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Giscard, le voyageur sans bagage ?

Valéry Giscard d'Estaing

L’ancien président apparait être plus artiste qu’homme de réalités ! Son cinquième roman « Loin du bruit du monde“ révèle un esprit de création et d’évasion. Et de reconnaître sa plus grande erreur : le regroupement familial !

Il a beau nous prévenir. C’est plus fort que lui. À 94 ans, l’ancien Président de la République ne peut s’en empêcher ; continuer à fausser les pistes et à ne pas se rendre exactement où l’on pense qu’il va ! Remarquez qu’il nous avait déjà fait le coup lorsqu’il était devenu chef de l’Etat, de 1974 à 1981. La France pensait, après de Gaulle et Pompidou, élu un dirigeant moderne, épris de grand large et de libéralisme économique. VGE fit presque l’inverse ! Création de l’impôt sur les plus-values, augmentation des prestations sociales et de la redistribution ; sous son septennat, le pays passe d’un pays où l’Etat jouait un rôle moteur dans l’économie à celui où les prélèvements obligataires se sont le plus développés, passant de 33,5 % du PIB à son arrivée en 1974 à 39,4 % à son départ en 1981. Le « libéral avancé » comme il se qualifiait lui-même en prend pour son grade! Le lit pour son successeur, Mitterrand, était tout trouvé ! Le leader socialiste à la « Rose au poing  » n’avait plus qu’à faire parler son talent de tribun invétéré pour arriver enfin à l’Elysée.

En matière d’immigration, inutile d’insister non plus, président dit de droite, Giscard prit comme un malin plaisir à faire des œillades à la gauche bien-pensante avec une politique immigrationiste à laquelle elle n’aurait jamais pu rêver. Le pli était pris. Jacques Chirac premier ministre instaura même la funeste mesure de « regroupement familial « en 1974 que Giscard regrettera longtemps plus tard, en 2018, comme il le reconnaîtra lors d’une confidence faite à un de ses biographes, Éric Roussel, qualifiant cette disposition de « plus grande erreur commise lors de sa présidence ».

Une mesure que Raymond Barre voulut faire disparaître par décret en avril 1976 avant d’être vertement retoqué après le refus du Conseil d’Etat en 1978. 40 ans après, le mal s’est amplifié, on l’ a même étendu en 2020 le droit aux enfants mineurs. Lire à ce sujet le dernier numéro de notre confrère « L’Evenement magazine » qui titre en une : « faut-il stopper l’immigration ? »
Au plan des mœurs, ce Chef d’Etat grand bourgeois et policé fut celui qui osa bousculer les consciences avec sa réforme de l’avortement et sa ministre, la courageuse Simone Veil…
Alors aujourd’hui, quand on découvre le nouveau roman de Giscard, son cinquième intitulé du titre prémonitoire de « Loin du bruit du monde“ (XO Editions). Comme si l’ancien président en était rassasié de ce nouveau monde dans lequel il
ne se retrouve plus ! « Une véritable crise de civilisation a commencé au début des années 2000 : notre civilisation a cessé de se considérer comme créatrice d’art, de constructions… Elle ne ressent plus la nécessité de créer », confie-t-il sans fard à notre consœur du Figaro, Anne Fulda.
Peut-être en a-t-il assez soupé de cette période actuelle si troublée, se permettant simplement de souhaiter : « Que la France puisse se relever de cette période pénible et aller de l’avant.La France en a grand besoin. »
Difficile de parler plus clair… On comprend que l’ancien président, amateur de Maupassant, Tolstoi et d’Ormesson éprouve le besoin de prendre du champ. Et cela passe par la littérature et le roman en particulier.
Au point de vouloir envoyer son héros, un certain André Reilly, au bout du monde, en pleine Afrique, dans une petite partie de la République Centrafricaine. Un endroit improbable, dans une maison assez inaccessible près de Derbisaka que notre ancien brillant esprit connaît bien, il y venait chasser. Et c’est là, qui l’aurait dit, que visiblement, il semble le mieux a mémé de s’évader ou de recouvrer ses esprits ! À chacun, ses jardins secrets !

À moins qu’il ne supporte plus l’idée de porter la moindre responsabilité de l’évolution d’un pays, le sien, dans lequel il porte forcément une certaine part de responsabilité et dans lequel, on l’a vu, il ne se reconnaît plus vraiment. Surtout lui qui rêvait, on s’en souvient d’une « démocratie apaisée… » On en est loin !
Mais ne soyons pas trop tranchés avec Giscard qui a toujours été tellement brillant au point sans doute d’en négliger une certaine forme de réalité. Avoir raison en théorie n’est pas toujours le meilleur moyen de faire progresser un pays. Encore faut-Il que l’intendance suive ! Dans un pays aussi administré que la France, l’affaire n’est pas aisée, on le constate, chaque jour, dans cette crise sanitaire où l’exécutif a un mal fou à se faire suivre par l’appareil bureaucratique !

Pour être tout à fait juste, reconnaissons aussi qu’aucun de ses successeurs depuis 1981 n’a fait vraiment mieux que lui… C’est sans doute pour cela que nous en sommes rendus là… Faut-il pour autant se décourager et se réfugier « Loin du bruit du monde“ comme l’écrit Valéry Giscard d’Estaing. A 94 ans, il en a bien le droit. Mais pour nos dirigeants actuels, c’est presque l’inverse qu’il faut faire : « Proche des réalités de la vie « !

Robert Lafont
4 novembre 2020


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