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Est-ce le bon moment pour acheter de l’or ?

Guerre en Ukraine, attaque du Hamas, spectre de la récession... Alors que la situation internationale se tend, l'or semble redevenu une valeur refuge. Faut-il acheter de l'or pour protéger son patrimoine ? Éléments de réponse avec Jean-François Faure, expert en métaux précieux et monnaies, et président-fondateur d’Aucoffre.com.

« Un conflit qui s'étendrait à l'Iran pourrait avoir un impact fort sur le cours de l'or. »

Peut-on observer « l’état du monde » à travers l’évolution du cours de l’or ?

Effectivement, le prisme du cours de l’or a toujours été un précieux indicateur pour évaluer l’état de l’économie mondiale et analyser les différentes crises. Dans certains cas, il peut refléter l’évolution du marché, intrinsèquement liée à l’activité humaine, la politique des banques centrales — inflation, taux directeurs, force du dollar —, mais également à la géopolitique. Il agit comme un baromètre économique et social pour disséquer et comprendre les dynamiques mondiales, bien qu’il ne soit pas infaillible. Si on se base uniquement sur les deux dernières décennies, le cours de l’or a battu des records à chaque crise :

  • En 2009, lors de la crise des subprimes, le cours de l’or flambe et grimpe en flèche comme une réplique à la catastrophe financière ambiante.  
  • Entre 2010 et 2012, l’euro est asphyxié par les différentes crises successives en Italie et à Chypre, ce qui a fait grimper mécaniquement le prix de l’or.
  • Si en 2014 l’économie se stabilise légèrement, laissant une petite accalmie à l’or, le cours du métal jaune se réveille en 2015, conséquence de la crise grecque, du Brexit et de l’élection de Donald Trump, qui ont tour à tour secoué l’économie mondiale au profit de cette valeur refuge.
  • Fin 2019, le cours de l’or est dopé par les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine. À cela s’ajoutent les incertitudes autour de la crise Covid qui a contaminé les finances publiques. Le métal jaune atteint des records quasi historiques en mars, puis en aout 2020 (+5%), avant de baisser comme prévu le jour de l’annonce du vaccin en novembre 2020. 

Ces derniers temps, l’or était plombé par la hausse des taux d’intérêt. En effet, les obligations et bons du Trésor américain entraient fortement en concurrence avec le métal précieux avec des rendements à 4 ou 5 %. Rappelons que l’or ne produit pas de rendement — intérêts, dividendes, loyers —, mais uniquement une possibilité de plus-value à la revente.

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Cependant, on peut observer une poussée fiévreuse du cours de l’or favorisée par la guerre en Ukraine, puis par l’attaque terroriste du Hamas en Israël. Le réflexe culturel « valeur refuge » fonctionne toujours. L’évolution du cours de l’or est effectivement étroitement liée à la géopolitique. Tensions, conflits internationaux et crises diplomatiques peuvent inciter les investisseurs à renouer avec les métaux précieux, l’or étant souvent considéré comme une protection contre la dévaluation des devises en période d’incertitude. Ainsi, les fluctuations du cours de l’or peuvent refléter les conflits et les crises qui secouent le monde.

La hausse du cours de l’or sera-t-elle durable ?

Difficile de le prédire avec certitude puisque l’or est influencé par de multiples sous-jacents. Par exemple, un cours de l’or au plus haut n’arrange pas franchement les Indiens qui consomment beaucoup d’or, notamment lors de la saison des mariages, de novembre à février. La demande indienne risque d’être moindre, mettant ainsi les cours sous pression.

En revanche, si l’économie mondiale décline en 2024, comme le prévoient les analystes de la direction du Trésor, la demande en or devrait être plus forte et maintenir les cours. Si les indices boursiers flanchent, il est aussi possible que l’or prenne la direction inverse. Enfin, on remarque que certaines banques centrales sont toujours fortement acheteuses (Pologne, Chine…) sans aucun doute pour se protéger face à la menace d’un conflit qui se prolonge et qui gagne nos frontières.

Autres motifs qui poussent les banques centrales à renflouer leur stock de métal jaune : maintenir la stabilité et la confiance, diversifier les actifs face à une inflation tentaculaire et enfin se couvrir contre l’érosion monétaire. À noter également que les taux d’intérêt, l’inflation et les taux de change peuvent influencer la demande d’or et générer des fluctuations sur le marché financier.

Si le conflit s’élargit à d’autres pays de la région, comme l’Iran ou le Liban, quel sera l’impact sur l’or ?

L’or réagit au son du canon. Nous pouvons donc imaginer qu’un conflit qui s’étend, notamment à l’Iran, peut avoir un impact fort sur le cours de l’or.

Peut-on comparer le prix du pétrole avec celui de l’or ?

Ce ne sont pas du tout les mêmes actifs tangibles. L’utilisation industrielle de l’or est très limitée par rapport au pétrole. Et même si ces deux matières premières ont une quantité connue, l’or se recycle aujourd’hui, donc son usage peut être prolongé. De plus, le marché de l’or est principalement constitué d’or physique (60% en bijoux, lingots et pièces) et d’or papier (contrats à terme et ETF) au même titre que le pétrole est négocié sur des marchés de contrats à terme (pétrole Brent, pétrole brut léger), bien que ces marchés aient donc leurs propres mécanismes et spécificités.

Si les cours de l’or et du pétrole ont eu la même réaction au moment de l’attaque du Hamas et précédemment lors du déclenchement du conflit en Ukraine, c’est parce que les deux régions concernées par les conflits sont aussi productrices de pétrole. D’ailleurs, si on regarde le cours du palladium, dont la Russie est le principal fournisseur mondial, il n’a absolument pas augmenté depuis la mise en place des sanctions économiques occidentales contre Moscou, bien au contraire.

Quel comportement adoptent les épargnants français depuis le déclenchement de la guerre ?

Les Français ont visiblement repris leurs bonnes habitudes d’épargne, fortement influencés par le choc de l’inflation, elle-même alimentée par les différentes crises qui pèsent sur les portes-monnaies. Dans ce contexte particulièrement anxiogène, ils sont de plus en plus nombreux à reconsidérer le livret A, qui figure toujours comme l’un des placements préférés des Français avec l’assurance-vie afin de se constituer une épargne non fiscalisée.

Néanmoins, l’or reste une option, voire un réflexe ancré dans les mœurs en période de crise. Historiquement, le métal jaune est considéré comme une réserve de valeur fiable, à l’abri des fluctuations monétaires et des épisodes inflationnistes, ce qui en fait un véritable refuge actif en période d’incertitude. Les événements géopolitiques (crises, guerres, conflits armés) provoquent chez le particulier un réflexe de protection de son patrimoine et donc l’achat d’or comme valeur refuge.

En 2023, on a aussi assisté à une volonté des épargnants de se défendre face à l’inflation et les prévisions de difficultés économiques : augmentation de la collecte sur le livret A, décollecte des SCPI (pierre papier), mais aussi l’achat d’or, parfois physique sous forme de mini-lingots ou de pièces… À cela s’ajoute une certaine défiance vis-à-vis des circuits économiques classiques. Certains épargnants ont tendance à renouer avec des actifs plus solides et à se tourner vers des valeurs refuges telles que l’or pour diversifier leur portefeuille physique.


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