban, EAU, Arabie Saoudite) à contrario de l’épique prise de parole de Dominique de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères, le 14 février 2003, au Conseil de Sécurité des Nations Unies, quand la politique arabe de la France faisait les riches heures de notre diplomatie de prévention et de résolution des conflits.

Sans remonter jusqu’à Michel Jobert, qui, comme ministre des Affaires étrangères de Georges Pompidou, dans les années 70, portait haut une approche d’équilibre unanimement saluée par les capitales arabes comme par l’État d’Israël, force est, hélas, de constater que la politique arabe de la France ne fait plus écho, aujourd’hui, avec les doléances des principales capitales arabes et levantines.

Faut-il y ainsi voir dans l’incapacité française à imposer un cessez-le-feu, tout en reconnaissant le droit d’Israël de se défendre ; en se réjouissant, malgré tout, des timides avancées sur le plan humanitaire que le déplacement présidentiel aura néanmoins permis d’obtenir, un assourdissant effet collatéral de l’effacement diplomatique occidental ?

Emmanuel Dupuy


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