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Journée Internationale de la Femme : Christine Goguet, l’ultra féministe

Elle est une femme de plume et de presse. En cette Journée Internationale des Femmes du 8 mars, Christine Goguet nous offre sa poésie et son regard sur les femmes et les hommes de notre temps. Doux portrait de l’ancienne patronne de presse devenue directrice de la Mission mécénat et partenariat.

Copyright des photos A. Bordier et C. Goguet

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Elle est une femme d’exception à n’en pas douter. Dès le premier regard croisé, dès la première main serrée, la première parole écoutée, on remarque chez elle un caractère, une personnalité, un univers très personnel, rempli de poésie, de finesse et de douceur. Elle aimerait être, en plus, une artiste-peintre. Mais, elle est, déjà, une artiste accomplie : une artiste-plume.

« Le silence m’est nécessaire », introduit-elle en ouvrant la porte de sa demeure. D’emblée dans une longue conversation qui va durer près d’une heure, elle va tout évoquer ou presque. Cette conversation, rare et quelque peu introspective, a pour angle principal la Journée de la Femme.

Elle se répète : « Oui, le silence m’est nécessaire, tant à la fois que la présence des êtres, celle de mes proches, de ma famille, de mes amis et de la communauté. Oui, silence et présence sont très importants. J’ai besoin de ce refuge pour pouvoir m’exprimer, donner libre cours à ma pensée et à ma plume qui se transformeront en enquêtes, en grands et petits reportages, en pages d’écriture pour mes livres. Je suis, également, une femme contemplative. J’aime contempler l’art, le beau et la nature. » Le ton est donné. Il est aérien.

B comme best-seller

Le décor est planté, un décor où l’âme en est le coeur. Dans son havre de paix intime, son environnement intérieur familial ressemble à sa propre écriture : gracieux, il est sobre et rempli de livres. Comme dans une sorte de parenthèse inattendue, nous entrons dans sa bulle de silence. En refermant sa porte d’entrée, le bruit de la grande ville s’est tu. La bulle de silence commence à se remplir de mots.

Etonnamment, cette Lyonnaise est, aussi, une femme qui apprécie les belles mondanités. Celles qui ont du sens et qui durent dans le temps. « Ma solitude m’est nécessaire pour mes lectures et mes écritures. C’est une solitude peuplée de livres, et des personnalités que j’ai rencontrées tout au long de ma carrière de journaliste et d’auteure… »

Christine Goguet ne termine pas sa phrase. Elle se lève et va chercher ses ouvrages : Album de familles des Lyonnais, publié en 1993 aux éditions Horvath. Il y a, également : Refuser le malheur des hommes – Les 30 ans de Médecins du Monde, aux éditions Le Cherche Midi, paru en 2010. Et, son petit dernier : Les Grands Hommes & Dieu, aux éditions du Rocher, a été publié en 2019. Ses livres sont des best-sellers.

Une Lyonnaise à l’enfance blessée

« Toute mon enfance a été bercée par les livres. Et, ce sont les livres qui m’ont sauvé… » La voix douce de Christine ressemble à une porte qui s’ouvre sur la crête de notre humanité, sur celle de notre civilisation, et sur ses heures sombres. Difficile de parler de soi, quand on a eu une enfance blessée, malheureuse, marquée par des drames familiaux aigus. La perte des proches que vous aimez, qui vous ont nourri, porté, ressemble à une porte qui se referme à tout jamais, dans la nuit. Mais, il y a des exceptions. Car, pour Christine, la porte est, toujours, restée ouverte. Elle ne pouvait se refermer. Elle restait entr’ouverte, coincée par des livres. Une porte qui laissait passer la lumière. Une porte ouverte à la curiosité, à la gentillesse et à l’intelligence.

« Je suis quelqu’un de très curieux, continue-t-elle. Et, je suis très attentionnée aux autres. Je suis passionnée et déterminée. Je crois dans une forme de spiritualité, de l’esprit qui nous invite à la bienveillance et à la gentillesse. C’est quelque chose de très important la gentillesse. C’est quelque chose qui disparaît. La gentillesse est la noblesse de l’intelligence. J’ai à cœur la justice. »

La vie plus forte !

Christine Goguet évoque la justice et la justesse, qui ont bercé son enfance en équilibre sur un fil : le fil de la vie plus fort que … Elle évoque son enfance, la place Bellecour à Lyon, sa famille. « Depuis ma naissance, j’ai l’âge de mon âme. Et, je crois que j’ai gardé mon âme d’enfant. C’est important de garder son innocence, sa pureté. » Christine met la barre haute. Son regard clair, qui tient du bleu du ciel et du vert de la tige de papyrus, invite à la transparence.

« Ma mère, Claude, était à la fois ma maman et mon papa, car j’ai perdu mon père jeune. Il s’appelait Jacques… Ma mère était exceptionnelle… ». Les questions à poser deviennent de plus en plus difficiles, alors que la voix de Christine se fait presque chuchotante. Les secrets douloureux de l’enfance remontent à la surface. Christine a vécu des drames intimes.

La naissance d’une féministe

Elle cite, à ce moment-là, Péguy et le général de Gaulle. « Pour moi, le général de Gaulle est devenu une véritable référence, parce que contrairement à beaucoup de grands hommes, dont je parle dans mon livre, c’était un homme d’un seul tenant. » Christine a, toujours, recherché l’unité de vie. Elle n’aime pas et se méfie des doubles, des triples et des quadruples faces. Elle n’aime pas les masques multiples. Elle aime l’authenticité en majuscule : AUTHENTICITE. Elle aime, aussi, la curiosité.

Elle a développé tout au long de son enfance son don de curiosité. Elle est curieuse des autres, de leurs actions, de leurs histoires, de leurs œuvres et de leurs êtres. Elle préfère l’être à l’avoir. Elle aime les écouter et les interroger. Elle aime les mots, vraiment. Mais, surtout, elle aime profondément les autres. « Moi, ce qui m’intéresse c’est l’être dans toute son essence et sa profondeur. »

D’où vient cet amour, qui paraît appartenir à une autre époque, à un autre temps ? De sa mère qui était son mentor, son modèle. Elle était sa force. Sa mère était féministe. Féministe ?

La Journée Internationale de la Femme

« Oui, nous sommes des féministes dans la famille, des féministes de la première heure. Nous allons bientôt fêter la Journée Internationale de la Femme, le 8 mars. Mais cette fête ne devrait pas être le 8 mars. Cela devrait être tout le temps. On devrait fêter la femme tout le temps. » Elle se met à rire, en même temps qu’elle feuillette son livre : Les Grands Hommes & Dieu.

Sur le sujet du féminisme, elle se situe plus dans l’équité que dans l’égalité très à la mode. « En étant féministe depuis toujours, je pense qu’il faut plus de nuance. La nuance c’est l’intelligence. Notre époque est trop survoltée. L’émotion prend le pas sur la raison. Et, c’est dommageable. Car le dialogue, vous le voyez bien, entre les hommes et les femmes est altéré. » Elle met en garde et dénonce, également, la mode actuelle autour du wokisme…

Christine Goguet se définit comme une ultra-féministe. Elle évoque sa grand-mère divorcée, qui, seule, avait lancé son entreprise. « Il a fallu se battre à une époque où les femmes dépendaient beaucoup des hommes ».

Ses modèles de femmes ?

Sa liste serait longue, mais elle commence avec Catherine de Médicis. Là, c’est l’art qui est effleuré du doigt : celui, magnifique, de Florence en Italie. Mais Catherine de Médicis est, également, connue pour être une femme de tête, notamment, lorsqu’elle travaille à l’unité du Royaume de France. Mariée à Henri II, à sa mort, elle essaye de réconcilier les catholiques et les protestants. Nous sommes, alors, au 16è siècle.

Plus près de nous, c’est sœur Emmanuelle, la chiffonnière du Caire, une femme de don, de cœur et d’âme, qui a apporté à Christine ce « souci de l’autre et du plus petit ». Elle aime, aussi, parler de Simone Veil et d’Elisabeth Badinter.

Sur le sujet de l’avortement qui a fait son entrée dans la Constitution, elle répond : « Oui, à l’avortement. De nombreuses femmes ont souffert et souffrent encore, mais, non à l’avortement comme contraception. Aujourd’hui, nous avons les moyens de contraception que les femmes n’avaient pas, il y a 50 ans. » Pas simple de parler de ces sujets qui ont refait surface au plus haut niveau de l’Etat et de la Nation.

« En tant que chrétienne, ce siècle m’interroge beaucoup », finit-elle par conclure sur le sujet. Elle reparle, dans la foulée, de spiritualité : « Elle manque beaucoup à notre temps… »

« La lecture m’a sauvé »

Après ses études de droit, Christine fait une école de journalistes, le CFJ à Paris. Puis, elle démarre sa longue carrière de journaliste, comme correspondante du Figaro à Lyon. Elle est très talentueuse et devient vite Grand Reporter pour le Figaro Quotidien. Elle réalise des enquêtes et des grands reportages exclusifs, à couper le souffle, comme l’interview de Lech Wałęsa ou le scoop sur « L’affaire Michel Noir », la première greffe d’une main (Jean-Michel Dubernard), etc. « Oui, l’interview de Lech Wałęsa m’a beaucoup marqué dans les années 80. A la même époque, j’ai réalisé l’interview de Hafez El Assad. »

Lech Wałęsa ? Oui, le syndicaliste de Solidarnosc, qui s’est opposé au régime communiste de l’époque et a fait plier Moscou et Varsovie aux volontés du peuple de Gdansk, des chantiers navals.  Quelques années après, en 1989, c’était la liberté balbutiante mais retrouvée des anciens satellites de l’ex-URSS. L’électricien allait devenir président de la République de Pologne entre 1990 et 1995. Un parcours hors-du-commun, qui a des similitudes avec celui de Nelson Mandela.

Le journalisme et Christine Goguet sont une seule et même famille. Il en est de même pour les livres : « La lecture, l’écriture…. Les livres sont ma deuxième famille. Celle de l’apprentissage, celle de l’évasion. »

Des grandes femmes et Dieu

Dans son best-seller Les Grands Hommes & Dieu, Christine présente, notamment, deux femmes, deux roses, de premier plan qui pourraient servir de référence pour la journée du 8 mars. Elle présente Mère Teresa et Margareth Thatcher : une dame de cœur d’un côté et une dame de fer de l’autre. Toutes les deux ont des points communs : Dieu, l’engagement et le service. Dieu et les autres, devrait-on écrire.

Dans son ouvrage, Christine retrace leur histoire et résume leur vie. Elle parle de leurs doutes, de leurs ténèbres. La vie est faite d’ombres et de lumières. La longue vie de Mère Teresa à Calcutta, au milieu des pauvres, est pour elle un testament universel, civilisationnel : « Mère Teresa laisse en testament l’image d’un espoir invincible et elle est devenue à travers le monde entier un symbole de compassion et d’amour de Dieu. »

Quant à Margareth Thatcher, ce qui étonne Christine c’est qu’elle a été « la plus fidèle de tous les Premiers ministres aux services du culte ». Tous se souviennent de la Dame de fer face aux grévistes de 1984 et 1985, où elle est restée inflexible. Sa victoire est une « révolution qui va bouleverser durant ses trois mandats pour de nombreuses années l’horizon social et politique du pays ».

Du Figaro au CMN, en passant par Amaury

Professionnellement, Christine fait, donc, une grande partie de sa carrière journalistique au Figaro. Elle va monter les marches du journal et en devenir Directeur Général. Au sein du groupe de médias, elle développe des start-ups médiatiques comme le Figaro Étudiant. Nous sommes en 2000. De l’art et de la culture à tous les étages. En 2007, elle se met de nouveau en quête de nouveaux challenges, de nouvelles idées, d’une nouvelle vie. Elle intègre, ainsi, le Groupe Amaury. Là, ses talents de patronne de presse s’en donnent à cœur-joie. Elle lance un nouveau magazine qui lui colle à la peau : La Parisienne. Nous sommes en 2008. Elle multiplie les projets médiatiques et développe les éditions spéciales du Parisien. Son ascension ne s’arrête pas là. Car, en 2010, lui est proposée la direction des Relations Institutionnelles du Groupe Amaury.

Après le rachat du Parisien par LVMH en 2015, elle retrouve le monde de l’art, de la culture et du patrimoine, qu’elle n’a jamais, véritablement, quitté. Elle tourne en partie la page des médias, pour ouvrir celle du mécénat et des partenariats du Centre des monuments nationaux (CMN), dont elle dirige les services.

Le CMN fête cette année ses 110 ans. En 1914, il est créé sous le nom de Caisse nationale des monuments historiques et préhistoriques, il devient le CMN en 2000. Cet établissement public est placé sous la tutelle du ministère de la Culture.

Coups de cœur au féminin et au masculin

Christine Goguet fourmille, toujours, de projets. Elle aimerait, d’ailleurs, écrire davantage sur les femmes. Mais, son plus grand coup de cœur, elle le donne à deux hommes : à Antoine de Saint-Exupéry, l’illustre auteur du Petit Prince, et à Antoine, son fils, qui est, aussi, journaliste ! Un coup de cœur culturel et maternel à la fois.

Ses rendez-vous s’enchaînent. La conversation journalistique aux parfums poétiques, élaborés au féminin et au masculin, se termine. Christine referme la porte de son bureau, alors que son chat Gizmo vient de se réveiller. Au même moment, son petit chien Bella fait une apparition presque virevoltante en jaillissant de nulle part.

Son dernier coup de cœur ? « Je me suis rendue à l’Entrée au Panthéon de Joséphine Baker, [le 30 novembre 2021]. Vraiment, cette femme était comme une étoile qui scintille dans la nuit de nos ténèbres. Elle était une résistante. Elle était amoureuse de la France. Elle a adopté de nombreux enfants. Quelle vie !

Et, puis, le 21 février dernier, j’étais, de nouveau, au Panthéon pour l’Entrée de Missak et de Mélinée Manouchian. Ces héros, ces femmes, sont nos raisons d’espérer. Surtout en ce moment… »

Une nouvelle Marianne ?

Le 8 mars arrive à grands pas. Christine Goguet en serait la nouvelle Marianne, que cela n’étonnerait personne. Car, en résumé : elle aime les autres, la culture, le journalisme, la littérature et le… silence. Ce ne sont pas André Bercoff, Björk, Mein Chen Chalais, Laurent Dassault, Garou, Brigitte Fossey et Maryvonne Pinault, etc., qu’elle côtoie, qui diront le contraire. Et, vue du Ciel, Charles Aznavour et Denis Tillinac ne tarissent pas d’éloges sur elle.

En 1997, Charles Aznavour (1924-2018), dont on fêtera le centenaire de sa naissance le 22 mai prochain, devenait, à son tour, féministe lorsqu’il chantait Le droit des Femmes. Quant à Denis Tillinac (1947-2020), qui a préfacé le dernier livre de Christine, il est un écrivain célèbre. On lui doit, le fameux livre Elle : Eloge de l’éternel féminin, paru en 2019 aux éditions Albin Michel.

Ah, si l’Eternel pouvait chanter. S’il pouvait parler du Féminin… Que dirait-Il ? « Femmes, je vous aime ! »

Messieurs, vous savez ce qu’il vous reste à faire… à fêter les Femmes ! Christine Goguet, pour sa part, est retournée vers l’écriture et la douceur de vivre. Elle a refermé la porte de sa petite maison où elle demeure, et a repris sa plume au féminin.

Portrait réalisé par Antoine Bordier


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